XIXe siècle Les Vassigny sont une ancienne famille de riches commercant-es ayant fait fortune sous le Second Empire, à l'âge d'or des grands magasins parisiens. Leur sens quasi miraculeux des affaires est hérité d’une parenté avec Hermès présente parmi quelques membres illustres et morts très jeunes de l’arbre généalogique ; Emile-Jacques Vassigny, fils du messager des dieux, crée par exemple Le Printemps. Les Vassigny cultivent depuis maladivement le secret légendaire de leur réussite et saluent les passages répétés du dieu dans leur lignée comme une bénédiction sur leur colossale fortune.
-1 an Hyacinthe et Sybille Vassigny sont de drôles d’oiseaux mal accordés : elle vient d’une famille bien moins riche et lui ne semble plus amoureux d’elle. Il est legs de seconde génération et elle simple mortelle. Hyacinthe Vassigny est parti à l’armée ; il en est revenu le visage déchiqueté par les bombes, méconnaissable, avec quelques centimètres en plus, la voix plus grave, un coup de fortune. Sa survie est un miracle que l’on célèbre avec un entrain maquillé ; les chirurgies réparatrices l'ont sauvé de la mort et du déshonneur malgré les nettes cicatrices qui encadrent son visage. Sybille fidèle à son prénom ne s’est jamais prononcée clairement sur la question qui brûlait toutes les gorges, et leur couple battait dès lors tendrement de l’aile. Elle veillait froidement sur son mari récupérant et sur son propre ventre. Arthur Savard — de son nom véritable — et elle ont eu Innocent au début du mois de décembre 1997.
Naissance Parmi les dignes successeurs de l'empire familial malgré tout — ses parents ont dit aux pieux aïeuls : on ne va pas attendre le démiurge éternellement, tant pis pour la fortune : d’où la grossesse à quarante ans —, il sera dans tous les cas destiné à vivre dans une oisiveté bourgeoise acquise de naissance des deux côtés de l'océan. Innocent naît en France mais est emmené très jeune en Amérique : une partie de la famille s'implante à New-York, ses cousin-es restent à Paris.
2 ans Un accident de la route fauche Arthur et Sybille avant qu'iels ne se soient avoué-es la vérité sur le destin de Hyacinthe. La voiture a lâché, Innocent n’était pas là, laissé aux bons soins de sa nourrice dans la canicule new-yorkaise. L’enfant n’est pas véritablement abandonné mais la négligence affective et physique qui découle de son adoption pousse Hestia, alarmée, à le prendre sous son aile ; la nourrice est une nymphe envoyée par la déesse pour veiller sur cet enfant laissé loin d'une famille qui le considère à peine, le véritable Hyacinthe étant mort, aucun legs de sang divin ne coule dans ses veines. Hermès laisse faire l’olympienne. L’orgueil de cette famille l’a lassé. Il est réclamé puis conduit à Nausikaa d'un tour de main.
2 à 15 ans Au camp Innocent est un enfant turbulent mais très affectueux, il n'a en vérité pas beaucoup changé ; le genre qui fait soupirer et sourire en même temps. Son inconscience le pousse aux pires tendresses. Ayant connaissance de ses pouvoirs avant l'immense majorité des autres dieux, bien que ceux-ci ne soient pratiquement pas développés, il s'y essaye avec acharnement, et provoque de petits incidents avec sa pyrokinésie. Rien de bien méchant : sa mère divine veille sur lui avec une bonté amusée, sachant que les enfants de ce genre ne doivent jamais être délaissés. Il lui parle beaucoup. Il parle beaucoup aux autres, souvent pour dire n'importe quoi. Quand on le chamaille, il chamaille plus fort, et fugue beaucoup du bungalow pour explorer l'île de nuit ; Il ment sur ses déboires nocturnes en tendant ses mains blanches et son prénom. Il grave des obscénités sur les murs de tous les bungalows, poussé par ses copains et sa propre volonté.
18 ans Son comportement exaspère et remonte aux oreilles de Maman ; parmi ses doux rejetons Innocent paraît trop heureux de foutre autant le bordel jusqu'à cet âge avancé, où les autres concentrent leurs efforts sur des buts plus nobles que le chaos pour le chaos. Elle décide de le maudire gentiment, pour son bien : il n'est dès lors physiquement plus capable de dire autre chose que la vérité. Elle compte sur son instinct de survie pour jouer de ce pouvoir en sa faveur — elle a confiance en son fils, qui ne lui en a pratiquement jamais voulu, d'ailleurs, ce n'est que justice divine et maternelle, sa préférée. Il a souri en se faisant maudire.
21 ans A la sortie du camp, Innocent n'est toujours qu'un enfant mal grandi : il part par impulsion au théâtre et se produit quelques temps dans des rôles comiques, ou dans les chœurs des tragédies. Sa malédiction l'oblige à arrêter très rapidement puisqu'il est physiquement incapable de déclamer ses lignes — la seule fois où il aura du ressentiment pour sa condition. Il profite également de sa nouvelle liberté pour découvrir New-York et chercher de potentielles informations sur sa famille mortelle. C'est au cours d'une de ces excursions qu'il revient au bord de la mort, essoufflé, un doigt en moins. « J'ai jamais aussi vite couru ! » clame-t-il avant d'être emmené à l'hôpital de toute urgence.
22-24 ans Il décide à la place de s'engager dans la milice, le protocole grandiloquent l'attire davantage que le pouvoir qui en découle — et le regard surpris et amusé de ses ami-es n'a pas de prix. Il suit les formations avec une assiduité détachée d'enfant terrible rédempteur. On l'évincera pourtant de sa section au bout de quelques mois car trop laxiste et irrespectueux envers ses supérieurs ; sa malédiction et son insolence lui brûlent toutes deux la langue.
Aujourd'hui Il se tournera finalement vers le métier de messager, prompt à le laisser indépendant — et pied de nez personnel car profession souvent déléguée aux enfants d'Hermès. Il tente toujours en parallèle de reprendre contact avec une partie de sa famille, remontant le fil depuis des recherches internet jusqu'à des numéros de téléphone d'entreprise. Pour l'instant il ne peut pas faire le voyage jusqu'en France, évidemment, alors il laisse des messages à la secrétaire de son oncle : « Monsieur, un certain neveu a vous a appelé, un Innocent. Enfin, son prénom, c'est Innocent. » Lui n'attend que de raconter sa vie de facteur à ses oncles rentiers dans des restaurants de luxe, qu'ils le regardent confus et soulagés de le savoir en vie ; eux comme lui-même ne méritent que la stricte vérité.