notre père qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié, que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. donne-nous aujourd'hui- je le choppe par le col de sa blouse piquée pierres et sequins et le violente face première au baiser du miroir crasseux qui nous moque la fièvre sale. ça fait réagir le blond typé fils-de branché qui se rafraichissait le rouge à ses pommettes — là, penché au-dessus du lavabo, la croupe en pitance à la vue de qui veut bien voir. il déguerpit. dommage. il était pas mal. notre père- ah non. il va pas m'la refaire c't'enculé. ta gueule cole ! la voix rauque, urgente, t'es obligé de me sortir une prière dès que tu te tapes un rail ? j'ai pas toute la nuit connard. que ça l'excite de bander sur un divin unique à chaque fois qu'il s'enfile une raison de mourir comme on sucre son café du lundi — très peu pour moi. ses délires christiques, il peut se les foutre au noir du pif ou du crâne comme ça lui chante. tout ce que j'veux, c'est mes deux cents dollars. et peut-être qu'il est trop perché pour tilter qu'il est pas ce dévot suceur de bible qu'il s'ambitionne être. et peut-être que le litre de vodka qu'il s'est enfilé plus tôt lui enfante un vomi au bide et l'empêche de me conscientiser. il titube, l'air éclaté et les pupilles plus éventrées qu'un cargo de pétrole en mer morte. 'tai... t'es là ? c'est toi ? je le gifle. une fois. deux fois. il rit. je ne ris pas. j'vais pas te baby-sitter. pas ce soir. je fouille ses poches, extirpe la thune de son portefeuille et me casse avec le majeur en l'air et le rictus acide. pour toi. et pour ton dieu.

la foule m'avale et j'avale un verre au hasard volé de mains que je frôle à la remontée des escaliers. la grimace au pétillant fade du whisky-coca. le sourire à ces dérobées de regards qui me louvoient les hanches et les lèvres. j'suis pas assez ivre pour me jeter aux loups avec l'abandon d'une putain, pas assez sobre pour raisonner mes faims de chair et de masculin. j'ai envie de me foutre en l'air comme on hésite le saut du haut d'un pont lorsqu'on embrasse une minute de trop le vide et son appel à le jouir. je veux oublier l'en-dedans ma tête et ses hymnes au désamour. je veux me perdre jusqu'à l'aurore et ressusciter à coups d'aspirine et de remords. je ris. cole, tu sais, ton dieu existe peut-être. le tien, ou celui d'un autre. un dieu quelconque. je ris, oui. parce que, à peine j'arrive au comptoir principal que je le vois. mon shot de fiel, mon envoyé sacré des cieux. oui, sûrement c'en est une — c'est une intervention divine ! une grâce ! je ris. il est là. dans toute sa superbe qui m'irrite jusqu'au poreux de mes os, dans toute sa grandeur qui m'ulcère jusqu'à la bile de mon cœur. seraph. un sparte parmi les hommes. du divin, du vrai. le divin que je hais. le divin que j'exècre. je ris. l'occasion est trop belle, trop irréelle.

quitte à me foutre en l'air, autant le faire avec un mec dont j'ai toujours fantasmé gaver d'amer.

si je n'étais pas athée... j'te penserais héritier chéri des dieux grecs. je dis, la nonchalance chaude et coulante sous le palais. accoudé dos au zinc, les mèches en bataille et le faux-semblant vrai de l'envie de te voir me regarder. regarde-moi, seraph. ah - bien sûr. tu ne sais pas qui je suis. je voudrais rire — encore. ironique, non ? quand, à cette époque encadrée rouille et argent de mes âges adolescents, toute l'île t'acclamait, toi et tes compagnons — vous, parfaits mignons du parfait du panthéon. nous, imparfaits inconnus aux noms et visages tus. oui, tout le monde vous regardait. je te regardais, moi. parfois. et parfois, je t'espérais perdre un combat, perdre un bras, perdre une jambe... perdre, perdre, perdre. oh, comme j'en rêvais ! de vous scénariser soudain minables bêtes dont on se sert à l'égal d'un tapis de paille pour s'essuyer le dédain et la merde. mon sourire s'étire. je dis ça parce que... c'est criminel d'avoir un corps comme le tien. lorsque le barman me fait signe, je lui passe commande avec une indifférence calculée. c'est que tu accapares toute mon attention, voyons ! ce sera une bouteille de rhum. sais-tu seulement boire ? autre que les paroles vérolées de tes idoles célestes ? c'est pour moi. histoire de — mh... célébrer ta belle gueule d'adelphe ? un rire d'oiseau. léger. je nous sers à ras bord, deux verres, deux promesses à l'enfer tacite. une lippe pincée. ingénu factice, lorsque je demande, j't'ai jamais vu ici avant. t'es venu te saouler un chagrin ? te faire un coming-out fucked up ?

que fait un marbre sculpté à la michel-ange parmi ce linceul humain ? tu fais tellement tache, ici. entouré de baise, de liqueurs, de corps moites et de parfums âpres. tu fais tellement tache, là où moi, j'exulte le familier. ici, moi, on me regarde. toujours, on me regarde. le contraste est grisant. j'en ris. j'en ris !