Soyons honnête, tu n’as pas une liste exacte, classée dans un ordre précis avec minutie et beaucoup trop d’applications, des choses que tu détestais faire. Mais à l’instant présent cette liste mentale était on ne peut plus claire, il n’y avait qu’une chose et cette chose avait pris première place te faisant regretter chaque choix fait au cours de ta courte et misérable vie, laissant place à une forte envie de mort subite afin qu’une ambulance vienne te chercher et t’emmène loin d’ici.
Et oui, tu aurais voulu dire toutes ses choses tout haut mais à la place tu avais juste fixé le dos de ton futur interlocuteur sans rien dire comme si cela arrangeait quoique ce soit à la situation, non cela n’arrangeait rien et tu allais finir par sembler très bizarre à juste rester planté debout..

Pourtant l’habituelle était que ton travail au bain se faisait généralement assez agréable, la chaleur douce qui émanait de l’endroit et lorsque tu arrives il n’y a généralement que le patron, rien de plus pas de gens nus à devoir chasser des bains ou autres. Le jour pourtant a été bien choisi, pas de patron en vue, résultant en un post-it dans le placard des produits d’entretien, rien de trop inhabituel à ses absences, un simple mot qui venait assigner une tâche particulière ou une remarque concernant la journée, rien de bien marquant à l’habituel.

Mais ça c’est le point vu théorique puisque cette fois il y avait une remarque sur Ellair dans le cas où il ne serait pas partie à ton arrivée. Le simple nom ne l’avait pas réjoui, la suite non plus et surtout la possibilité d’une quelconque confrontation encore moins. Mais s’il ne bougeait pas rapidement cela allait paraître très très bizarre car cela faisait quasiment une minute que tu avais mis les pieds dans la pièce principale sans plus te déplacer. Le temps de lire plusieurs fois le papier, d’accepter son sort, et par les dieux espérer une soirée douce.
Excusez-moi..Monsieur Shawn..? Tu avais fait quelques pas, juste assez pour te poster d'un côté du bassin serpillère en main. Assez pour qu’il te voit sans que tu ne puisses pas trop voir de lui, distance pudique et sécuritaire tout comme ta serpillère qui en cas extrême servira d’arme de fortune. Désolé de vous déranger hein..c’est rien contre vous évidemment..fin rien de personnel ! Vu que c’est par rapport à vous quand même.. Ta voix bien trop tremblante pour paraître crédible quelle idée de te faire annoncer ce genre de message..Mais..Pn va bientôt fermer et euh..Me patron à laisser un message..Pour vous.

Le silence est un des pires châtiments, te laisse dans l’incertitude, le doute, la peur. L'absence de réponse te laisse hésiter quelques instants, peut-être que si tu hausses là voit un peu plus il t’entendra ? Mais tu le sens, il ne dort pas, se joue de toi…
Monsieur Sh- Le regard se pose sur toi, t’arrête net, c’est le regard qui transperce et qui passe sur chacun de tes défauts, chacun de tes souvenirs. Acquis de conscience ou qu'importe ce à quoi tu te rattrapes, tu te redresses, le dos droit tandis que ta prise se resserre légèrement sur la serpillère, permet de ne pas tanguer, appuie un peu plus stable.

Son regard interrogateur tandis que le tien se tourne vers la sortie de la pièce comme pour appuyer ses mots Je vous laisse..allez vous rhabiller dans ce cas et..je.. reviendrais vers vous après.. ça se sera plus simple. Il n’y avait aucun doute, il était énervé, c’était certains et tu risquais d’en payer le prix. Mais au-delà de ça, tu avais encore moins envie de le voir s'énerver nu, qu’il sorte d’ici et qu’il s’habille était ta priorité avant de devoir engager une discussion désagréable. Évidemment qu’il s’énerve en portant des vêtements ne le rendait pas moins terrifiant, mais cela te retirait une part de malaise lié à la discussion actuelle. Le corps est une de ces choses que tu ne peux apprécier chez toi, qui te terrifie chez les autres, qui laisse cette impression désagréable comme des craies que l’on tire sur un tableau alors on se bouche les oreilles, on évite le plus possible l’évènement.

Non ?
Comment ça, non ?
Ah oui, non, autant pour toi bah pas de soucis dans ce cas tu retournes à ton travail et on fait comme si de rien n’était c’est ça ?

Tu ne comprends pas comment Ellair a pu prendre ses aises ici sans se dire qu’avec son salaire ou l’argent qu’il pourrait récupérer trop facilement se faire construire des bains privés serait une meilleure option pour tout le monde..
Monsieur Shaw, je suis désolé mais il faut que vous sortiez...vraiment. Ses mots là tu te les permets plus facilement bien qu’il ne soit pas articulé à la perfection, d’un ton trop rapide car il n’y a pas d’entre deux à ton hésitation plus lente, c’est directement le semblant d’assurance trop rapide. Ce n’est pas la première fois que tu évoques un message pareil à un client bien que cela te dérange toujours autant, de moments silencieux où tu attends que les gens sortent du bain et où tu n’évites plus seulement le regard mais tout le corps.

Tu aurais voulu que les mots suivants soient tout aussi simples à annoncer, ton regard retombe sur le post-it, comme pour t’assurer que c’est bien réel, que tu n’as pas inventé tout ce contexte, être sûr de ne pas provoquer une erreur trop grande, car on t’ordonne de continuer, au ton grinçant que tu ne peux ignorer. On a..comment dire..des clients nous ont, disons..fais part de votre comportement au sein de notre établissement.. Il n’y a pas de bonne manière d’annoncer ses maux, alors tu n’avais pas fait grand-chose, tu n’avais pas bougé, n'avais pas haussé la voix, le post-it s’était juste écrasé au creux de ta paume, te rappelle l’écrit clair, l’instruction claire détachée de biais.C’est la réputation de la maison qui est en jeu et..’fin si ça arrive à nouveau on sera obligé de vous interdire l’accès… Vous pourrez en parler au patron pour plus de détails hein..Il m’a juste demandé de passer le message vu qu’il n’est pas là aujourd’hui. Souligné comme pour rappeler que la décision n’est pas tienne, et peut-être oui tu te sentirais plus à l’aise si tu ne croisais pas le fils d’Arès régulièrement dans les bains mais pour autant ça ne te rend pas responsable de la requête.

Tu ne peux empêcher le sursaut au mot trop brut, comment es-tu censé t’expliquer si l’on te coupe de la sorte ? Finit par te taire quelques instants, celui d’inspirer, un bon coup. Aurais voulu que le geste soit en seule raison d’une provocation mais là vient nécessité prenant le dessus. Ellair a ce tout qui oppresse, qui tend, quand le regard se pointe le tien se baisse, laisse le pas se suivre chez toi, mauvaise symétrie où l’on sait de suite qui l’on préférait jouer, qui souhaiterait finir dos au mur après tout. Tout ce que tu essayes c’est garder un écart sécuritaire, garde l’évidence que tu ne pourras pas fuir l’endroit mais il est rassurant de ne pas être sous l’autorité directe de l’enfant de colère.

Quoi ?
QUOI ?
Il se paye clairement de ta tête à présent, ça l’étouffe donc d’être honnête face à toi maintenant. À quoi pense-t-il, de tous ce n’est pas à toi que le mensonge face aux crasses qu’il a provoqué est nécessaire. Tu les sais oui, tu ne les sais que trop bien et à présent il se fait lui victime d’autres ? Je vois.. Enfin, cela ne change malheureusement- Accent sur le malheureusement, trop propre vice de te le permettre-ça ne changera pas la décision du..patron..Après vous pouvez me faire suivre..les noms ? Que la sentence soit égale pour tous si elle s’avère véridique. Mais, si ce n’est pas..la première fois, ‘fin vous auriez dû l’indiquer avant..au patron..

Qui sait… À ne pas adresser le souci on ne saura jamais ce qui aurait pu se faire si, si l’on avait agi avant ou autrement, peut-être que le patron aurait fait quelque chose..Il n’y a que les requêtes des clients qui l’anime des fois, alors peut-être, mais tu le sauras jamais, et tant mieux aussi, car tu n’aurais pas voulu la voir cette scène.
Si Ellair se bat, c’est que les adversaires sont à sa hauteur non, alors même si l’on vient à avertir qui voudrait s’interposer. Il est tellement plus simple d’attendre que la colère retombe, d’une manière ou d’une autre et enfin le voilà qui commence à partir, te laisse respirer à nouveau, calmer tes souffles, aligné quelques mots sans réel souci. Très bien monsieur.  Tu n’étais personne pour t’y opposer, qui sait ce que vous gagner, ce que vous perdez, non il n’y a pas de vous. Tu n’es qu’employé, la fortune de l’endroit ne t’importe pas, tout ce qui t’importait était de pouvoir commencer ton travail, finir cette conversation, et au pire, tu trouverais peut-être un travail ailleurs, loin du monde trop bruyant dont certains cherchent à se débarrasser sans y parvenir.

“Tu es ?“
Tu n’es donc pas grand-chose,  du moins pour lui tu n’as dû être qu’un corps que l’on vient détruire sans se donner la peine d’y poser une identité. Pour lui tu n’as pas envie d’être, cela fait longtemps que tu as cessé d’exister. Pour toi..tu n’es pas grand chose non plus, mais pour elle tu es tellement plus, pour elle tu donnes tous, tes rêves, tes mots, tes rires et tes sourires dans chacun de ses détails tu te fais plus vivant que jamais. Mais pour lui, tu préfères rester ce rien.  Agent d’entretien..Monsieur, et..je m’occupe des bains quand le patron n'est pas là quoi.. Et il n’y a pas de quoi en être triste, tu es et tu reste Ethan Jacobs, ce pas grand-chose qui ne vit pas pour la réalité.

Ethan Jacobs. Répondu bien trop vite, le cœur au cent à l’heure. Tu voudrais fuir. Au plus profond de toi c’est tout ce que tu souhaitais, avais reculé, d’un pas, puis de deux et cela n’avait rien changé. Il restait là, bien trop proche, bien trop fort. De sa voix de sa présence tu détestes le savoir aussi proche, tu détestes le fait qu’il hausse aussi facilement le ton et que tu ne peux t’empêcher de fermer tes yeux quelques secondes. Comme si cela te sauverait, aucun mouvement en périphérie mais tu ne peux t'empêcher de te méfier, de vouloir te préparer à l’éventualité, balais toujours en mains, agrippé trop fort à défaut de trouver d’autre points d'ancrage.

Il se fait calme, très, trop, est ce que c’est réel ou seulement une excuse pour mieux revenir vers toi ensuite ?  Tu ne sais pas. Ne devrait-il pas avoir grandi depuis les années de camp, ne devrait-il pas représenter une balance à protéger tout un groupe, ou au contraire devait-il balancer par les offenses de la sorte ? Tu peux détester et reprocher tellement tout en cette figure que l’on nomme Ellair Sahw, ses faits et gestes encore trop similaires aux années où tes traits étaient constamment déformés par les coups, mais toi, avais-tu vraiment changé ? A espérer que quelqu’un viendrait te sauver, te tendre la main, espérer la bonté sans jamais se dire que le changement même pourrait venir de ta personne ne serait-ce qu’en te tenant droit, en relevant le regard. Ethan Jacobs, un nom prononcé sans fierté ni force, du genre à traîner dans la gorge et assez passe-partout pour être vite oublié.  Tu en étais certain, tu aurais préféré qu’il ne puisse pas reposer un nom sur ta personne, alors pour aujourd’hui tu t’excuses encore, de ne pas te faire bruyant comme il l’est lui, de ne pas relever le regards, d'obéir si facilement, sans même te rendre compte que qu'il était trop tard, pour lui tu étais trop bruyant.

Il ne s’était pas souvenu de ton nom, l’aura probablement oublié demain, et maintenant ?
Maintenant le sol ne va pas se nettoyer tout seul n’est ce pas ?

Tout s’éponge hein, poliment et gentiment, parce qu’il s’est rien passé, aucune marque, aucun témoin, aucune image puisqu’il serait malhonnête de cacher une caméra dans les bains. Rien n’a eu lieu.
Toi, Ethan Jacobs n’aura fait que transmettre l’information à Ellair Shawn que le patron ne tolérerait plus les violences dans son établissement, et après avoir pris conscience de l’information Ellair Shawn a quitté l'endroit.
Ce n’est même pas une victoire qu’est-ce que tu es minable, le balai serré dans une main et voilà, voilà regardez la l’action ! Elle ne reprend qu’au moment où la porte des vestiaires se referme, et de là encore dix secondes compter dans la tête, non ! Quinze, juste pour être sûr, puis vingt ! Et en fait non, planté là tout droit t’as entendu encore, car tu sais que l’encore est possible, tu voulais pas mais tu te fais pas d’illusions, alors t’as entendu encore, cinq minutes, le temps que tu entendes la porte d'entrée se refermer, quand t’étais sûr, qu’il était plus là, que t’étais sûr d’être seul.

Le au revoir n’a même pas dépassé tes lèvres, malpolis, ce n’est pas comme ça que l’on devrait s’adresser à un client. Il te manque les manières, le savoir-être, rester droit, savoir sourire, tu sais pas comment font les gens. Comment on amorti ses mots là, comment on annonce les pires nouvelles sans les pires conséquences et passe à autre chose comme si de rien était.
T’en as mis de temps, à respirer, t’asseoir dans un coin de la pièce, laisser le temps, te laisser toi, te délaisser, cinq minutes, où peut être vingt, le patron n’est pas là, le patron n’aura pas à savoir et, tout ça c’est sa faute de toute façon, alors tu peux te laisser dormir, juste un peu, juste assez pour revoir Sherry, tu n’as pas la force de travailler sans ses mots.