Ioné a vécu parmi les hommes, les héros, et les mortels. Elle foule depuis un long moment cette terre, à attendre de rendre son dernier souffle ou de perdre la vie au combat.
Raconter son histoire ne serait pas différente de raconter l'histoire du monde. Autant gagner du temps. La néréide n'est pas d'un naturel engageant, ni même bavard, mais il peut lui arriver de raconter quelques anecdotes qui lui sont arrivées.

Les Dieux ? Ioné se garde bien de donner son avis sur les Dieux, elle ne sait que trop bien ce que l'on risque si on ose les insulter et elle n'est pas prête à souffrir. Zeus est un infidèle maladif, c'est un problème, et c'est d'autant plus grave que sa propre épouse est dévorée de jalousie. Elle a beaucoup de défauts mais étrangement ils plaisent à Ioné, elle comprend. Quand à Hadès, Ioné ne l'a jamais rencontré, alors elle ne saurait dire quoi que ce soit sur lui. Tant mieux, elle n'a pas vraiment envie. Poséidon ? C'est son beau-frère, elle a vécu à sa cour, fait parti de sa suite bien trop longtemps. Elle l'aime bien. Si il pouvait rester fidèle à sa sœur Amphitrite, cela serait bien mieux mais bon, c'est un Dieu, et son statut est plus élevé que celui de son épouse. Elle comprend pourquoi sa sœur ferme les yeux. De tous les Dieux Olympiens, c'est du couple divins des océans dont elle est le plus proche. Mais concernant les rares demi-dieux issus de lui, elle ne sait pas vraiment quoi en penser. Est-ce qu'elle doit les dédaigner au risque de déplaire à Poséidon ? Fermer les yeux en se disant qu'ils sont mortels et dans quelques dizaines d'années ils ne seront plus que poussière?
Quand aux Dieux de la seconde génération, évidemment Aphrodite est la plus belle. Si belle qu'Ioné les rare fois où elle a croisé son chemin aurait bien changé de bord. Elle qui est vaniteuse, elle ne s'est même pas sentie jalouse car personne ne peut égaler ce qu'Aphrodite dégage. Artémis et Athéna sont des modèles de vertu, et Ioné les admire en cela. Tout comme Hestia, soit dit en passant. Arès est un guerrier-né, peut-être un peu trop violent à son goût, mais ce n'est pas sa faute. Dionysos est agréable lorsqu'on veut passer du bon temps, sans se prendre la tête. Il fait trop chaud dans les forges d'Héphaïstos pour qu'elle y ait jamais mis les pieds, en plus il paraît qu'il a les mains un peu baladeuses. Ioné ne s'y est donc jamais rendu. Mais elle admire ses créations, après tout c'est le meilleur des forgerons.
Déméter est vraiment une mère modèle, surtout pour sa fille chérie. C'était un peu exagéré de punir les mortels pour l'enlèvement de Perséphone par Hadès. Ils n'avaient rien demandé, les pauvres. Mais c'est compréhensible. Apollon est un peu à l'image d'Aphrodite, beau, brillant, talentueux, et de lui, Ioné est jalouse. Un peu. Hermès est amusant, moins que Dionysos et on peut moins lui faire confiance. Il est le dieu des voleurs après tout.  Et trop malin selon elle. Elle est plutôt team Iris si on le lui demandait.
Son père, Nérée, le Vieillard de la mer ainsi qu'on le surnomme, sans doute le plus assommant et ennuyeux de tous. Mais c'est son père et c'est en Mer Egée que Ioné trouvera toujours refuge.

Quand aux héros. Lors de leur âge d'or, Ioné en a croisé quelques uns. Elle a vécu la guerre de Troie, et a assisté à la mort de son neveu Achille. Un grand guerrier. Un très grand guerrier même. Sa mère Thétis avait vu sa mort dans une vision. Ioné, à ce stade, est désespérée, deux de ses sœurs ont plus de pouvoir et un destin hors du commun (la seconde étant Amphitrite) alors qu'elle, reste une divinité mineure, une nymphe des mers. Peut-être que si un jour elle réussit à séduire un dieu... ?
Revenons à Achille. Les visions se réalisent toujours, c'est un fait. Achille mourut donc au bout de la neuvième année de guerre. Des nombreux guerriers moururent pendant cette guerre, Ioné pourrait parler d'Hector, dont l'honneur lui fut fatal, Hélène ! Qui n'est pas un héros mais une femme à la beauté qui égalait presque celle d'Aphrodite... Ulysse, l'un des hommes les plus intelligents et rusés qu'elle ait jamais « rencontré », à se demander si Hermès n'était pas un de ses ascendants. Mais non.
Une vraiment sale période que cette guerre de Troie qui si elle fut une guerre mortelle.. impliqua les Dieux à travers eux. Mais les Dieux étant les Dieux, une fois la guerre finie, ils retournèrent à leurs affaires.
Un jour, mais était-ce avant ou après la guerre de Troie vint Hercule? Ce dernier alla un jour trouver son père, Nérée, afin de savoir où se trouvait le jardin des Hespérides. Il le piéga afin de le faire parler et Nérée résista autant qu'il put avant de lui donner un indice. Il profita d'un moment d'égarement d'Hercule pour s'enfuir. Certains poètes et écrivains dirent que ce furent les Néréides qui aidèrent Hercule à piéger leur père. Il faudrait demander aux Hespérides, sans doute s'en souviendront-elles mieux qu'elle... Elle ne comprends en revanche absolument pas pourquoi ce dernier a été divinisé après sa mort. Ou si, c'est un fils de Zeus après tout. Jalouse ? Oui.
Elle rencontra également brièvement Jason, que sa sœur Thétis aida dans sa quête. Thétis, la plus belle de toutes les Néréides...  

Quand à l'Atlantide, il faut parler de cette cité, une des plus belles qu'elle ait jamais vu. Elle l'assimile à l'Olympe, elle qui n'a jamais vu la demeure des Dieux en personne, mais en entendu parler. Elle comprends presque pourquoi Zeus la détruisit d'un cataclysme, car il est mauvais pour les mortels de se prendre ou de vouloir égaler les Dieux... Surtout que la cité n'était pas bâtie en son honneur, mais en celui de Poséidon. Si Ioné avait été lui, elle en aurait voulu à son frère, mais on ne peut pas en vouloir longtemps au roi des Dieux sans en subir les foudres. Ce fut une période brève, mais prospère. Ioné en garde un merveilleux souvenir, et c'est parce que c'est un souvenir, déformé, qu'il est si beau.


Si les Néréides étaient plutôt enclines à aider dieux comme mortels, elles furent également connu pour un épisode particulièrement cruel. En effet, un jour une reine mortelle Cassiopée pour ne pas la citer, prétendit que sa fille Andromède était bien plus belle que les Néréides... dont sa propre femme Amphitride faisait parti. Hors si il y a une chose que les nymphes sont, c'est belles. Et plus que des mortelles. Être comparée à une mortelle, c'est insultant. Et pour une fois, toutes les Néréides se plaignirent à Poséidon qui se chargea d'envoyer un monstre marin ravager les côtes du royaume. Un oracle fut dépêché par les mortels pour savoir comment régler ce problème. La seule réponse fut que la beauté d'Andromède ayant causé de désastre, il fallait la sacrifier.
Ioné trouva la situation un peu injuste, elle aurait préféré que ce soit la mère, cette inconsciente qui subisse ce sort plutôt qu'une innocente mais après tout, pourquoi pas ? Elle n'est pas humaine, elle ne ressent pas les choses de la même façon. Elle est bien supérieure aux hommes, pourquoi se soucierait-elle du sort de l'une d'entre elle ? Fort heureusement pour elle, un demi-dieu vint à son secours, Persée, fils de Zeus. Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d'enfants ensuite (après maintes et maintes aventures comme les héros et demi-dieux ont toujours des vies compliquées!).

Après cela, l'ère des héros laissa place à l'ère de leurs descendants, des mortels dans les veines desquels coulaient quelques gouttes de sang divin, trop lointain pour faire d'eux des demi-dieux mais assez pour faire d'eux des hommes et des femmes qui ont marqués l'histoire.

Alexandre le Grand, il était persuadé d'être un descendant d'Achille, et peut-être en était-il un après tout. Sa sœur Thétis avait pris soin, après la mort de son fils unique, de la descendance de ce dernier, avant de s'en retourner à un moment donné, à sa vie. Aussi sa revendication piqua t-elle l'intérêt de Ioné. Elle n'y vit là qu'un roi mortel, mais un roi puissant et prometteur. Alors elle décida de l'aider. A plusieurs reprises, elle fit en sorte que les flots lui soient favorables. Malheureusement, et comme souvent, les hommes au destin exceptionnel meurent jeune. Ce fut son cas.
Après sa mort, la nymphe demeura sur les rives égyptiennes, fascinées par ce royaume aux Dieux aussi anciens si ce n'étaient plus que les Olympiens. Elle y demeura jusqu'à l'avènement d'une reine plus intelligente que belle, Cléopâtre. Elle aussi était une lointaine descendante d'Alexandre le Grand, qui nomma ses propres enfants d'après le Soleil et la Lune. Sa mort des mains des Romains, un autre peuple qui vénérait les mêmes dieux mit fin à l'intérêt d'Ioné pour les mortels. Elle s'en retourna en mer Egée. Elle sait qui est César, mais ne s'est jamais intéressée à lui. Ce n'était pas un descendant d'Achille après tout.

Elle ne sortit de sa retraite qu'à de rares reprises au fil du temps. Et la dernière fut lorsque Poséidon lui demanda si elle était intéressée pour rejoindre Nausikaa, une île qu'il avait fait sortir des flots afin d'y accueillir les sang-mêlé, de leur offrir un asile. Bercée par les rêves d'antan, elle accepta.
La vie s'y révéla plutôt calme et paisible, et lorsque les demi-dieux sont trop agités, il lui suffit de retrouver l'océan, personne ne l'y suivra. Elle se contente de patrouiller dans l'océan qui entoure l'île avant de rejoindre le rivage, de sauver parfois quelques demi-dieux imprudents d'eux-mêmes. Mais des monstres? Il y a toujours un risque, mais ce risque est plutôt en dehors, car la Brume est efficace... n'est-ce pas?