Ce la ne pouvait pas être plus insignifiant, ce qu'il faisait.
Aux appels à l'aide de son maître, au fracas saturés et à la respiration difficile à travers le combiné, tout ce qu'il pouvait bien tenir au creux de ses mains a été lâché sans y réfléchir. Cecil.
Cecil, c'est tout ce qu'il a en tête.
Cecil souffre et il lui faut s'agenouiller pour recueillir, stopper ses larmes. S'il l'ordonne, il patira et vengera son maître sans un mot.

Entre la fin abrupte de son appel et son arrivée, peu de temps d'est écoulée; Ellair s'est précipité hors de chez lui sans veste, a couru et s'est introduit chez son cher frère sans prendre la peine de frapper à la porte.
Ellair le trouve au milieu des débris, immobile.
D'abord, Ellair cherche un ennemi qui aurait pu lutter avec lui et retourner ainsi le salon. Mais ils sont seuls. Alors le chien des Olympiens lui revient sagement.
En face de lui, le molosse plie les genoux, et inspecte Cecil du regard, cherchant une blessure; rien de grave.
Pourtant Ellair n'en reste pas moins inquiet.
L'ambassadeur semble vidé.
Dévasté.
S'il avait été là, aurait-il pu le protéger ?

- Que s'est-il passé  ?

L'attente est insoutenable.
Ses poings se serrent sur ses genoux, les yeux ne le quittent pas passant des siens à ses lèvres pou guetter le début d'une réponse.

- Cecil...

Parle moi.
Rien qu'un nom suffirait, et il partirait lui faire regretter d'être né, pour avoir osé levé sa main sur son précieux frère.

Rien de choquant quand il avoue avoir retourné sa maison. C'est même un soulagement, car il n'y a plus à craindre une menace extérieure, et désormais il peut se concentrer sur son frère. Car il y a plus dur qu'affronter un monstre, c'est réconforter quelqu'un de manière efficace.
C'est si rare de le voir abattu.
Vulnérable.

Mis à terre par une femme comme Arden. La nouvelle le rend perplexe, mais Ellair ne l'interrompt pas. Il laisse la tête de Cecil venir se poser contre son épaule. Arden aussi est venue le voir, après le festival.
Tout lui paraissait si différent, pendant cette discussion.
Visiblement, Ellair n'est pas le seul à subir ce changement. Un léger soupir lui échappe. Poignets prisonniers de ceux de son ainé, il laisse sa tête se poser légèrement contre la sienne.
Il sait.
Ils le regarde tous méchamment aussi.

- Ils ne comprennent pas.

Ni Arden, ni Sohel, personne.
Ellair y croit dur comme fer, parce c'est ce que son frère lui a toujours dit lorsqu'il commençait à douter. Et aujourd'hui encore, alors qu'on essaie toujours de lui ouvrir les yeux, le molosse grogne et mord lorsqu'on remet en question le grand Cecil.

- Est ce que c'est vraiment important, s'ils nous détestent tous ?

Dit plus bas, pendant un instant où le protecteur des Olympiens est préoccupé par de vieux souvenirs.
Ce n'est pas important pour lui, qui croit en son grand frère, ses idées et ses objectifs aveuglément. Tant pis si ses proches l'abandonnent, parce que c'est trop tard pour sauver Ellair des  illusions de Cecil.

Et puis tout le monde ne le déteste pas.
Le sérieux s'empare de ses traits, ainsi que de sa voix :

- Je ne te tournerai jamais le dos.

C'est dit sans l'ombre d'un doute.
Dans l'espoir qu'il y trouve dans cette certitude un maigre réconfort.

Ellair laisse les doigts de Cecil s'approprie son visage, celui. Il les laisse détourer ses traits, attendant le retour de son regard sagement, et quand il lui revient,  le molosse y reconnait une pulsion familière.
Pourtant Cecil est doux.
Ses mains ne viennent pas exorciser sa haine en étreignant son cou, ni même celui d'Arden. Ah, lui sait qu'il aurait déjà mordu, il aurait déjà prouvé être le monstre qu'on l'accuse d'être.
A côté, Cecil est un saint.

Une figure devant laquelle il plie le genou pour absoudre ses violences.
Elle affirme avoir un sombre secret.
Le pieux ne vacille pas et tend l'oreille, ne quittant pas Cecil du regard malgré la crainte qui traverse les pupilles de son maître.
Sagement, Ellair attend la vérité.
Elle tombe, remet des années en perspective; le début de sa lutte pour ce jumeau là, même.

Finalement, ses sourcils se froncent légèrement.
Encore silencieux, il réfléchit, rompant quelques secondes le contact visuel.
Détaille sa brûlure de ses yeux bruns.
Le jeune fils d'Arès s'était battu avec Midas après ses accusations, avait suivi Cecil et bu chacune de ses paroles depuis ce jour et quitté les Spartes.
Ah, l'Agon !
L'ecclasia ne remplacera jamais l'Agon.
En y pensant, ses sourcils se froncent, donnant l'air sombre habituel d'Ellair Shaw.

- Tu m'as menti.

L'idée lui déplait, et pourtant sa voix reste douce.

- Mais ça a marché.

D'une certaine manière, Midas n'aura pas gravi autant d'échelon au camp qu'il  l'aurait espéré, et Ellair partage toujours le point de vue du Warren au visage brulé.
Chaque argument que le protecteur possède concernant les Spartes et Midas est composé des mots choisis par Cecil, importés et gravé dans son esprit par Cecil lui même.
Midas n'est pas apte à les diriger :
Il n'y a que Cecil qui peut.

Un soupir, avant que ses traits ne se détendent à nouveau.

- Qui est au courant ?

C'est dans le calme qu'il envisage les faire taire pour son roi.

- Jamais.

Tout son esprit a été minutieusement corrompu par les mots de Cecil, et sans lui, qu'en resterait il ? C'est une évidence qui laisse la brute sans mot : pourtant son frère doute de sa loyauté. Même les traces laissées par ses ongles sur sa peau semblent teintées d'affection et de douceur, si c'est Cecil qui les lui infligent.
Quand son frère finit de trembler pour lui répondre, ses yeux se baissent finalement, et il se laisse aller à la réflexion. Midas. Il pourrait  l'affronter, pour Cecil, malgré les risques.
Nate, la question ne se pose pas selon lui, ce serait facile.
Arden, c'est une autre histoire. Sans doute qu'il pourrait aussi s'en charger. Et perdre du peu de ce qui le rend humain. Mais si c'est ce que Cecil estime nécessaire, alors...
Il le ferait.
A la mention de Seraph, ses sourcils se froncent. Cela fait beaucoup trop de gens, d'ennemis costauds.

- Hm ?

Mal, lui ?
Ses yeux lui reviennent, confus.
Oh ! C'est vrai que ce n'était pas si agréable, au final.

- C'est rien.

Ce n'est qu'une griffure.
A côté d'elle git le vestige d'une bien plus terrible blessure, elle aussi presque oubliée par son propriétaire.

- Si c'est problématique... Que fait on d'eux ?

Petit soldat perdu dans les débris du salon, aux mains du grand malheureux; il ne fait qu'attendre les ordres sagement, dans l'espoir que savoir sa volonté faite rendra le sourire à son maître.

Il le savait.
Il ne pouvait pas qu'y avoir de la désapprobation dans sa nature, non, il devait bien y avoir quelqu'un pou l'accepter lui et sa violence ! Alors il peut endurer les regards noirs et les remarques cinglantes, s'il sait qu'il y aura toujours quelqu'un pour l'accueillir à bras ouverts malgré le pourpre qui l'habille.
C'est rassurant.
Ces mots l'apaisent.

Ellair acquiesce doucement.
Si c'est ce que Cecil désire, l'olympien s'en chargerait immédiatement. N'importe qui.
Et son frère s'approche. Lui ne bouge pas, l'observe en silence, buvant chaque parole. Et qu'il apprécie les entendre, ces mots ! Les Arès ont beau être ses adelphes, il n'y a que Cecil qui est devenu une véritable famille.

- D'accord...

Ce soir, il restera sage.
Cecil semble avoir oublié son tourment. Bien... Plus de larmes, que deux frères, plus unis que jamais. Et il sait mieux que quiconque quand frapper, alors...

- Je m'entrainerai, en attendant.

Car Seraph n'est pas un adversaire facile. C'est le seul qui l'inquiète.
Puis, après un peu d'hésitation, il pose sa main sur son épaule, serrant légèrement. Une vague prise réconfortante, après cette colère passagère, ne durant que quelques secondes.

- Tu as besoin d'aide, pour ranger ?

Cette pièce est sens dessus dessous, quand même.