À peine son fils reparti qu'Hephaïstos prend appui sur sa canne. Les Dieux peuvent aussi ressentir de la crainte ou de l'appréhension. Être tout Puissant ne rend pas invulnérable. Hephaistos n'a quasiment jamais de contact avec sa fille Rita, renommée Libellule de son propre chef. À chaque fois qu'il l'observait, en désespoir de retrouver l'intelligence et la présence d'esprit de sa douce mère, Hephaistos n'a été témoin que d'une vie fourbe et perfide, placée sous le joug de la méchanceté. Il n'est pas certain d'être assez Tout pour l'aimer - et il sait que c'est réciproque - quand il pense à Libellule il n'y a Rien.

Ri-

Il ravale le prénom sorti trop vite de sa bouche et déglutit, la langue pâteuse.

Libellule.

Il ne manquerait plus qu'elle se mette à pleurer et Hephaistos perdrait ses moyens. Il est habitué, sa laideur inspire la cruauté des beaux et le désespoir des forts.

T'as commandité la mort de ton propre frère, hm. J'tolère pas ce genre de comportements. T'devrais avoir honte de toi.

La prestation qu'il donne n'a rien d'authentique ; Hephaistos ne met aucune volonté. Lui aussi, il a tué des demi-dieux ; il a châtié sa propre mère et lui a souhaité un sort pire que la mort.

T'devrais réfléchir sur toi-même.

Et il tourne les talons, prêt à s'en aller.
((mais pour aller où ?))
Il pourrait simplement disparaitre d'un claquement de doigt, mais il a fait le choix conscient de se détourner.

La jambe boiteuse s'arrête en suspension. Le Dieu est immobile. Il a les épaules qui tremblent - il lutte pour ne pas se laisser dépasser par sa vraie nature, celle qui sommeille au sein de chaque immortel. Ce n'est pas parce qu'il a abandonné dans l'éducation de ses enfants qu'il ne recèle pas d'imagination quant à leurs punitions. Et oui ! Il reste un Dieu ! Ils peuvent cracher à leurs pieds, s'ils veulent - mais ils ne viendront pas pleurer quand ils se retrouveront damnés.

Et puis quoi ?

Hephaistos laisse échapper un grognement caverneux, presque animal. Il souffle du nez comme un boeuf, serre ses doigts sur sa canne jusqu'à ce que ses jointures deviennent blanches. Il se retourne, furieux, et attrape Libellule par les épaules. Il crache, à vif, les émotions qu'il aurait aimé recueillir sur Mistral. Mais Mistral était vide et Hephaistos projette toute sa frustration sur sa fille.

TU MÉRITES QU'ON TE REMETTE À TA PLACE ! TU N'ES QU'UNE ODIEUSE PETITE PESTE INGRATE ET VICIEUSE !

Il commence à briller, la peau luisante et les yeux dorés.

REGARDE-MOI ! REGARDE MA LAIDEUR !

La forme divine d'un titan ou d'un dieu grec ferait périr instantanément n'importe quel mortel. Les demi-dieux sont conscients qu'ils ne doivent pas regarder. Mais Hephaistos serre sa fille si fort qu'elle ne peut pas se détourner.

LE MONDE EST LAID AUSSI ! ALORS TU DEVRAIS CESSER DE LE REGARDER !

Il calme ses ardeurs.
Du moins c'est ce que Libellule pourrait croire -
Hephaistos a cessé de briller.
L'Olympe aussi.
Le monde a perdu de sa saveur ; il n'est devenu qu'un néant complet.

Libellule est allé trop loin, en hommage à la beauté. Hephaistos lui a volé la sienne, ses deux belles billes de poupée.

T'vas réfléchir, oui.

Et quand elle se réveillera, Libellule n'aura même plus ses yeux pour pleurer.
((ils ne viendront pas pleurer quand ils se retrouveront damnés))

hrp : libellule vient d'acquérir une malédiction, jetée par hephaistos. elle devient aveugle et ne retrouve la vue que partiellement pour affronter la laideur du monde (tout ce qu'elle trouve disgracieux et imparfait) apparait à ses yeux pour la hanter.