(Suite de ce rp www )

Ainsi tu es remonté, la sensation du pouce d'Alastor caressant le creux de ton poignet encore bien ancré sur ta peau. Tu laisses derrière toi les bassines et les restes de chair humaine. Tu traverses les couloirs et les salles où là, étrangement, tout le monde rit. Le fossé entre leur monde à eux et l'horreur de la chambre 15 te fais dissocier un peu. Tu ne sais pas si tu réalises pleinement. Tu montes, le regard un peu hagard. En fait, ton esprit est vide, c'est à peine si tu réfléchis. Passé en pilote automatique, tu chemines jusqu'à ta chambre et y entres. Au départ, il ne se passe rien. Tu retires ta veste, va piocher un chocolat dans le petit bol où tu voles ce qui traîne dans les salles du bas quand personne ne regarde. Tu t’assois sur ton fauteuil, devant ton bureau. Puis soudain tu te lèves, court jusqu'à la salle de bain pour vomir dans les toilettes.

Et là, ça te frappe de plein fouet. Les odeurs refoulées, ce corps dont il t'a dépossédé, tout, absolument tout te revient. Tu trembles, chiales, hyperventiles. Tu sens monter une crise d'angoisse, te recroqueville en te balançant d'avant en arrière. Merde. Merde. Merde. Tu as tué quelqu'un, Jasmin. Tu as tué quelqu'un et tu as fait disparaître son corps. Tu te prends les cheveux, dans l'agitation ressent le besoin de te laver de nouveau. Alors c'est tout habillé que tu rentres sous la douche, tourne le robinet d'eau chaude. Tu te déshabilles, frottes, frottes encore, pendant de longues minutes entre deux moments roulé en boule dans le font de ta douche à pleurer encore.

(...)

La solitude t'oppresse. Tu avais espoir de dormir, mais tu n'y arrives pas. Pour la première fois de ta vie tu as laissé la lumière allumée, Jasmin. Mais à chaque bruit dans le couloir t'as l'impression d'entendre ses pas et dans chaque silence tu entends sa voix. Tu ne crois pas aux fantômes. Un mort est un mort. Les esprits vont dire bonjour à Hadès et ça s'arrête là. Mais là, tu te sens prêt à y croire. Finalement, tu ne tiens plus. Tu rejettes ta couette, trop confus pour mettre un pyjama, tu avais passé un pantalon en toile et une chemise un peu trop large. Tu quittes ta chambre, ne sais même pas quelle folie te prend d'aller toquer à sa porte. L'absence de réponse te donne le courage d'ouvrir et de passer une tête dans l’entrebâillement. Sa chambre est plongée dans le noir, mais elle est vide. Il n'est pas là. Tu allumes la lumière, y tournes comme une âme en peine quelques secondes avant de choisir de t'asseoir dans un large canapé, limite plus confortable que ton lit. Tu rabats tes jambes contre ta poitrine. Redoute autant que tu l'attends, le moment où il passera la porte et posera son regard courroucé sur toi pour te demander ce que tu fais là. La vérité, c'est que tu ne te sens pas en sécurité. Mais lui, Alastor, à l'air d'être du genre à affronter les fantômes.

Alors tu attends. Et quand enfin tu entends le bruit de la poignée qu'on tourne, tu lèves la tête, toujours perché et recroquevillé sur le canapé.

— Bonsoir.

Que tu lui chantes avec timidité. Tu te lèves, passes une main maladroite contre ton bras pour le frotter.

— Je sais que je ne devrais pas être là mais ne me virez pas, s'il vous plaît.

Tu es débraillé et propre, quand lui est impeccable et sale. Et tu le manipules sans le moindre remord. Ta survie, voilà ce qui compte.

— Vous avez... Vous avez réussi ?

Il boite. T'observes en silence sa démarche saccadée jusqu'au canapé. Tu recules un peu de côté pour le laisser passer. Il te dit de dégager, pourtant tu ne dégages pas. Les doigts maladroitement entremêlés, tu sembles attendre. Quoi ? Tu sais très bien mais t'ose rien faire, préfère qu'il devine et fasse le premier pas. Il finit par jeter sa cane et t'en profites pour la ramasser et l'observer. Tu te jettes comme un vautour sur une proie. En quelques coups d’œil tu finis par glisser d'un ton aussi apaisant, qu'apaiser.

— Je peux la réparer, ça ne prendrait pas longtemps.

Tu glisses un sourire timide, comme pour chercher à apaiser sa colère. Tu ne veux pas qu'il te vire. Tu ne veux pas retrouver ta chambre. Pas ce soir. Pas maintenant. Ce n'est que depuis qu'il est dans cette pièce que tu te sens de nouveau en sécurité.

— J'ai menti.

Tu baisses les yeux, sa canne soigneusement tenue dans tes mains.

— Je ne gère pas très bien la situation. Je n'avais jamais...

Tuer. Fait disparaître un cadavre. Observer un corps se dissoudre dans une bouillasse informe et odorante.

— Je ne regrette pas. C'était moi ou lui. J'ai choisi moi. Je choisirais toujours moi, c'est comme ça qu'on survie.

Tu serres le cadavre de la cane contre ton torse, t'y accroche solidement comme-ci tu ne pouvais compter que sur ces petits bouts de bois pour maintenir la tête hors de l'eau. Tu sembles lutter contre les larmes, finis par souffler.

— J'ai vu des choses horribles mais jamais quelque chose d'aussi sale. Je ne me sens pas en sécurité... Tout seul. J'ai l'impression de sentir encore ses doigts sur moi...

Tu relèves la tête.

— Mais avec vous je me sens bien.

Tu glisses tes mains derrière ton dos.

— Je voudrais juste rester avec vous. Je peux me faire tout petit, je peux ne toucher à rien.

Tu t'approches de quelques pas. Tu aurais presque envie qu'il te serre dans ses bras, qu'il te touche. Tu crois sans peine qu'il pourrait exorciser le contact de l'autre type par le sien. Tu t'agenouilles face à lui, pose soigneusement la cane sur le tapis avant de croiser tes bras contre son genou et d'y venir poser la tête.

— Je veux juste me sentir en sécurité.

— Oh mais j'ai des choses à offrir.

C'est comme ça que ça fonctionne. C'est comme ça qu'on survie lorsqu'on est en bas de l'échelle. Les plus faibles se mettent aux services des plus forts. Ils offrent services, ils offrent cœur et esprit. Et avec un peu de chance, le faible finit par attraper le cœur du fort pour n'avoir à offrir rien d'autre que sa loyauté et sa présence. Tu es à la fois le pire et le plus grands des ambitieux. Nulle envie d'être celui qui s’assoit sur le trône, mais toute envie d'être celui qui siège sur les genoux de celui qui s'y assoit.

— Beaucoup de choses.

Tu lèves candidement les yeux, les joues contre son genou. Tu aimes les hommes comme Alastor car tu les sais incapable de résister à tes charmes. Alastor est fort et comme tout les hommes fort Alastor veut dominer et posséder. Alastor aime ce qu'il peut outrageusement contrôler.

Ses doigts se glissent à ton menton et tu lèves docilement la tête. Tu entrouvres la bouche pour le laisser caresser ta lèvre et si tu es marionnette entre ses doigts tu sais qu'à cette seconde fatidique c'est toi qui le manipules et qui gagnes. Il va te laisser rester. Il te le confirme. Avant qu'il ne se lève, tu glisses tes lèvres contre la paume de sa main pour l'embrasser avec une dévotion toute calculée.

— Merci.

Et ainsi tu as ce que tu veux. En le voyant se lever, tu restes sagement, comme il l'a ordonné, sans faire de bruit. Tu regardes d'un œil anxieux la porte et les miroirs, comme craintif de voir de nouveau l'ombre de l'homme que tu as poignardé avec tant de rage. Puis le plus discrètement du monde tu t'empares du bâton. De la colle à bois et de la peinture ce sera comme neuf. Tu sors ton téléphone, pianotes à un sms à un gars du Danaé que tu connais pour lui demander d'aller te chercher ce qu'il faut dans ton atelier. Rendez-vous dans le couloir, tu te lèves en silence.

— Toilettes.

Préviens-tu, avant de sortir et de prendre soin de t'éloigner de la chambre pour récolter ton dû. Tu attends que l'employé s'éloigne pour revenir à la chambre sans éveiller le moindre soupçon. Tu rentres de nouveau, sans un mot pour Alastor tu t'installes dans un coin de la pièce dans faire de bruit. Tu travailles discrètement, rapidement, au bout d'une d'une quarantaine de minutes, le temps que tout sèche, tu te lèves pour venir discrètement poser la cane d'Alastor contre son lit. Tu relèves la tête vers lui, souris. Il dors déjà, il a dit que tu pouvais rester, mais tu te sens comme privilégié de le voir dans un tel moment de fragilité. Tu hésites, tournes la tête vers le canapé. Puis tu te souviens, que si Alastor aime posséder, il aime aussi l'audace. Alors tu contournes le lit pour te glisser dans contre ses draps à défaut de dans, chaste, discret, tu es petit tu ne prends pas de place. Tu te tournes se le côté, vers lui. Tu fixes la porte dans un coin de la pièce, étire un sourire avant de fermer les yeux.

Essaye seulement de me hanter maintenant, espèce d'enculé.

La claque à ta joue te parfait presque lointaine, mais est suffisamment en décalage avec ton rêve pour te sortir des nébuleuses d'Hypnos. Tu fronces les sourcils, grimace en ouvrant les yeux. Lorsque tu croises ceux d'Alastor, tu prends sur toi pour ni te redresser, ni ne paraître effrayer. À la place, tu lèves de grands yeux innocents sur lui et glisse dans un sourire.

— Bonjour.

Et là, seulement là, tu te redresses, doucement sur un coude.

— J'ai réparé votre canne.

Tu la désignes du menton, sans t'attarder sur le fait que tu t'es couché à ses côtés. Pourquoi lui tendre une perche qui à des chances de l'agacer ? Tu te décales un peu, pour te dresser sur tes genoux.

— Vous avez bien dormi ? Vous aviez l'air épuisé.

Sagement tu sors du lit.

— Je vais allez vous chercher du café.