les soirées d’été sont prolifiques de fêtes, d’amusements et de rires ;
mishka ne sait que dire
il était là pour une raison qu’il avait déjà oubliée - il avait sans doute entendu dire
qu’elle y serait ;

en amour inconditionnel, il avait fondu l’ectoplasme qui lui servait de chair
d’organes et de veines dans les marées affolantes des foules en folie.


        soudain          l’explosion,            un mirage !            oh,
il aurait aimé y croire
car devant ses yeux très droits tremble l’orage ;
il y pleut des gouttes rouges qui souillent la joie et tonne l’ancestrale rage.

           il y a du sang de la mort et des blessures béantes dans son sillage
           qui lui donnent du courage ;
           celui propre à sa lâcheté quand il fuit le pillage.

inconsistant, il ne dit rien quand il détale en marchant car jamais ne court ; il suit le mouvement de foule ; mishka cherche la sécurité avant tout.

           à un point précis,
           il s’arrête,
           et se tient là comme un enfant très sage ;
           il y a du feu puis de l’eau,
           puis les preux chevaliers prêts à faire bataille.

quand tous parlent, bougent et s’affairent d’intelligence,
la pâleur de ses iris scanne les lieux (derrière des toilettes pourquoi pas après tout était-il regardant quand il s’agissait de vivre ?) d’un air vide d’arrogance.
c’est vrai, il aurait pu prier les dieux ; si seulement il était pieux !

mais il ne (re)connaît qu’une seule à qui adresser ses vœux.

arden !

son nom résonne sous la nef des murs de béton.
car elle lui tend les bras comme une sainte oh ! elle
l’avait toujours été dans ses inflexions pleines d’abandon ;
en bon prêcheur, son adorateur fidèle, mishka enlace ses doigts aux siens
car lui était propre de toute souillure couleur carmin.

pour elle, il ferait perler ses larmes comme un martyr (il jetterait sa propre chair sur la croix des sacrifices) ; oui ! si elle le lui demandait
car c’était la seule chose dont il avait l’habitude dans ce chaos insensé
ça lui donnait un étrange         sentiment de sécurité.

dans son élan adorateur mishka la tire vers lui oh ! oui, il aurait voulu en toute conscience
la réclamer ; cependant il ne sait pas ce qu’il fait il la tire pour la sécurité il la tire d’une force il la tire de toute son essence
(ainsi, il pensait l’aimer de la plus correcte des manières)

c’est une marée d’hiver
qui cristallise les angoisses.

pourtant elle ne veut pas de lui oh !! ça le dégoûte, le désarroi qui se lit dans ses yeux de verre ;
il aurait pu la jeter par terre
l’entendre briser comme une idôle bien piètre ;

il aurait pu lui casser ses doigts qu’il tient fort entre les siens, mais ils glissent hors de son étreinte - ça sonne comme un supplice ;
un supplice aussi grand que celui ses poumons entravés par la suie
qui brûle les yeux et fait couler des larmes -
ses larmes à elle sont des perles qui parent
les joues de cette poupée de porcelaine qu’il s’était surpris à adorer ;


elle est laide ! laide laide, elle est laide quand elle lui hurle de la lâcher - comment, comment la laisser, comment lui épargner
lui épargner le brasier des belles martyres aux épopées les plus cruelles ? ;
          il aurait voulu la crucifier elle, dans son coeur pour ne plus jamais la laisser glisser en-dehors
car c’était son idôle en or
et les larmes lui donnent une nouvelle jeunesse, une beauté en horreur, une sainteté en caresse.

jamais ! je t’aide, arden !

il l’aide, il ne l’aime
il l’adore, il ne cède.

son regard fixe remarque à peine les deux jeunes qui leur hurlent de partir (il aurait voulu les faire taire)
car c’est là leur scène, iels avaient des choses à se dire, il déciderait qu’iels se terrent
jusqu’à ce que passe l’apocalypse - mishka ne comprend pas qu’iels se feront griller comme des rats
car il ne connaît pas, alors il ne sait pas.

mais arden est arden ; elle se comporte avec ces jeunes demi-divinités comme elle l’avait toujours fait
avec la mansuétude qui la caractérisait,
et quelque part, ça le rassurait ;
elle n’avait pas tant changé.

oui, ça va aller.

ces mots mécaniques n’ont aucune conviction sauf celle d’apporter son soutien pour gagner des points ; il se fait plus doux parce qu’arden parle comme il l’avait toujours connue oui il l’avait toujours connue ainsi -

jusqu’à ce
jusqu’à ce qu’elle mentionne cecil.

tu préfères donc les gens comme lui. tu es bien une sainte, oui !

car il se souvient de la pression que ce type de personnes lui avait imposée au camp,
et il pensait qu’arden s’en soucierait - voilà pourtant

pourtant     pourtant  pour ta   n t ; POURTANT elle lui lance ces mots comme sa salvation au visage ! un goût acre

brûle de
                                                    bile
        au

tais-toi. sors, et tais-toi.

il ne sait à qui s’adressent ses propres mots car il choisit le réconfort d’une surdité temporaire ;
(il ne crie pas ne hurle pas ne débat pas)
il pousse l’un des jeunes qui piaille comme une poule à l’abattoir, vers la sortie ou son exutoire - ah! ça ne le concernait plus déjà.

car, car                                 mishka ne veut pas sortir non
elle pourrait bien dire le contraire il ne se montrerait pas non

il a les tripes qui se retournent qui se tordent dans ses entrailles les cendres qui enterrent ses cordes vocales - râclent en funérailles
il pourrait bien crever et c’est la tête dans la cuvette qu’iels le retrouveraient - ah, il n’a pas de dignité,

non.

oh malheur ! malheur, que c’était l’heure,
l’heure de la rédemption ;
mais arden s’échappe comme une sainte qui n’assume pas ses adorations.

la bile acide renverse sur son passage les logiques et la raison ;
et mishka se retrouve avec cette fille sur le fion - parle-t-elle ? il ne sait pas, il n’est pas là, il ne veut pas             écouter
il ne sait pas non plus quoi faire d’elle ;
il n’avait jamais été tenu d’être responsable
de rien du tout.

ses pupilles opalines fixent cette demoiselle qui n’était pas sortie ;

pourquoi.

rester ? c’était une véritable interrogation,
une question dont la réponse se perdait dans sa surdité volontaire ;
encore une fois, il s’en fichait au fond
elle pouvait bien rester et crever, elle pouvait bien sortir et courir
elle pouvait bien fouler de ses pieds l’herbe cramée !! il s’en fichait.

    mais,      mais mishka il oublie un peu trop              que son père n’avait jamais voulu de lui , et       reviennent

en b o o m e r a n g    les       SONS ;
c’est une intenable explosion !

aaAAAH ! ;

bam ça vient c’est vrai il avait oublié, oublié les alentours et (oh, un soupir)
autant, autant mourir ?
aurant, autant           partir ;

son esprit se détache d’un air laconique de ce corps voué à pourrir
sous la violence des cris et de tout ce qui existait car il ne voulait plus courir ni réfléchir ;
c’est la        tranquillité d’un bocal solitaire
mishka ! mishka ne savait pas ce qu’il faisait ici, un pied dans ce monde et l’autre dans la nuit qu’il aurait voulu adorer (il voit
il voit de loin,
traverse les murs ! la lune ! elle est belle ! elle brille ! elle brille elle) - brille
brille

comme brillent les flammes ; des enfants qui dévorent, vorace
la dentelle d’une robe - enlacent
les chérubins rouges insatiables, la peau car ils veulent, veulent manger une chair tendre, mollasse.

merde.

en toute contradiction, cet enfant d’hypnos a plus de conscience que dans la matérialité du monde réel ;
c’était comprendre bien vite qu’une sorcière brûlait comme l’avait fait jeanne d’arc mais ! mais,
personne n’a le droit de s’approprier ainsi
les flammes qu’il réservait à arden.

         INSPIRATION,
et il re                                  vient,
revient
sur terre,
il y a de l’embarras dans son regard.

il faut sortir.

voit-il la désapprobation en face ? mais si elle voulait rester avec lui alors elle doit,
elle doit c’est un devoir ; se faire utile.

de l’eau… de l’eau, de l’eau bon sang !!

ses yeux tressautent d’un coin à l’autre, ils ont une vitesse qui tranchent la panique puis la lassitude d’il y a une minute seulement ;
mais mishka ne cherche à ce que l’on le suive uniquement
uniquement qu’on le laisse, qu’on le laisse,                   vivre !
non,
techniquement il n’avait pas envie de mourir (peut-être de fuir).

ici, ici, aide moi, allez aide moi !!!

car dans la panique environnante des gourdes abandonnés comme de pauvres chatons en été se renversent en glouglou agaçant sur le sol carrelé ;
mishka s’en empare de deux qu’il remplit avec difficulté (ça glisse l’eau, ça glisse comme une anguille et il aurait voulu l’étrangler mais non il faut qu’il aide c’est vrai c’est vrai ça) ;
oh serait-il utile aujourd’hui ?

puis il court, il court dehors, dérape sur ses semelles souillées de toutes choses, il laisse comme le petit poucet des traces de suie à sa pointure (on pourrait facilement le retrouver ainsi) ;

arrivé face à cette nouvelle martyre il          lui jette dessus le contenu des gourdes, et il prend celles que sa compagne d’infortune avait rempli et il
bénit !! il la bénit, comme si lui était prêtre d’une église décrépie.

l’adrénaline est partie.

ah ;          ça
va ?

il a l’air bête, très bête avec ses gourdes vides dans les mains
mais il la trouve fascinante cette grande dame qui brille de pâleur dans la nuit.