il te connaît depuis sa plus tendre enfance, tu sais ;
lorsqu’il était petit, il t’a lu dans un Livre.
l’ouvrage semblait immense entre ses mains gamines, et ses pages pesaient tant qu’il tremblait à l'ouvrir - quand même il y passait des âges opiniâtres, à déchiffrer les textes. dedans, tu es David. ton père s’appelle Jessé, et tu possèdes six frères. un jour on fait de toi le grand roi de Juda et certains finissent même par te sacrer messie ; cependant avant ça, tu n’es qu’un jeune berger.
peut-être pour cela qu’il t’attendait autant - qu’il se sentait de t’attendre une éternité - à ses yeux d’adulte tu restais ce David dont il voyait l’image s’esquisser en la Bible.
à cette heure-ci le ciel est un brasier pâle, camaïeu rosange, dont les raies de lumière lacérées des colonnes paraissent griffer le marbre de l’ecclésia. il tombe sur le sol des zébrures en or ; l’une d’elles atteint d’ailleurs le visage de Tau, qui se tenait debout au sommet de cent marches, et son éclat topaze l’éblouit fortement ;
jusqu’à ce que tu viennes et c’est comme une éclipse. tu viens, et le soleil s’en va rendre l’âme dans ton dos. dès lors Tau revoit clair, s’arrête d’être aveugle. s’il bat un peu des cils c’est qu’il ne comprend pas - pourquoi tu viens et puis lui mandes son pardon - du moment que tu viens lui rejouer les guides, le David jeune berger des Saintes Écritures ... je suis pas en colère. oh jamais de la vie. te ravoir à nouveau devant lui suffisait - au suivant ces semaines bouleversées ici, c’était presqu’un miracle - d’ailleurs les effigies des dieux l’effraient moins et lui s’arrête alors de frissonner dessous. à l’ombre de l’Olympe, il ferait quasi-bon. une seconde il en a pratiquement du cran, assez pour s’avancer et te presser la main ; il y ferme ses doigts, avec une force d’oiseau qui ne subsiste pas, qui s’efface tout de suite. au fond il vérifie ta présence tangible, solide et non fantôme. après ça, Tau s’écarte. je t’excuse si tu veux. si ça te fait plaisir. j’étais pas en colère. juste inquiet. sans David pas d’histoire de troupeau retrouvé ni de prospérité pour la Jérusalem. et toi ? toi tu m’excuses ? tu dois être au courant ; s’il est ici maintenant c’est parce qu’il augure, pour de vrai. j’ai tout vu. le concert, et les monstres. j’ai tout vu dans un rêve. malgré tout malvoyant puisque j’ai oublié. et désormais des dieux reposent en des ventres de dragons, de chiens, de dévoreurs de foi. David, tu m’excuses ? murmuré au plus bas ; il craint d’être puni.