soirée impromptue, bouscule leur routine habituelle.
pas nécessairemet agacé ou déçu, accepte le fait d'un haussement d'épaules — il a réussi à marchander un repas lorsqu'il reviendrait, et ça, ça le satisfait, lui et sa flemme de cuisiner.
mais ce serait mentir de dire qu'il ne s'inquiète pas, yeon.
et qu'il s'en veut, de se méfier ainsi.
connait stian, connait sasha et connait -à petite échelle- leur passif.
ose espérer que les gens changent.
n'arrive toutefois pas à déloger le malaise qui s'est niché au creux de ses tripes, s'efforce de l'ignorer.

et le temps défile, s'étire, sans nouvelles.
lézarder dans le canapé pour regarder la télé -espérer noyer son inquiétude grandissante- se transforme vite en cent pas dans le salon exigu.
c'est qu'il n'est jamais entièrement serein, hors du camp, loin de la sécurité offerte par la brume.
les monstres rôdent, tapis dans l'ombre, et la ville est immense, parfait terrain de jeu.
ses quelques messages envoyés n'ont même pas été ouverts, n'aide pas à calmer son agitation.
tant et si bien qu'il se jette pratiquement sur son téléphone lorsque celui-ci sonne, mélodie familière attitrée à un sasha visiblement éméché, au vu de ses paroles, à l'autre bout du fil.

tu es où ?

se veut neutre, pas complètement excédé ni trop anxieux, pas qu'il semble capter sa tentative plus que discutable de toute façon.
ce n'est pas lui qui répond à sa question.
grince des dents, merci crispé adressé à l'inconnu.

oui, j'ai entendu. j'arrive. oh, tu me rejoins ? oui.

promis, je bouge pas
il n'avait pas intérêt à le faire.
tu me manques

toi aussi. à plus tard.

raccroche, yeon, les doigts serrés sur son portable.
ce n'était pas le moment de se laisser dévorer par son irritation, préfère utiliser ce regain d'énergie pour récupérer son manteau, ses clés et retrouver son copain.
se sentirait coupable pour le pauvre chauffeur de taxi plus tard, trop accaparé par ses sms toujours non lus et le souvenir frais de sa voix en tête.
pourboire silencieusement offert, une fois arrivé au bar — plisse des yeux, semblant reconnaitre une silhouette familière, un peu à l'écart.
bingo.

sasha ?

c'est lancé sous forme d'interrogation, plus par réflexe que par doute, sait que c'est lui, avec stian à ses côtés.
l'odeur lui agresse le nez, fronce naturellement des sourcils — agacement de plus en plus omniprésent.
il l'aurait trouvé beau, son sourire éclatant, s'il n'était pas en train de tituber pour venir s'écraser dans ses bras, le nez contre son cou.
son regard ne quitte pas le fils d'hermès, froid à en faire geler les enfers, alors qu'il pose une main sur la taille de sasha, tente de lui offrir un minimum de support pour leur éviter de tomber.

j'ose présumer que vous passez une bonne soirée ?

sarcasme accroché à chacun de ses mots.
ils sont complètement torchés, évidemment qu'ils passent un bon moment.

c'est qu'il ne s'attendait pas à grand chose, une fois la question -rhétorique- posée.
entre le bruit d'acquiescement émis par sasha et l'enthousiasme de stian, il étouffe le soupir qui menace de lui échapper.
ce dernier s'excuse d'ailleurs pour l'heure, trop large sourire toujours scotché aux lèvres.
ça l'horripile.

je vois.

cassant au possible, ne voit pas l'intérêt de prendre des pincettes.
l'irritation grandissante à peine apaisée par le pardon murmuré à son oreille — inspire, s'efforce de conserver un minimum son calme.
ça ne l'empêche toutefois pas de le dévisager, lui, toujours appuyé contre le mur.
représentation parfaite de la nonchalance qui l'excède, là, tout de suite.
ne détourne son attention qu'à la requête de sasha.
on va rentrer ? on peut rentrer ?

oui oui, on va rentrer. tu peux tenir debout, une seconde ?

il l'observe se redresser, sa main toujours posée sur sa taille, au cas où son équilibre lui ferait défaut.
semble être apte à tenir debout, sasha, ça le rassure.

parfait, parfait, ne bouge pas.

mouvement capté du coin de l'oeil, fixe le téléphone qui lui est tendu, puis son propriétaire.
il lui demande d'appeler un de ses contacts, visiblement trop affecté par... peu importe ce qu'ils ont ingéré jusqu'ici, pour s'en charger, précisant qu'il peut lui parler.
il a beau être exaspéré -inquiet-, yeon, il préfère largement s'en charger.

non, c'est bon.

et s'assurer qu'il rentre, malgré tout, en un seul morceau.
indique ensuite qu'il n'a pas de code, stian.
lui arrache finalement le soupir retenu jusque-là, l'air de dire sérieusement ?, quand il attrape son portable qui se déverrouille effectivement sans problème.
n'a pas à fouiller trop longtemps, tombe sur la personne à contacter — les emojis associés au nom l'auraient fait sourire, si les circonstances avaient été différentes.

bonsoir. emon, c'est bien ça ? je m'appelle yeon, je suis désolé de déranger à cette heure. je suis avec stian et il faudrait venir le récupérer, politesse primant l'agacement, l'adresse ? 125, onzième rue. le- delux- deluxx fluxx, le nom de l'établissement est toujours aussi ridicule, merci infiniment. encore désolé.

lui rend son bien, une fois l'appel terminé.
espère seulement que l'attente ne soit pas trop longue.