le regard fixé toujours aussi loin que lui-même ressemblait à un ectoplasme ; mishka a cependant des interrogations sans réponse qui s’immiscent dans sa tête -
et c’est qu’iels formaient un duo étrange, une dissonance qui rebuterait tout esthète.

c’est qu’en enfant de la nuit il ne comprenait guère l’attention que lui portait cette fille qui avait tout des soleils altruistes caressant la surface des océans ;
même ses pas étaient plus vivants que les siens
et mishka de cela n’en pensait rien mais d’autres se demanderaient s’il avait même la certitude d’exister dans ce monde en dérivant.

pourtant, il n’avait refusé son invitation à sortir puis l’accompagner en ville - et peut-être qu’en fausse attention, il s’était épris du goût doux-amer de cette chaleur d’aube ;
elle possédait l’innocence des rosées qui chantent des louanges qu’il ne mérite pas.

leur trajet lui avait semblé à la fois long et si comblé de paroles coulant en mélasse incessante de cette étrange acolyte qu’il n’avait rien ressenti sinon la raideur qui venait lui grignoter le bas du dos.

mais les trésors que recèlent les coquillages sont souvent multiples, et ainsi l’était-elle ; mishka hausse un léger sourcil intrigué à la carte qu’elle brandit sous son nez
habitué aux technologies qui permettaient plus facilement de se repérer
bien qu’il reconnaissait l’impracticité du raiphone en-dehors de l’île avec leur réseau brouillé.

si mishka n’avait fixé cette compagnonne de voyage de toute l’escapade, il pose maintenant ses pupilles d’un bleu fantômatique sur elle
((que la carte en papier dressait sur ce contact visuel
une muraille involontaire)) ;
c’en était peut-être pour le meilleur car


il l’écoute de cette oreille qui se voulait un peu sourde, moitié là moitié loin
tracer son trajet - et il se disait en une pensée furtive qui disparaissait déjà
que les étapes de ce voyage semblaient importants comparés à son habitude qui avait une banalité ancrée dans ses doigts.

oui,                c’est là.

sa main froide malgré le temps doucereux du printemps naissant glisse délicatement la carte hors de celles de georges (zeta)
et son index pâle bien limé au vernis bleu des matinées de fin d’hiver vient pointer le lieu où il cherchait ces colis qui gardaient la réalité arrimée à son inconscient.

pas trop loin de cette station.

son ongle frôle le papier dans un son rugueux, comme le sable qui crisse sur les pieds des enfants peureux
et indique le transport le plus proche de son courrier douteux.

il a fini de parler ;
mishka relève les yeux vers cette enfant-soleil qui avait tout de plus que lui sinon l’âge ; elle débordait d’un émerveillement qu’il ne saisissait pas mais piquait chez lui un intérêt étrange - comme celui procuré par les curieux mirages de découvrir des coquillages trop scintillants sur la plage.

quand elle avait les agissements poussés par un besoin de constamment bouger ; mishka avait
dans la lassitude permanente de ses gestes
une sorte de slow-motion propre à la droiture de son dos et de ses mouvements qui, loin d’être saccadés, lui donnaient pourtant l’air d’être blasé ;

ce n’était pas le cas,
simplement son regard avait pour habitude de (se laisser) happer (par) la danse lente des flocons presque imperceptibles ;
et, dans le bleu opaque plaqué d’un voile qui le menait à sa propre réalité,
il ne savait que les annihiler.

bien qu’il remarque le mouvement rapidement restreint de cette compagnonne de voyage,
(mishka sait sentir même le plus léger souffle se poser sur ses bras couverts malgré la chaleur qui menaçait sur la cité)

il ne dit rien ; ne lui offrirait même pas son coude par amabilité.

le trajet se passe comme un film mécanique qui cliquète d’une normalité différée ; iels avaient clairement rien à faire dans ce cadre puant et routinier
et utiliser des tickets les font déjà détoner dans ce décor qui n’avait rien de charmant.

car au fond,
mishka détestait le métro tout autant qu’elle
((s’il avait seulement su le deviner)).

dans le malaise croissant que provoquaient les contacts physiques constants, mishka plisse les yeux pour compter les stations qu’il reste ;
car il ressentait bien les vagues faussement innocentes d’une anxiété qui le teste
au quotidien (et nausikaa avait ce confort de ne pas y être confrontée).

deux stations.

la durée au total avait été courte ; à peine dix minutes mais mishka n’entend pas les silences de la même manière que celleux dont la parole leur permet d’apaiser une lourdeur sourde
(peut-être bien qu’elle lui avait parlé mais il devait avoir hoché la tête puis c’est tout).

ce qu’il n’avait pas anticipé était la marée d’un monde (qui n’était pas le sien) à l’arrêt précédent le leur ;
c’était comme ressentir des lames de rasoir de part et d’autre de son corps
quand l’ensemble des humains pressés coulaient des filets comme des sardines étouffées sur le pont d’un bateau sans coeur.

il ferme brièvement les yeux et bloque sa respiration car
certaine qui
se saccade et
se relâche.

il secoue négativement sa tête blonde comme pour désapprouver son propre geste et le métro repart comme si de rien n’était ;
mishka pose son regard sur cette enfant d’hébé
et se demande

comment tu fais.

interrogation interne qui se retrouve projetée dans sa voix murmurée ;
car il s’interrogeait réellement sur cette capacité à se mouvoir dans les tumultes désincarnés des foules enragées
(il faisait référence autant à leur environnement actuel qu’aux fêtes comme celle où il l’avait rencontrée).

mishka n’a pas beaucoup de qualités ; il y en a pourtant une que la destinée avait bien voulu lui accorder
celle de ne paraître qu’en lassitude abandonnée - le regard neutre, dénué et dénudé.

cette abnégation inconsciente semblait rassurer les gens dans les situations les plus extrêmes, et cela mishka,
cela,
mishka
le prenait comme un avantage en soit.

il aurait haussé les épaules à cette pensée si le monde ne les lui écrasait pas ; il haïssait la sensation d’être entassé
sous des cadavres ambulants
car c’était bien cela si lui était ectoplasme, les mortels faits de chair et de sang
n’avaient rien d’autre que leur vide pour les remplacer.

à sa question soufflée plus comme une pensée qu’en paroles bien agencées
georges lui répond pourtant ; ah ! de manière si incongrue qu’il laisse échapper
un rire étouffé - il avait l’air d’un rayon timide dans le soleil d’hiver.

les automatismes

oui, je comprends. c’est bien fait en tous cas. les automatismes,
c’est bien ; ça permet de ne pas trop réfléchir.

mishka ne continue pas la conversation, alors qu’elle lui répond dans le droit chemin cette fois,
il laisse sa gêne planer, la laisse seule gérer.

c’est comme ça c’est un silence inattendu dans la conversation ;
mais pour lui, c’est aussi comme ça les discussions.


ah !

poser le pied dehors ?
il écaquille ses pupilles décolorées et les pose avec un étonnement rare
sur le visage de georges - il y voit de l’inconfort, il prend l’information, il ne comprend pas forcément mais il se dit soit et donc
et donc iels sortent.

rapidement c’est un soleil nouveau qui frappe ;
mishka ne semble pas pour autant se réchauffer sous l’astre qui aurait voulu le brûler et oh, il n’était pas un enfant-nuit pour rien car il ne sait pas chanter à apollon ses symphonies.

ses pieds suivent avec un mécanisme certain celle qui semble prête à courir, carte à la main ;
lui ne la lirait pas
il lève les yeux au ciel quitte à s’aveugler pour quelques secondes
quelques secondes de piété, quelques secondes à songer.

oui c’est ça.

mishka reconnaît le son, les odeurs et puis les couleurs
de ces rues-là ; il n’a pas besoin de lire une carte pour que son esprit effleure
les habitudes que l’on prend en marchant sans exister.


arrivé.e.s devant les PO box, il ne dit toujours rien, récupère ce colis qu’il tient avec une précaution exagérée
c’est que l’éternel est sacré
mais avant de se faire embaumer
d’une certaine fragilité.

c’est bon pour moi, à ton tour.

à ton tour de leader, et il pose de nouveau ses yeux sur le visage bronzé de cette fille du soleil et de la jouvence sans comprendre pourquoi elle cherchait tant à le fréquenter.

le contraste venait rayonner en splendeur incandescente ;
le leur,
de leur aura qui avait tout d’un inverse - un contre-sens, un faux pas et ainsi l’on se plante.

mishka avait la lenteur de celleux blasé.e.s par un tout et par un rien abyssal dans leur âme sustentée de macabre,
il avait les machinales lamentations qui cousaient en silence la souffrance des invisibles habillé.e.s de leur cadavre ;

le soleil ici ne rechargeait rien sinon la batterie crade de ses rouages.

georges lui montre le chemin : elle a une vue longue comme les matelots qui lisent les étoiles pour prendre des décisions sages (et bien qu’il doutait de sa sagesse)            ,

il l’accompagnerait pour ne pas se retrouver avec sa chair son sang sur les mains de sa paresse.

un feint sourire vient hanter une ou deux secondes la torpeur lasse de son visage - peut-être venait-il illuminer d’une gratitude un peu sale,
un peu maladroite,
l’offre qui lui était ainsi faite.

je te crois.

il ne lui donne pas le précieux paquet ;

resserre légèrement les doigts autour et le rapproche de son corps pour le couver ;
car en bon professionnel (parrain de ces corps en suspension) il s’occupait de ces enfants-là comme de trésors encachetés.

tu dois aussi les chérir.

la glace un peu éteinte de ses pupilles suit d’un mouvement précis le swipe de l’enfant d’hébé ;
il observe avec une attention un peu morne les oeuvres qu’elle lui présente et il se surprend à apprécier la simplicité chaotique de chaque pièce montée.

mishka, en artiste un peu incompris, lâche un léger rire qui est tout aussi imperceptible qu’une brise en chaude journée dont les rayons rebondissent violemment sur le goudron de la ville ;
il trouvait ça quelque part, un peu drôle de percevoir ainsi leur art - il y avait des gribouillis qui se forment sur chaque image présentée par la jeune fille,

car au fond iels récupéraient tous.tes les deux les fins de vie.

c’est vraiment joli.

il se contente de se le dire ; l’enfant d’hypnos n’a rien sinon que des mots d’affirmation pourtant un peu boîteux,
un peu vacillants sur leurs deux jambes (atrophiées, comme l’empathie ou la conception de ce à quoi les interactions humaines pouvaient mener).

il s’apprête à continuer le chemin, la chasse au trésor, dans un silence qu’il aimait réconfortant ;
mais elle a des questions qui ne tarissent pas la curiosité pour autant.

oui c’est ça.

quelques pas ; le caoutchouc de ses semelles épouse en baiser spongieux l’asphalte martyr de l’été cinglant.

j’ai un compte sur les réseaux.

mishka ne se vante pas ; il informe.

je n’ai pas trop les mains disponibles…

secoue sa tignasse blonde dont la texture disparaît sous la lumière acérée dont les bénit l’astre bienveillant.

tu peux regarder sur ton téléphone si tu captes un peu de réseau par ici.

cependant, l’air pensif qu’il adopte pour comprendre les liens un peu lointains
que formaient les synapses de celleux capables de maintenir à flot des conversations sans que ne tarissent l’intérêt ou les vagues pour rebondir encore plus loin ;

la tête légèrement penchée sur le côté, il avait l’air d’une chouette perdue dans les doctrines des bien-portants.

non, je ne les habille pas à part si spécifié par le client.

ce qui ne lui était jamais vraiment arrivé pour le moment ; quant à ceux qui trônaient sur son étagère aux côtés de ses figurines,
il

                 n’y avait jamais pensé non plus.


une pause légère s’installe dans l’enchaînement du dialogue.

ça t’amuserait d’en faire pour certains d’entre eux ?

il marche machinalement car il n’a pas besoin de réfléchir à l’objectif, le but ou la destination ;
il la suivait aveuglément comme un insouciant sous la machette harassante d’un printemps avancé, une ère qui sent bon
le pollen et les belles saisons.