Il suivait cette odeur putride de mort, cette odeur néfaste de non-humanité personnifiée ; elle ne débordait jamais sur son terrain de chasse préférée mais ce soir-là, il arrivait à la distinguer comme si elle se dévoilait devant son nez. La manifestation de la non-vie, ou de la non-mort, peut-être ; délicate et gracieuse dans sa forme, mais terrifiante et cruelle dans son identité. Au fur et à mesure qu’il s’enfonçait dans les rues sombres de New York, déjà plongées dans une obscurité patibulaire, Ashe sentait se présence se rapprocher, son odeur lentement envahir les lieux où il prenait plaisir à hanter de sa présence.
Quand elle se dévoila enfin, Ashe ne pouvait seulement se questionner sur la raison de sa venue ; car les monstres ne chassent pas les monstres, il devait forcément avoir une raison qui justifiait sa traque.

— Bonsoir Meryem, ravi de te voir également. C’est puéril, car lui-même ne s’est jamais affirmé de part sa politesse - davantage qu’il frappait avant de parler. Davantage qu’il ne parlait souvent pas et dévorait seulement ; mais entre monstres, rien de tout ça n’est vraiment le plus important, pas moins que de taper la discussion dans une ruelle en plein milieu de la nuit.
À sa remarque pourtant, il tique légèrement - n’ayant systématiquement aucune idée de ce à quoi elle faisait illusion, Ashe pensait qu’il lui fallait peut-être l’ignorer. Mais il était repu pour la soirée et loin de lui l’envie de se mettre Meryem à dos pour cette fois (quoi qu’il ignorait que c’était déjà le cas).

— C’est moi qui bouffe la plupart des cadavres ici. Si t’en as marre de te faire voler tes proies, va voir ailleurs. C’est ce qu’il supposait, car c’était tout ce qu’ils se volaient, la plupart du temps. Des corps, des repas, peu importe comment ils appelaient ça. Parfois des pierres précieuses, des sang-mêlés avec un goût particulier. Les humains eux, n’en avait aucun, aucun pour pleinement la satisfaire. Crois-moi que tu rates rien. Car si les mets qualitatifs se font rares, il les a sans doute déjà dévorés.

Quelle idée était-ce donc, de reprocher aux monstres de dévorer la chair - quelle idée avait dont traversé l’esprit de la jeune femme, pour venir auprès de Ashe se lamenter d’une proie qu’on lui avait retiré ? Il trouvait davantage la situation hilarante que réellement grave - des enfants de Dieux, il y en avait tant, et il était persuadé que Meryem trouverait son compte parmi ceux qui foulaient les terres de cette misérable île.

— Meryem… Si je l’ai dévoré c’est probablement car tu n’as pas été assez rapide. Son rire est gras, sombre. Ses pupilles glissent contre leurs homonymes, cherchant peut-être la réelle raison de sa venue. Mais c’était bien celle-ci, et Ashe en fut bien surpris l’space d’un instant - probablement car il ne prenait pas cette affaire autant au sérieux qu’elle-même. Ce que je prends m’appartiens, y compris tes proies. Car s’ils devaient faire attention de ne pas voler ce qui ne leur appartenait pas, leur existence serait bien ennuyeuse. C’était ce qui plaisant réellement à Ashe, mais pourtant cette fois-ci, il n’y trouva aucun réel plaisir. Probablement car il ne se remémorait pas même quelle proie était concernée.

— Désolé, je l’aurais bien recraché pour ton honneur. Mais je crois que je n’en serais même pas capable. Parce qu’il mange tant Ashe, parce qu’il mange trop. Parce qu’il bat et dévore les corps, et se moque de ceux qu’il dévoré. Et quand elle les compare à des chiens, Ashe a un rictus aux lèvres ; ils sont tous des animaux n’est-ce pas ? Ils sont nés pour empiéter sur le territoire des autres ; les animaux se battent pour leur territoire. Il n’y a pas un hectare de cette planète qui ne soit pas mon territoire. Assuré, car il saura se battre pour chacun. Assuré, car il dévore tout ceux qui se hissent devant lui, contre lui.

Meryem s’affole et lui ne peut plus retenir ce rire trop confiant - elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même et il avait été le plus rapide à ce jeu là. Qu’elle s’essaie à le renvoyer d’où il vient, il gagnera à coup sûr à ce jeu là.
Et à son approche, Ashe se prépare déjà à l’abattre d’un coup - il est persuadé qu’il n’aurait besoin de rien de plus mais c’est probablement car il se surestime. Mais à peine ses muscles gonflaient qu’il abandonnait l’idée à l’entente d’une voix peu commune - une qui ne lui disait rien mais dont il connaissait presque l’identité. Il ne pouvait pas mieux tomber, et Ashe grognait déjà de sa présence ; car lui et l’Empuse auraient pu simplement le tuer d’une facilité déconcertante, mais tuer un policier n’était probablement pas la meilleure des idées.
Qui plus est, Ashe redoutait que l’Empuse ne soit contre lui cette fois-ci, c’était le moment parfait pour qu’elle se venge, quelle aubaine.
Il laisse l’honneur à Meryem de répondre, mais comprend bien trop rapidement que c’est lui qui subira toutes les accusations. Ce que les humains sont ennuyeux, et son ventre grognait presque alors qu’il songeait à comment il aurait été possible pour lui de le tuer.

— Ah les flics. Les seuls individus capables de réagir pour si peu, mais jamais pour les réelles agressions. Il ne craint pas Ashe, il ne craint personne et sûrement pas cet homme. Pour peu qu’il était policier, il savait que la justice pouvait être cruelle et surtout, très injuste. Particulièrement à la demande de ses papiers d’identités. Et s’il appréciait le conflit en temps réel, il n’était franchement pas ravi à l’idée de croupir en prison.

— Je pense plutôt que vous devriez faire attention à elle. Son regard qui s’impose sur l’Empuse, de quoi pourrait-il bien l’accuser ; elle semblait si parfaite d’apparence et lui rien d’autre qu’un homme de deux mètres. Si ce n’était que ça. Ses mains fouillent ses poches, puisent quoi que ce soit qui pourrait le sortir de cette misérable situation, il avait presque oublier ce qu’étaient réellement des papiers d’identités qu’il jette son misérable porte feuille au policier. Rien qui ne pourrait l’offenser, simplement un porte-feuille, des papiers, un peu de monnaie. De quoi prouver qu’il n’était rien d’autre qu’un citoyen lambda. Mais si ce n’est rien d’autre qu’un contrôle d’identité, il serait juste de lui demander les siens, n’est-ce pas ? Les orbes luisantes appuyées contre leurs homonymes, mais il sait Ashe curieusement ; la justice peut se montrer parfois, aussi cruelle que lui.