eunice peut facilement énumérer les choses qu'elle n'apprécie pas. ce n'est pas qu'elle peut les compter sur les doigts, c'est qu'elle les connaît trop bien et met son doigt sur cette chose qui l'énerve assez pour la garder en mémoire. eunice n'aime pas les températures qui remontent d'un coup, pourquoi avoir mis un pull si c'est pour mourir de chaud dedans. eunice n'aime pas la manière dont s'excuse de vivre, mais ça la conforte dans soin envie d'exister plus fort que les autres. elle n'a aucun amour ceux qui marchent lentement, il y a quelque chose de frustrant chez eux qui lui donnent envie de les pousser violemment. eunice a surtout en horreur, ceux qui ne l'écoutent pas. elle se tue à souffler d'une délicatesse dégoûtante son envie de bien faire aux autres et ce serait cracher sur son travail de ne pas prendre en considération ce qu'elle dit.

il y avait un temps où yong-nam prenait soin de rester toujours derrière elle. elle ne sait pas ce qui lui a appris de fuir ainsi et ce n'est pas quelque chose qu'elle apprécie. elle a supposé à l'une de ces vilaines crises d'adolescent qui le pique un peu tard. elle s'est dit qu'il s'agissait de son immaturité encore trop présente. ce n'était pas très grave pour eunice. même si elle maudit déjà le bâtiment devant lequel elle se trouve, elle acceptera son pardon. les escaliers grincent sous ses talons et elle se dit qu'il est bien pathétique de finir ici, caché de tous, exposé au danger. angel avait sa manière bien à lui de faire, et ce n'est pas quelque chose qu'elle voulait considéré. sa manière n'était pas la sienne.

devant sa porte, elle prend quelques minutes à se demander s'il était bien là, puis elle se rappelle qu'elle l'a vu rentrer plus tôt - si on lui demande, eunice est bien resté devant ce taudis dans le starbucks d'en face de trop longues minutes. elle finit par sonner, son index reste appuyé quelques secondes, elle attend, puis elle appuie à nouveau.

— yong-naaaaaam. ce n'est pas très poli tu sais ? tu devrais répondre quand on te parle. tu es devenu timide ? voyons.. sa voix a cette lenteur apaisante. elle a ce ton qui appelle à sagement écouter, comme quand on souhaite faire dormir un enfant.
 

s’il y a bien un mot pour décrire yong-nam, c’est la lâcheté.
et même petit, c’était ce qui le représentait le mieux : trop lâche pour parler, trop lâche pour se battre, trop lâche pour exister.
alors il se cachait. et parfois quand se cacher devenait un supplice, il allait pleurer silencieusement aux côtés de ceux qui arrivaient à soigner ses maux physique ou de cœur un court instant.
mais angel à grandi, et il ne pleure plus (ou moins). alors il a simplement fui.
pourtant on ne semble pas l’oublier - parce qu’on vient encore lui parler, le chercher, le hanter ! s’il était mort, peut-être que son existence aurait été effacée des esprits (mais jusqu’à sa propre mort, il est d’une terrible irresponsabilité qu’il ne fait qu’ignorer).

la sonnette résonne plusieurs fois, retentit jusqu’à sa chambre, jusqu’au travers de son casque - vu l'insistance de celle-ci, il se lève, agacé qu’on le coupe dans ses occupations (futiles). et il n’a même pas pas besoin d’espionner à travers le judas que c’est ta voix qu’il entend. angel s’est figé un instant, joue les morts, les appartements abandonnés - mais c’est trop tard ! le vieux parquet grince sous ses pieds et impossible que tu n'aies pas entendu, vu la trop pauvre isolation de l’immeuble. “ah- putain.” qu’il soupire bruyamment dans son énervement (plus envers lui-même que de ta présence au seuil de la porte).

alors il finit par entrouvrir - il y a encore la chaînette qui l’enferme, apportant un faux sentiment de sécurité - il n’a pas l’air de vouloir t’inviter encore. de son demi visage perceptible, il t’observe (mal, c’est devenu naturel chez lui) le temps d’un silence, avant de se mettre à sourire (ceux qui se moquent)  “... désolé, j’suis pas intéressé par la bible et dieu et cetera.” d’un air trop insolent - ça doit être ça oui, une vilaine crise adolescente très tardive.

eunice avait oublié les enfants insolents en haut de sa liste. son sourire se dessine naturellement quand la porte s'entrouvre jusqu'à son maximum. ses yeux se reposent directement sur ce qu'il désire montrer de lui et sans un mot, ses doigts glissent pour bloquer la porte d'être éventuellement fermée. elle ne voyait aucune logique à ses tentatives de se faire oublier parce qu'elle viendrait toujours le voir d'une manière d'une autre.

— tu essayes l'humour maintenant ? elle demande de ces tons naïfs qui font exprès de ne pas voir son envie de s'isoler.

eunice n'a pas rigolé, et elle rigole rarement quand la colère prend doucement place dans son corps. elle préfère yong-nam docile, quand il était trop lâche pour renoncer. cette espèce d'indépendance ne lui va pas du tout au teint et ça la fatigue elle. la frustration vient ronger ses nerfs et l'impatience la guette comme une mauvaise solution bien qu'elle soit facile. elle a cette pensée morbide mais brève où ses ongles se planteraient sans douceur dans sa peau afin de le secouer un peu. elle suppose que ça ne ferait que l'effrayer d'avantage, alors elle abandonne lidée.

— ce n'est pas drôle yong-nam. j'aimerai éviter de perdre mon temps, tu comprends mh ?

parce qu'elle lui fait une fleur à essayer de le sauver d'elle ne sait quoi. il devait simplement lui ouvrir, la remercier et l'écouter, puis obéir. rien de plus, et surtout pas moins.

— je ne reviendrais plus après. promesse ou non, elle n'en dit rien, ne jure pas sur parole. peut-être qu'elle fera son retour quand il réussira à fermer les yeux, ou alors c'est sans honte qu'elle frappera à nouveau la porte et qu'elle maudira ces escaliers.
 

visiblement tu es agacée.
puis la porte retenue, montre que tu n’as pas beaucoup de patience.
l’idée à simplement survolé, mais il s’est presque décidé à refermer la porte sur tes doigts. s’en doute qu’il s’en voudrait de t’entendre geindre.
mais c'est annoncé ! tu ne reviendras plus.

alors il ne dit rien pour l’instant, ne souris plus également, même que derrière la porte où tu ne peux pas voir encore, il a resserré ses doigts autour de la poignée - il aime pas trop les ultimatums, ça lui fait trembler les os, c’est désagréable.
mais il pense que ses rêves aussi en seront tout aussi désagréables s’il ne t’y voit plus. que même si les rencontres sont plus rares, ta présence réussit toujours à l’apaiser un peu.

eunice, tu fais partie de ces personnes importantes. ces rares personnes qui ont pu le soigner rien qu’un peu, évitant une mort certaine qu’il se promet un jour sans précisions. et bien qu’il refuse encore d’admettre de vive voix cette sorte d’affection qu’il porte pour toi, le fait qu’il hésite sur tes exigences l’agace assez pour qu’il s’en rende compte lui-même.

donc finalement, il reste sage - il a soupiré, mais défait la chaînette pour t’ouvrir sans râler davantage. “... tu viens pour quoi même ?” une pause “me faire revenir sur l’île ?” il souffle du nez d’un rire amer “à quoi ça sert franchement.” à part me donner envie de crever.

eunice ne cache pas sa satisfaction quand il écoute enfin. elle l'a toujours préféré obéissant. sûrement qu'elle l'a aidé, à sa manière, celle qui ne donne pas le choix que de revenir vers elle, ou du moins, celle où on ne peut pas la refuser proche de soi. sa main quitte alors sagement la porte, ne pense même pas qu'il a la possibilité de lui refermer la porte au nez parce qu'elle sait qu'il écoute si bien quand il veut.

— bonjour à toi aussi !

c'est presque immédiat, eunice rentre sans se faire prier et fait comme chez elle. son regard a balayé la pièce, elle n'a rien dit mais n'en pense pas moins.
c'est misérable,
elle se demande ce qu'il a à gagner en restant ici. elle l'écoute d'une oreille mais ne prend pas réellement en compte sa mauvaise humeur ou quoi que ce soit qui s'en rapproche.

— tu es perspicace c'est au moins ça !

enfin, elle se tourne vers lui, sourit encore. encore une fois, il y a dans ses airs quelque chose qui n'accepte pas les refus. mais il s'agit de yong-nam sous ses yeux, alors elle peut lui accorder le temps de réflexion, elle le sait qu'il n'est pas complètement idiot après tout.

— tu n'as pas l'air convaincu.. ô tu sais, il y a un monde où on risque de fermer les portes ! la décision déjà donnée, il n'en est pour l'instant rien de tout ça. — qu'est-ce que tu feras ici sans personne si ces horribles monstres t'attrapent ? eunice lui impose qu'à part elle, il n'a personne pour l'aider. elle n'est même pas de sa fratrie, et pourtant elle se donne tant de mal, c'était ce qu'il y avait à retenir. — je ne te demande pas de faire tes valises maintenant, juste d'y réfléchir. qu'est-ce que tu fais ici de toutes manières mh ?
 

tw : mention suicide

on ne lui a jamais appris les bonnes manières. alors il ne te dit ni bonjour, ne t’invite ni à t'asseoir ni à prendre tes aises, ne te propose pas ces boissons d’invitation - de toute façon te connaissant, tu n’avais pas besoin de son approbation pour faire ce que bon te semble.
yong-nam referme derrière toi, s’avance à peine dans la pièce laissant une distance ridicule entre vous. bêtement il garde ces allures d’un gamin qui aurait honte de se présenter face aux adultes.

il se fait aussi la réflexion que ta présence ici ne colle pas au décor. pas que tu y fasses tâche - au contraire, c’est plutôt l’inverse : son environnement diffère trop de ta personne. l’appartement n’est pas insalubre mais presque - la poussière s’entasse sur les meubles qu’on ne touche jamais, les pots sont des bouquets de fleurs fanées, les araignées tissent dans les recoins en hauteur - on sent que l’endroit est vieux, mal entretenu par l’absence humaine.
c’est miteux, misérable - plus à son image que la tienne.

et dans ton sourire, il y ressent cette légère sévérité dont tu sais faire preuve sans monter dans les colères. tu es juste assez intimidante pour qu’on t’écoute sans sombrer dans la panique.
“... c’est vrai ?” que vous allez fermer les portes. et étrangement, il pourrait s’en surprendre lui-même, mais les sourcils se froncent un peu à cette annonce. qu’autant il déteste cette île, il y trouve une certaine attache (ça le dégoûte un peu).
en fait ça le répugne tellement cette légère inquiétude, qu’il finit par sourire aux menaces -  “... ahah.” ces sourires qui déteignent dans des rires maladifs “c’est pas très grave si un monstre me trouve.” peu importe il s’en moque ! “j’attends juste qu’un jour quelque chose me tue pour éviter de me suicider.” et lui, il ne fait que préparer son corps pour mieux anticiper la souffrance des morts.

angel devait être chanceux alors, eunice était là pour tout lui apprendre à nouveau. elle a cessé de juger son appartement pour se concentrer sur lui à mesure qu'il parlait. elle n'a jamais quitté son visage mais le sien, à ces mots douloureux, vient se crisper dans des airs peinés. ô le malheureux, c'est qu'elle pourrait lui rejeter dix fois la faute dessus car selon elle, il ne fallait pas s'enfuir de la sorte. s'il était resté près d'elle, elle aurait bien fait les choses. ses sourcils s'arquent dans un sourire doucereux. 

— ils l'ont évoqué comme une possibilité oui. elle ne lui ment pas, mais ne lui dit pas la vérité non plus.

sa réaction aussi minime soit elle, vient la satisfaire. il en faut peu à eunice et elle se nourrit de sa moindre contrariété ou autre bon sentiment, car elle les prend comme tels.

— tu vas devoir attendre un moment, mh ? te faire dévorer.. puis revenir à la vie grâce à hébé et attendre qu'on te tue à nouveau ? quel gâchis ! elle souffle en soupirant. eunice ne voit pas d'intérêt à autant se cloîtrer dans une solitude assassine. comme une vieille personne, elle se dit un instant qu'il s'agit sûrement d'un effet de mode. c'est horrible, mais sous son influence à elle, elle voit mal quelqu'un vouloir s'échappé de son gré. alors eunice reste là, au milieu, les bras croisés. — quand tu auras goûté à la douleur de te faire dévorer, est-ce que tu voudras que ça arrive à nouveau ? c'est qu'elle pourrait même l'aider, elle pourrait le plonger dans un cauchemar cruel, simplement histoire de lui créer son avis. — alors ne sois pas stupide yong-nam, il est plus  sage de rentrer.

cw : thématiques liées au suicide

c’est agaçant de ne pas savoir quoi répondre.
ses actions se basent sur une logique tordue, et même lui ne cherche plus à comprendre ce rêve des morts. un rêve qui semble aussi lointain que trop proche. parfois douloureux et terrifiant, parfois agréable dans cette optique d’une libération.
bien sûr que se faire dévorer - sentir perdre ses entrailles - révèle du cauchemar. et sans doute qu’il viendrait à disparaître dans une agonie interminable- même que la dégustation peut se terminer avant digestion. tout ça pour revenir, et espérer un deuxième tour.
il serait plus simple de se trancher la gorge (oser plus profond), souiller son parquet des flaques écarlates, et se faire abandonner par les dieux qui ne supportent pas ceux qui assassinent leurs propres âmes.

il y a déjà pensé.
il y pense souvent.
il y pensera encore, tout le temps.

seulement parce qu’il n’est pas courageux. il ne le sera jamais assez pour faire face aux monstres assoiffés de sang divins. ni envers ses propres démons qui lui soufflent sans cesse au creux de l’oreille de se transpercer l’abdomen. ni devant les autres de l’île ou le reste du monde - ce serait trop honteux de revenir espérer une sécurité alors qu’il s’était enfui pour… hah- il s’en souvient plus vraiment. angel baisse la tête, l’expression ferme, voulant éviter de faire transparaître sa confusion de ta présence, de ton sermon. de sa piètre existence.

“... pour rentrer où.” c’est ici, qu’il a réussi à se construire ce qui ressemble le plus à un chez lui. c’est ici qu’il se sent le moins malade.
s’imaginer partir, pour un temps incertain d’une vie qui continuera encore trop longtemps, auprès de ceux qu’il méprise le plus- ça l’effraie.
c’est agaçant quand yong-nam ne sait jamais quoi dire. a part faire trembler ses poings d’une anxiété colérique.