sous la lueur de la lune les choses revêtent des formes invisibles en plein jour. ce ne sont pas seulement les couleurs et les contours, ce sont aussi les mots, les regards. les intentions les plus transparentes face au soleil se drapent du voile de l'énigmatique.
s'il le pouvait, seraph ne fermerait jamais l'oeil: il a l'impression qu'il n'en deviendrait que plus sage, plus éclairé.
la nuit, même quelques graviers lancés contre une lucarne se parent d'un autre sens. à cette heure-là, ils appellent la chair.
cassiopée. lui qui l'a contemplé cent fois dans cette obscurité ensorcelante; lui qui l'a mis à nu, puis touché à vif.

viens, lui dit le fils de némésis, et seraph ouvre la fenêtre, on va se balader sur les falaises, et seraph le dévisage. à cet instant, il n'est ni sage, ni éclairé, mais indubitablement humain.
il enjambe le rebord, anéantit d'un élan la distance qui les sépare.

tu as raison, je ne dors pas. cent-cinquante battements par minutes. une étincelle dans le regard. pendant de longues secondes, il s'imprègne de ses traits, les imprime dans sa rétine. t'as de ces idées...
le ton est railleur, un peu désabusé. les mains dans les poches de son survêtement, comme pour se garder d'un geste incontrôlé - l'effort est immense -, il le toise, élusif dans l’ombre de ses cheveux relâchés. je savais que tu reviendrais. le sourire qui accompagne cette suffisance échoue à lui arracher son sempiternel air morose.
les mots ne sont que de bien futiles artifices, car le corps, lui, ne trompe jamais.

@Cassiopée A. Marinova _ flashback

et de nouveau, ce pincement, quand cassiopée se fait fuyant, l'envie de lui dire attends, de le retenir, de l'attirer. mais il n'en fait rien, enchaîné par cet amour-propre qui le laisse de marbre - ne reste que la lueur au fond de l'oeil et le coeur noué. pour le moment.
sans question, il lui emboite le pas,
vers d'autres secrets, d'autres regards, d'autres regrets.
(cassiopée le connait trop bien).
et lorsqu'il l'entend rire c'est comme s'il redécouvrait ce son. en comparaison, son propre ricanement lui semble lugubre. je vois que t'as pensé à tout...
un flottement. leurs regards se raccrochent, retrouvent bien vite leur complicité. difficile de l'inhiber quand elle coule de source, cette connivence aux relens amers. dans les rétines solaires, le reflet de ses manquements.
et pourtant... les mots prononcés court-circuitent la pensée, lui font oublier la leçon déjà retenue. mhh? cette fois, pas de sourire, mais une étincelle; il le rattrape, penche la tête, lui souffle. il suffisait de le dire, tu sais...
conscient de l'ironie de sa revendication, lui qui ne dit jamais rien.
pour toujours, tourmenté par son défaut fatal.
c'est quand tu veux. mais à condition que ce soit à main nues. pas d'artifices. le sourire fait doucement son retour, réservé, comme triomphant d'une tentative de pudeur mal placée.

@Cassiopée A. Marinova _ flashback

il sait qu'il est fautif. il sait aussi que cassiopée ne l'oublie jamais. mais face à ses mots, l'ego blessé, il ne peut que se taire. il n'y a jamais eu d'artifices. de son côté, sûrement.
et pour seraph?
difficile de saisir les émotions à leur racine quand on se sent si loin des hommes.
ses émotions... - si étrangères à sa raison, sa discipline, ses ambitions - elles ne sont pas pensées, mais éprouvées, souvent contre son gré. (quand les lèvres de cassiopée l’effleurent, il ne pense à rien, il éprouve: le coeur qui se démène dans la cage thoracique, la nuque qui frémit. la main qui se dirige vers ses cheveux clairs, puis de nouveau, la distance. la frustration. l'exaspération - à l'idée de se voir affecté par les faits d'un autre.)
l'obscurité semble se refermer sur sa silhouette, seraph s'allume une cigarette, les nerfs encore brûlants, et comme à chaque fois, retrace ses empreintes.
sans un mot. sûrement parce qu'il n'y a rien à dire.
pendant de longues minutes, leurs ombres s'accompagnent.

jusqu'à qu'il accélère la cadence et dépasse cassiopée. il a repris sa posture volontairement nonchalante, et enchaine quelques pas à reculons pour ne pas le lâcher du regard.
alors? on se le fait, ce combat? le sourire levé, il se penche vers lui, l'invective d'un sourire sibyllin. à moins que tu te soies refroidi.
s'il se défaisait de cette suffisance futile, il ne lui resterait plus que sa dureté - il en serait peut-être plus noble. et encore plus difficile à aimer. alors il le provoque, non sans une certaine fatuité.
perdu dans le mordoré, il se dit qu'il est tout de même un homme bien vain.
ce regard sur lui le pèse, le blesse, et pourtant.

@Cassiopée A. Marinova _ flashback

le goût du sang, la fatigue des corps et la l'acuité des sens, il n'y a que ça de vrai. ils en ont tous deux conscience, de ce lien indéfectible forgé dans la violence - némésis et arès seraient fiers de leurs progénitures.
pris par surprise, il se dérobe une fraction de seconde trop tard et la douleur se fait ressentir presque instantanément. comme assailli d'un bonheur intense, il harponne cassiopée du regard, lui adresse son premier vrai sourire de la soirée.
putain, comme tu dis...  
et cette fois, même lorsqu'il reprend son sérieux, la mine pensive et concentrée, on ne lui trouve plus tant cet air triste qui d'ordinaire le talonne. pas un instant il ne quitte cassiopée des yeux, et la nuque frémit, le coeur repart à pleine vitesse. allez, viens... si tu l'oses. ou je viens te chercher ?
il ne se fera jamais prier pour mener la chasse. (jamais il ne laissera cassiopée s'échapper, lui qui le délaisse puis vient le dérober une fois la nuit tombée).
lorsqu'il s'élance, c'est dans l'espoir de le capturer; et c'est de tout son poids qu'il le précipite dans une chute à l'unisson.
allongé dans l'obscurité des herbes hautes, les épaules emprisonnées dans sa poigne de fer, cassiopée lui semble plus châtoyant que jamais.
parfois tu brilles tellement fort que je dois détourner le regard.
et jamais seraph n'a été si conscient de sa propre faiblesse.

@Cassiopée A. Marinova _ flashback

pendant un court instant, seraph pense l’amadouer. les lèvres se frôlent et s’embrasent, sans jamais vraiment se consumer - encore une fois, le supplice est passager. le feu sous les paupières l’aurait presque induit en erreur - il croit y déceler de l’amour, pas celui qu’on dit à voix haute, ou même que l’on démontre, non, celui que l’on touche, que l’on saisit à bras le corps, non sans une certaine violence.
violence des crocs qui s’enfoncent dans la chair, de la chaleur fulgurante, infernale qui tord ses entrailles et torture ses membres; plus vivace encore que la fièvre d’un baiser.
seraph a l’impression de devenir de plus en plus lourd: ses doigts s’enfoncent dans la peau de cassiopée, marquent l’épiderme déjà balafré de bleu et de violet. un peu plus et il ne pourra plus s’en détacher.
ne me déteste pas... ces mots, il les souffle, comme une incantation, une prière.  trop proche pour que subsistent les subterfuges, il n’a jamais aimé mentir de toute façon. rien n’est immuable au passage du temps. toi et moi, on n’y fait pas exception. dans les enseignements stoïcistes, qui dictent l’impassibilité face au malheur, il trouve sa résilience. mais certaines choses ne changeront pas.
ce fragile équilibre des corps, aimants de même nature, condamnés à s’attirer puis se repousser;
le goût de ses lèvres, qu’il éprouve comme si c’était la première fois;
le respect qu’il lui voue, inébranlable, menaçant parfois de le détourner - et quelle belle preuve d’amour !
car si cassiopée lui demandait de braver le danger, pour lui, il le ferait, ce soir ou dans des années.

@Cassiopée A. Marinova _ flashback

quelque chose chez cassiopée évoque la douceur d'un ange tombé entre les mauvaises mains; en lui, une violence inéluctable - douleur dont seraph refuse de se détourner, quitte à se fondre la rétine et se brûler les lèvres. au contact de son corps, il cautérise ses propres plaies. la coexistence s'est maintes fois montrée impitoyable et vaine; mais toujours, ils finissent par ignorer qu'il n'y a pas de place pour deux. quand il l'enveloppe de ses bras, dans ce paradis éphémère il trouve consolation; oublie - ou s'efforce d'oublier - qu'il lui fera encore perdre quelques plumes.
regretter, pourquoi faire ? question sans réponse, soufflée en vain.
face aux confessions, il regrette de ne pas savoir aimer avec les mots, s'en veut de rester sans voix. peut-on même parler d'amour ? spectral, fantômatique, il ne semble faire sens qu'à travers ses regards. baigné dans cette ombre envoutante qui n'existe que pour eux, il échoue à l'exprimer : le coeur enchainé à l'ego.
alors reste à mes côtés. je serai ton arme, l'épée la plus affutée que tu aies jamais maniée, promesse déjà dissolue par le non-dit, jamais formulée.
l'étreinte se resserre, sa main se perd dans les cheveux clairs, les sens réconfortés par leur familière scenteur. il est cupide, il le sait, ses gestes exhalent la convoitise. je te veux toi tout entier. de ses exigences, il l'emprisonne; il attend de lui qu'il lui cède tout; lui qui n'a jamais su dire je t'aime, il est prêt à donner mais surtout à prendre davantage.

@cassiopée _ flashback

il n'aime pas mentir; dans leurs étreintes et leurs baisers, il n'en a pas besoin (ses mains, sa peau, son souffle parlent pour lui). le silence se pare de certitude, éprouvé et éclairci par les sens. leurs silhouettes se confondent à nouveau, les doigts s'enroulent autour des poignets, les pouces caressent les veines bleues sous la peau translucide.
toujours sous le coup de l'emportement, ses tentatives de tendresse se heurtent à la brutalité qui lui emboite le pas, irréductible et écrasante.
cassiopée fléchit, promet : les battements du coeur reprennent leur rythme endiablé. tu es fort, cassiopée. lui qui se trouve incapable d'aimer les êtres faibles, il jure ainsi son adoration, de fils d'arès à fils de némésis. dans la fragilité de son amant, une puissance dont il n'a jamais été capable. et dans ses yeux limpides, il aperçoit son propre reflet - figure du désarroi.
il sait qu'il le blessera encore, et encore. et encore.
je ne te laisserai pas t'envoler. déjà, il plie sous le poids du serment.

@cassiopée <3 _flashback