les aller-retours à la clinique sont si fréquents, yong-nam en est un peu un client fidèle.
et le personnel trop habitué de voir son visage écorché, il n’y a plus de trop de questions de sa présence - encore lui, alors rien de très grave, c’est habituel, donc il n’en mourra pas - on l’ignore.
pas que ça le dérange. au contraire, ça lui va très bien d’être invisible.
puis il ne fait que patienter son tour (il attend son sauveur).

le monologue hystérique surprend un peu (il a sursauté). les hurlements prennent de la place jusqu'à dans les couloirs. et il a trouvé ça curieux, les soupirs exaspérés des infirmiers. il a trouvé ça étrange, qu’on ignore les fous.
yong-nam guette la porte qui ne bouge toujours pas, la file d’attente qui n’avance pas - il savait (avait l’habitude) qu’il passerait dans un moment.

alors c’est dans ces élans de curiosité mal placé, qu’il se lève pour passer une tête au travers de l’encadrement d’une pièce même pas fermée - celle d’où provenaient les cris - tombant sur une silhouette déstructurée.
celle d’une personne amoché, même plutôt détruite à vie, de cicatrice irréparable déformant les corps, retirant ces petites touches d'humanité. mais ces horreurs fascinent le plus jeune, se trouvant épris des scènes morbides qui lui traversent l’esprit à longueur de journée.
et après une légère hésitation, il finit par entrer, s’approchant de ton lit, jusqu'à atteindre la bouteille d’eau contre laquelle tu t’énerves. “... tu t’es fait bouffer la jambe ?” de manière assez évidente, oui - il a déposé son regard sur ce membre manquant “c’était comment ?” de se sentir crever.

ah.
il ne s’attendait pas à une avalanche de mots. ça étourdi un peu - il ne sait pas trop quelles informations recevoir en premier, lesquels à digérer, à ignorer - le visage se crispe, détournant le regard une petite seconde, comme ces malades qui se retiennent de vomir.
tu piailles sans arrêt et c’est difficile de s’y glisser.

au moins tu lui réponds. tu te t’enfonces dans le visuel, l’imagination des sens, des détails qui peuvent faire tordre les intestins, même que t'ajoute des éléments qui n’ont rien à voir.

alors il commence par le plus lointain “... bonjour.” puis ce qui est moins important “yong-nam.” pour les courtes présentations, mais il t’en voudra pas si tu l’oublie (et il t’encourage les amnésies). “... de toute façon tu parles à personne.” il attrape la bouteille d’eau pour la déplacer sans but précis “fin’ c’est pas ça qui allait te répondre.” le sourire se tord dans ses discrétions  - presque hésitant - il avait envie de se moquer. mais les lèvres se pincent, baissant légèrement son visage pour cacher ces vilains rires. “hm.” il finit par s’installer sur une chaise au pied de ton lit, parce que visiblement vous avez du temps à perdre. “t’as déjà essayé avant ?” de ce qu’il en comprends de ton discours “de perdre ta jambe.” il réfléchit, s’imagine les instruments de torture “... c’est vrai que ça a l’air plus simple d’un seul croc que de la couper soi-même.”

tw : gore

alors le voilà en sage élève. tellement assidu qu’il vient voir son professeur à l'hôpital. prêt à supporter l'inconfortable chaise pendant des heures. concentré pour écouter tes cours d’anatomie. prendre des notes sur les hémorragies.
tu te remets donc à piailler. on dirait même sans jamais t’arrêter. tes mots sortent en rafale, d’un rythme frénétique en écho à tes folies. même tes rares silences sonnent effrénés.
ça s’entend que tu délires complètement. et il aurait accusé les drogues si tu n’affirmais pas tes souhaits morbides qu’il essaie de comprendre.

yong-nam ne s’affole pas des mots durs à entendre. c’est un vocabulaire qu’il affectionne presque dans son horrible fascination aux douleurs. alors la scène, il ne peut que trop bien l’imaginer grâce à tes descriptions - naturellement ça fait grimacer, de voir cette lame essayer de couper profond la chair, de sentir l’odeur métallique du sang alors que celui-ci ruisselle le long de la peau - ça le répugne ! c’est grotesque et dégoûtant mais il se demande-
il se demande ce que ça ferait d’aller aussi loin - plus loin que les fines coupure au papier - est-ce qu’il voudrait se sauver ou laisser les plaies ouvertes pour se vider doucement jusqu’à son dernier souffle
il se demande,
qu'est-ce qui te pousse tant à te mutiler le corps.

“... parce que c’est réfléchi en plus.” depuis combien de temps : est-ce que ça se compte en jour, semaine ou année “pourquoi tu fais ça ?” sans accusation - tu sais, limite je t’encourage - il voudrait simplement comprendre, peut-être même se trouver un camarade d’agonie.
il se demande,
à quel point vous êtes similaires.

tw : gore

sentir ton regard se poser sur lui, le rend légèrement malade. yong-nam baisse les yeux, cherchant à éviter de croiser les tiens - il sait que tu l’inspecte et reconnaît les jugements. il s’en triture un peu les doigts, à s’imaginer au travers de tes pupilles : l’image de son misérable corps lui dégoûte ! et toi, ça te répugne pas de le regarder ?

enfin, visiblement non. à force de t’écouter et de suivre tes paroles presque décousues - tu ne le perçois pas comme il se voit. pour toi, yong-nam ne doit plus réellement exister. qu’il y a sûrement moins de chair, et plus ces imitations mécaniques des membres.
il ne peut que l’imaginer vaguement, ça lui semble un peu flou et impossible de créer des détails.
en fait, yong-nam ne se visualise pas du tout via ton discours.
“ok, je vois.” il l’entend parfaitement, l’a écouté sagement, arrive même à comprendre - mais il ne pourra pas te suivre dans ta folie. parce qu’il a l’impression d’être rouillé de l'intérieur et que rien ne pourra le sauver.

c’est étrange et il ne saura pas l’expliquer, mais yong-nam se préfère déchiqueté. il aime sentir les reliefs des cellules mortes sur sa peau. voir l’écarlate de son propre sang se cacher entre ses phalanges - et qu’une fois sec et terne, ça craquelle doucement, créant des dessins de flocons sanglants sur ses paumes. il aime quand ça lui ronge, qu’il sent que ça l’attaque par les fourmillement. quand ses fissures lui brûlent au moment des soins. que l'air passe sous les premières couches de peau.
il n’a besoin de rien de plus. ne veut rien devenir d'autre.

et il se méprise peut-être trop pour comprendre tes envies d’évolution.
ou il se méprise peut-être pas assez pour abandonner la totalité de son corps.

yong-nam désir seulement se sentir vivant - avoir quelque chose qui pourrait le retenir de mourir.

“... t’as pas peur de crever ?” il relève le regard une petite seconde “je veux dire- imagine ça s’infecte. ou ton corps fait un rejet, j’sais pas- un truc du genre.” parce que l’humain est faible - c’est toi qui le dit. puis un léger rire aux couleurs des moqueries d'imaginer ton échec. et il murmure “ce serait bête”

tw : self-harm

voilà que tu t’agites - tu hausse la voix, lève les bras, et ta perfusion se balance.
mais il n’a pas ces réflexes de fuite - au contraire - il reste pétrifié des grands gestes et il ne sait jamais où se mettre lorsque les violences lui percute l’esprit (ou son corps). yong-nam, comme s’il était grondé, baisse simplement la tête, comme pour chercher à minimiser le dégât de tes rafales.
c’est compliqué de te suivre sans se blesser. tes mots se décorent d’une colère imprévisible et déstabilisante il pourrait en perdre pied s’il n’était pas assis sur une chaise.

tu n’es pas mort et si tu avais peur de mourir alors tu ne serais plus là.
yong-nam n’est pas mort mais il est encore là parce qu’il a justement peur de mourir.
pourtant il en garde ses vilains aspects cadavéreux, et commence tout juste à creuser sa propre tombe en s’arrachant doucement les veines - préférant saigner plutôt que pleurer. préférant souffrir quelques secondes plutôt que de mettre fin à ses jours.
et c’est étrange, de se sentir autant fasciné que terrifié de ses propres vices.
sans doute qu’il se retrouve là, le sorte de fossé qui risque de vous séparer pour se dire - finalement tu n’es pas comme moi.

yong-nam ne dit rien, ne cherche pas à s’imposer au milieu de tes cris et préfère te laisser s’égarer. il garde juste un œil sur la porte d’entrée pour voir si le personnel pourrait s’alarmer un jour (mais il semblerait qu’eux aussi préfèrent t’abandonner pour ne plus t’écouter divaguer).
et c’est seulement lorsqu’il y a un semblant de calme, que yong-nam retrouve une toute petite place entre tes mots, il décide de te répondre “moi si je meurs je ferais rien.” passif de son propre destin, il ne sait pas trop comment rendre son existence assez importante pour s’en inquiéter “... et j’attendrais surement qu’on vienne me tuer une seconde fois.” - c’est peut-être ça que tu cherches à dire quand tu le penses déjà mort - son regard quitte la porte pour revenir sur ta jambe fantôme “aussi c’est méchant de me dire que je suis bien en point juste parce que je suis pas dans le même état que toi. je suis sûr que je viens plus souvent que toi.” yong-nam finit par se lever. il s’approche d’un pas seulement et te montre sa main naturellement écorché des chutes “tiens regarde” et de son autre mains il attrape deux de ses doigts (l’annulaire et l’auriculaire) pour commencer à les plier en sens inverse jusqu'à un craquement : son visage se tord de douleur, et il s’en mord la lèvre inférieur pour mieux encaisser le choc. mais il ne crie pas, il ne crie jamais. “hah- j’ai une bonne raison maintenant” il fait pression sur ses doigts désormais engourdie - supporter la douleur qui réveille soudainement, donnant un semblant de lueur aux travers de ses pupilles “je serais pas coincé ici en plus.” il sourit sans douceur, comme s'il se moquait discrètement “tu t’appelles comment ?”