dans mes petits poings sanglants d'où pendaient quatre ailes dorées
je haussais la gloire de mon père en face du soleil couchant
CW : Harcèlement
C'était des jours sans colère où la violence n'était motivée que par le rire des autres et, évidemment, par notre nature. À cette époque j'avais au-dessus de la tête le demi-dôme d'un soleil rouge qui me servait de coiffe aveugle et sourde, respectivement à mon privilège et mes abus : je frappais jusqu'à l'éruption des sens.
Je ne sais plus si j'ai commencé seul, ou avec les autres ; cela faisait des années déjà. Je crois que nous nous étions rejoint avec mes adelphes et que ce n'était qu'une des activités où nous nous acharnions, comme le sport, dont il ne s'agissait que d'un prolongement pour nous. Des guerres miniatures.
Imaginons que ce jour-là il faisait doux et bon — je ne m'en souviens plus, c'était sûrement un temps insignifiant de fin de printemps. Nous étions toustes essoufflé-es par l'entraînement et traînions nos muscles tout juste saillants, luisants de sueur en bordure du terrain comme des armes à part entière. On roulait nos épaules et cela faisait un effet écrasant et rutilant qui se suffisait à lui-même. Je me séparais du groupe l'air de rien, le cou ployé je laissais le soleil cascader sur mon visage et sécher la sueur sur mes paupières. Il fallait maintenant ranger et cela m'emmerdait plus que tout. Mon petit bain de soleil fini, je rouvris les yeux et jetais un regard las, engourdi sur les installations. D'autres adolescent-es passaient alors près de moi. Parmi eux, un Hypnos transi et chétif que je connaissais bien. Et là le courant de l'air changea très perceptiblement, ce qui arrivait souvent sur les îles, c'était pas le genre de choses qu'on questionnait. Je le rattrapai en quelques enjambées près des cabines de vestiaires.
D'un geste grave — une gravitas taille enfant : on allait pas bien loin, mais j'arrivais à les confondre dans notre petitesse commune et à paraître immense — je mis le fils d'Hypnos dans mon horrible contre-jour et laissai tomber mon épée à ses pieds.
‹ Ramasse. › Peut-être qu'il frissonna. Je le regardais faire avec ce regard élimé taillé comme un silex par des mains minuscules et aveugles et ce n'était pas gentil. Je me fichais de la méchanceté comme d'un dieu mineur ou d'un adulte, ce qui était à cette époque à peu près la même chose pour moi.
Il me regarda un instant (peut-être regretta-t-il ?) avec des yeux fuyants et abandonnés avant de ployer devant moi. Son genou découvert par le pli de sa jambe ressortit particulièrement alors qu'il était accroupi, sa rotule était une boule blanche que je frappai d'un coup sec et machinal qui lui fit lâcher le manche ; il étrangla un râle par respect pour ses bourreaux, et veilla à ne pas tomber au sol.
‹ Ramasse plus vite. › C'était des jours sans excuse.