Les amants sont euphotiques : ils aiment la lumière, ne poussent que sous les plus belles étoiles, les plus gros soleils. Les amants ne prennent leur joli couleur que sous l'impulsion d'un Autre extérieur, car après tout, pourquoi rosir si dans les bas-fonds des marais ou les plus abyssaux des océans, il n'y a rien pour les admirer ? Les enfants de l'amour sont comme ça. C'est un fait, Nate le sait. Ils sont plantés à différents endroits du jardin, n'ont pas tous le même apport d'engrais, d'eau, d'attention. Mais ils se battent leur soleil comme ils se battent les attentions.

Les couloirs de la clinique sont trop lumineux. Le blanc y est trop blanc, le sol trop aseptisé pour qu'on y puisse prendre vie : les racines que l'on veut y planter seraient corrodés par les liquides médicaux et les opérations à coeur ouvert (les romantiques ne supportent pas les coeurs ouverts)
Nate s'y rend pour les autres, jamais pour lui. Il éclaire les corridors trop blancs et y rajoute ses couleurs à lui, parfois c'est un vert apaisant mais souvent c'est un bleu pastel ; une couleur froide qui pourtant égaie les enfants, réchauffe les patients : il brille et se colore seul.

« Seren, les dieux soient loués ! » Sur son visage ses lignes s'adoucissent et on n'y discerne plus de trace d'inquiétude, même la couleur de ses yeux — qui pivotent selon ses émotions, y retrouve son brun naturel. Il a un moment d'hésitation devant son frère si distant et s'en mord brièvement la lèvre. Il est pourtant si bon ambassadeur, il ne comprend pas toujours ses adelphes mais les aime : il ne voit plus tant d'amour dans leurs yeux à eux. « Roh, puis merde » Il l'enlace et le serre fort comme pour lui murmumer tu es en vie, je t'aime, merci

« Tu n'as rien ? Tout va bien ? Que t'es-t-il arrivé ? Et comment as tu réussi à te foutre dans une situation pareil ?
J'ai eu peur, tu sais, pour toi, pour vous tous, j'ai- » Il finit par se taire, le laisse répondre et défait doucement son étreinte.

@Seren C. Lorenz

« Qu'ils aillent au feu, les monstres ! » C'était prononcé si spontanément que Nate s'était étonné seul ; il devait l'admettre, Seren et lui n'étaient pas les frères les plus soudés ni fusionnels que l'Histoire ait pu constater. Pourtant la perspective de perdre l'un des siens lui prenait aux tripes et rien que de le concevoir lui tordait les boyaux dans un sens puis dans l'autre.
Alors il sent bien que Seren n'est pas à l'aise dans le creux de ses bras mais avant de le lâcher pour de bon, il resserre encore un petit peu son étau — lui prouver qu'ils ne sont pas des étrangers.

« Je comprend, c'était stup- impulsif. Je voulais dire impulsif. Mais ça ne doit pas se reproduire. La meilleure chose pour aider ton ami, dans ces cas-là, c'est de fuir et d'appeler ceux en charge de gérer ce genre de crise. Je ne veux pas jouer soudainement les grands frères moralisateurs mais s'il t'était arriver malheur ... » Il n'ose pas continuer sa phrase car il ne sait pas encore très bien lire Seren. Il sait aborder la majorité des gens mais ceux qui lui ressemblent l'effraie parfois. Et Seren, comme tous leurs adelphes, brille du même éclat de Nate.

« Oui, tout va bien. » C'était faux — l'île allait mal, l'île souffrait, l'île tombait entre les mains de ceux que Nate craignait plus que les monstres eux-même. Mais il n'avait rien dit. Seren n'aurait pas à porter autant sur ses épaules.

« On ne se connaît pas tant que ça, toi et moi, ça ne sert à rien de le nier. Mais je t'ai regardé comme je garde un oeil sur tous les autres. Tu devrais croire en toi : tu n'es pas si fragile. » Il le regarde avec tendresse mais Nate sait que Seren, au fond de ses yeux, brûle. « Ne te mets pas en danger mais si les dieux l'ont décidé, je veux que tu l'entendes. Tu n'es pas cette petite chose faible et inoffensive que l'on pourrait croire. Je pense même que tu dois faire parti des plus forts parmi nous tous. »

@Seren C. Lorenz

Il laisse glisser un petit rire en coin, entraîne Seren à sa suite et continue de lui parler, tout en fermant la porte derrière et ouvrant une fenêtre. « Oui, c'est vrai, c'était stupide. Mais c'était aussi très courageux : je pense que très peu de gens aurait eu les tripes de se confronter au danger comme tu l'as fait. » Adossé à la fenêtre entrouverte, il sort de sa poche un paquet de cigarette puis en tire une d'entre elles, l'allume et expire sa fumée par la fenêtre. Fumer dans une clinique était un joli comble  ; il adresse un clin d'oeil amusé à Seren, comme pour dire 'si tu ne dis rien, je ne dirai rien non plus'. Les demis-dieux partageaient parfois des moments de camaraderie fraternelle.

« Bien sûr que j'y crois. Et bien sûr que ça t'embête, ça serait étrange autrement. Mais ne te tracasse pas avec ça : je ne pose pas sur tes épaules des attentes insurmontables. Je pense simplement que tu devrais te faire confiance, tu es capable de très grandes choses.
Enfin, je ne veux pas te faire peur en disant ça ! N'y réfléchis pas trop, promis ? » Il sourit à la phrase de son frère — Nate le pense aussi. Il aurait pu s'entendre avec Cecil et Bellamy aussi, dans des contextes différents. Pourquoi les dieux s'attelaient toujours à rendre chaque existence si compliquée ?

« Je fais des erreurs, comme tout le monde. Ambassadeur, entre toi et moi, ça ne veut pas dire grand chose. On a l'impression d'être sur un piédestal mais ce n'est pas vrai, je respire et je bois comme toi. » Son sourire s'attendrit à l'écoute des dernières syllabes de Seren. « Je n'aurais pas demandé d'autres adelphes, moi non plus. Aimer c'est si ... fort.
C'est comme une réaction nucléaire. Il ne faut jamais que tu l'oublies. C'est douloureux mais c'est la plus belle des douleurs. » Il reprend une bouffée de sa cigarette et en fait tomber les cendres grises par la fenêtre. « Je suis très content qu'on ait pu avoir cette discussion, toi et moi. Je sais que ça ne va pas rattraper toutes les autres que j'ai raté mais ... je suis quand même ravi d'être venu te voir. »

@Seren C. Lorenz

La cigarette conserve sa forme alors qu'elle se colore de gris, au fur et à mesure que la flamme rougeoyante parcourt son corps. Nate y tapote son doigt fermement et le morceau de cendre s'en échappe pour voleter à travers la fenêtre. Il apporte le filtre a ses lèvres et en inspire la fumée grisâtre, une partie s'en échappe par ses narines. « Je l'ai aimé, oui. J'y mettais du sens, à un moment. Être ambassadeur c'était prendre soin de vous, être olympien aussi. En toute franchise, je ne pensais pas comme eux. Je voulais juste m'assurer ma place au sommet pour mieux vous aider mais ... Je ne l'ai plus aujourd'hui. Je me sens désuet, un peu comme ce rôle, finalement. » Et la fumée qui demeurait logé dans ses poumons s'échappent en même temps qu'il parle, rendant sa faculté de parler plus compliqué encore qu'en tant normal. Pourtant, Nate est clair — ses mots sont incisifs et et nets.

« Tu verras, tu aimeras bien assez pour plusieurs vies. Maman s'en assurera, n'en doute pas une seconde. Elle a une façon assez particulière d'agir, mais je te promets qu'elle nous regarde. Tous. » Son ton de voix était doux, comme s'il voulait transmettre à Seren une promesse apaisante ; un serment qu'il n'était pas seul et qu'il ne devrait jamais plus s'inquiéter. Mais la vérité, c'est que Nate ne comprenait pas toujours les motifs de leur mère (et même s'il s'en cachait, il s'en méfiait parfois)

« Oui, moi aussi. J'ai quelques années de retard mais j'ai envie de croire que c'était le début de quelque chose, qu'on se reverra plus souvent, désormais. » Il écrase le cul de sa cigarette contre le rebord de fenêtre et la cache dans son cendrier de poche. « Ça serait avec plaisir, Seren. Tu sauras toujours où me trouver, quand tu auras besoin de moi. »

@Seren C. Lorenz