1977; Un homme charmant quelques semaines avant son mariage, Emilia cède, une dernière nuit de délice. Néron jaillira de cette union, et c’est son beau-père, Matteo, qui prendra le rôle paternel.

1983 ; New York est un cadre comme un autre pour grandir, un paysage de bruit et d’odeur qui l’éveille à une violence sanguine. Ça se sait déjà différent, ça se connaît au fond. Ça perçoit la colorimétrie du monde et ça le peint du bout des doigts sur les murs blancs de maman et papa. Finalement, ça accueille son petit frère, puis sa petite sœur et bientôt l’appartement est trop petit pour eux cinq. Ils resteront pourtant à 3 dans une chambre.

1986 ; Ca sent la force croître et avec ça les idées mauvaises des enfants malins. Ça tourmente son frère, ça tire la queue des chats, ça pleure quand ses livres favoris deviennent brouillon - ça hurle sa rage d’une énergie pressante. Alors même que ça vit déjà sur les planches et dans la rue, à se livrer aux improvisations d’un monde d’adulte, ça se bat aussi, trop fort, trop vif.
Et puis un jour, ça poignarde son frère par accident. “On voulait jouer aux policiers et aux méchants” dira-t-il seulement.

1987 ; Emilie sait comment se débarrasser du petit monstre, comment le faire rejoindre le Freak Show dont il est issu. Pour Matteo, il sera envoyé loin, chez ses grands-parents. Mais Emilie, elle, sait où le déposer. Elle repartira sans un regard en arrière.

1988 ; La fureur se calme, car enfin Néron comprend qu’il est et ce qu’il est. Ca accepte la définition sans flancher, sans se cacher. S’il est le fils d’un dieu, soit. il regarde déjà son père avec désintérêt. Dans son esprit trop grand, il ne comprend plus comment exposer les vérités de sa scène intérieure.
Peu à peu, ça copie les gens, puis les œuvres. Ça fait de sa propre vie un rôle grandiloquent.  

1994 ; ça souffre de trop de sensation, de trop d’émoi alors ça se tourne vers le soleil pour pleurer sa peine. Ca découvre un astre noir qui s’appelle Liriel. Elle est une fascination, elle est incroyable et lui, il devient humain, il devient vivant - et de sa présence, il en consomme l’essence.

1999 ; ça quitte Nausikaa dès que ça peut, entraîné par Liriel qui voit les choses en grand. Tôt, très tôt, elle le ferra entrer dans l’American Academy of Dramatic Arts. C’est son Astre qui montre le contour de son chemin, qui sculpte sa carrière. Et Neron a juste besoin d’être lui et de se laisser enfin sculpter dans un rôle parfait. Il finira son parcours à la Juillard School.

1999-2020 ; Dans l’enceinte de son monde, il n’existe que son Astre et que son art. Elle lui dit de mettre en scène et d’écrire et il passe ses nuits à exercer ses passions. Elle est celle qui souffle sur son épaule, celle qu’il ne faut pas mettre en colère. Elle est aussi celle qui laisse parfois quelques bleus sur ses avant-bras. Elle le pousse sur le devant des projecteurs, ou peut-être se laisse-t-il tirer, un sourire brillant au lèvre et les prunelles noires comme les nuits d’hiver.

GENERATION ; Mariage consommé dès l’alliance passée au doigt. Durant leurs vingts années de mariage, ça aura trois enfants, trois éveils au monde et à ses douceurs. Et ça redevient Néron en réalisant que l’Astre ne peut que brûler les chairs tendres. Ça réalise doucement que les mots d’amour sont peut-être des sévices. Que l’Astre vole plus qu’il ne prend. Alors ça demande le divorce.

2020-2023 ; Divorce consommé également, de rage et de pleur, de douleur et d’angoisse. Carrière fracturée par l’explosion conjugale, il devient celui battu, prend la peau de la victime. Le seul rôle qui ne lui ira pas. Doucement, il revient sur le devant de la scène, il reprend ses traces. Son monde était de passion, il n’est que de raison : ses enfants et leur éducation.