Le sang sur les mains et les poumons qui brûlent sous le souffle chaud du chaos. Nausikaa est en cendre. Royaume béni des dieux désormais champ de bataille, temple de la guerre. Comme Ares doit être content ! Autour de lui, les bruits sourds des combats, les cris, les grognements. Il la sentit. Le changement. Il pourrait fixer les cadavres des innocents et leur dire "je vous avais prévenu". Bellamy avait caressé l'espoir d'une bonne leçon donné aux fous qui l'avaient contredit. Elle est amère, la punition. Pourtant, une partie de lui la trouve juste, approprié. Ils auraient dû tous l'écouter. Il détourne son regard du corps d'une femme dans la fleur de l'âge, son expression figée dans l'horreur. Il adresse une prière rapide et silencieuse avant de tourner la tête vers le bout de la rue. Il a déjà tué plusieurs fois aujourd'hui. Définitivement tuer. Il l'avait soupçonné en voyant l'expression terroriser d'un monstre face à une blessure dont il ne se remettrait pas, puis l'avait véritablement compris quand une autre créature avait hurlé "JE NE VEUX PAS MOURIR JE NE VEUX PAS MOURI-" avant qu'il ne fasse définitivement imploser son cœur.

Ainsi donc, ils pouvaient tous mourir.

Au milieu du conflit, Bellamy se détourne du champ de bataille pour rejoindre les prisons. Cet endroit où son frère avait trouvé la mort, où ils avaient tué l’innocence. Dans ses tempes bats le sang, l'excitation d'une promesse qu'on peut enfin tenir, l'euphorie d'un monstre qu'on peut enfin renvoyer. Dans ses tempes, bats aussi la peur, la tristesse. Parce que c'est une part de lui qu'il va tuer aujourd'hui.

La prison est étrangement calme compte tenu du brouhaha du dehors. Peut-être le seul havre de paix encore existant dans cette Nausikaa mourante. Ses pas résonnent contre les parois. Bellamy descend doucement les marches. La cellule devant laquelle il s'arrête ne surprendra personne, pas les fantômes qui hantent les lieux et encore le prisonnier qui s'y trouve.

Vous pouvez mourir. C'est balancé sans préambule. Thanatos vous accepte. Ta mère, tes frères, tes sœurs, tes semblables... Nous sommes en train de vous envoyer dans son domaine.

Il ouvre la porte de la cellule pour s'y engouffrer. Il ne prend plus de gant. À quoi bon ? Puisque tout finira ici, avec lui, comme tout ceci à commencé.

Il semblerait que notre petit jeu s'arrête aujourd'hui. Il le fixe, ce grand monstre de ses cauchemars et un peu avant la fin, il ose le dire. mon ami. Parce que c'est ce que Duke avait été. Duke n'était pas parti, Duke l'avait toujours compris et accompagné dans sa folie. Herbe folle, mauvaise herbe invasive. Il est le seul, avec Leslie, face auquel il n'a jamais eu besoin de s'expliquer ou de se justifier.

Parce que cet honneur pourrait revenir à quelqu'un d'autre ?

Il a hâte d'entendre le nom des autres candidats. Pour lui, il est le seul. Quelque part, il refuse que ce ne soit pas le cas de Duke. Ce serait horrible, après autant de temps, de réaliser qu'il s'est détruit pour une créature qui ne le regardait pas. Duke a été toute sa vie. Son origine et sa fin. L'Hydre l'a sculpté, battit, modifier au gré de son envie. Comprendre qu'on son créateur ne lui voue pas la même obsession, ce serait la tragédie de trop.

Duke a perdu de sa superbe au fil de son emprisonnement. Bellamy remarque ses joues creusées, la fatigue sur ses traits. Son regard se lève brièvement sur le plafond, sur l'extérieur, avant de se reposer sur lui.

Je n'en ai aucune idée. Il hausse les épaules. Il vaudrait mieux pour elle qu'elle meurs, car je ne suis pas sûr que les autres lui accorderont le luxe d'une mort rapide. Il sort de sa poche une dague ouvragée, prise dans un temple pendant les combats. L'arme est froide, lourde dans sa main. Moi je n'aurai pas la pitié de ne pas la faire hurler.

Du pied, il appuie contre l'épaule de Duke pour le maintenir contre le mur.

Tu vas mourir. Il le faut. Tu t'es suffisamment amusé, Duke.

Il hésite. Le couteau ou le cœur ? Ses mains autour de son cou pour supprimer la peau d'air qu'il a encore dans les poumons ou autres choses ? Il a souvent fantasmé de le tuer, mais il se rend compte qu'il n'a jamais fantasmé comment.

C'est vrai, ça ? Comment ?

Il retire son pied et recul d'un pas, puis de deux.

Tu as toujours été si grand.

Il y a une note d'émotion dans sa voix, un vibrato coupable, presque un reproche. Bellamy serre l'arme dans sa main. Il réalise, qu'au final, c'est Duke qui gagnera. Duke se libérera et lui ? Ah, c'est amer. C'est doux. C'est cruel. C'est à leur image : complètement fou.

Il ferme les yeux et broie son cœur. Laisse la douleur irradier dans sa poitrine, la compresser, le tordre de douleur. Il arrête et fait reprendre, maintien en vie dans la torture, dans la douleur, comme pour essayer d'apprécier le moment, d'exorciser le démon alors qu'au fur à mesure du processus, se mêle au plaisir sadique la peur de le perdre, de ne plus l'avoir pour excuse de faire les mauvais choix. Il l'observe souffrir, marionnettiste qui le fait se contorsionner au bout de ses fils. Puis, au bout d'un long moment, il jette sa dague à ses pieds, sans pour autant arrêter.