Naissance Arden est née à Guangzhou en 1993 : c'était l'année du coq, au mois de septembre, et elle serait la seule enfant de ses parents. Xiu a enterré le secret de son adultère et prié pour qu'Arden n'en soit pas le fruit, parce qu'il n'y aurait, après tout, pas d'autre chance.
4 ans Le père d'Arden quitte la Chine pour les Etats-Unis : l'avenir est de l'autre côté de l'océan. Arden est jeune et le visage de son père se trouble dans ses souvenirs. Il ne lui reste que son amour pour lui dont elle ne sait que faire : elle espère que ce soir, la porte de l'appartement s'ouvrira, et qu'il apparaîtra dans l'embrasure en appelant son prénom de sa voix chaleureuse.
6 ans C'est à son tour de prendre l'avion pour New York : sa mère et sa grand-mère sont avec elle, mais Arden n'arrive pas à arrêter de pleurer. Elle a peur que son père ne la reconnaisse pas, et il n'est lui-même plus qu'une silhouette douce et aimante à l'ombre de ses souvenirs.
Aux Etats-Unis, l'école est une expérience difficile, que ses parents mettent d'abord sur le compte de la barrière de la langue : Arden est transférée dans une école cantonaise de son quartier.
8 ans Les progrès sont considérables, mais elle reste mauvaise élève. Les cours de soutien s'accumulent, et elle ploie sous la pression. C'est une enfant agitée aux colères terribles, dont le rapport à l'école est construit sur la frustration.
Sa grand-mère l'emmène faire du tai chi dans les parcs du quartier avec son groupe d'amies septuagénaires, et Arden y trouve un apaisement libérateur.
10 ans Ses pouvoirs s'éveillent doucement, mais seule sa mère comprend l'étendue du désastre. Arden est une plaie béante dans la vie rangée de sa mère, forcée de lire dans les tâches de rousseur de sa fille le souvenir d'une faute ancienne. Elle ne peut plus la regarder.
Tev découvre Arden dans les mois qui suivent, et convainc sa famille de la laisser partir à Nausikaa. Elle supporte mal ce nouveau déracinement et l'effondrement de ses certitudes.
Sa mère est enceinte, et Arden ne verra jamais ce petit frère : elle ne pourra que l'imaginer grandir sans déchirement, aller au parc avec Ba Ba, et être abreuvé de tout l'amour qu'elle laisse derrière elle.
19 ans (tw : violence, sang, mort) Épaule contre épaule avec Hazel, Arden avait traversé la porte, enivrée de sa liberté nouvellement acquise. Ils étaient trois, aux cœurs liés d'une amitié ancienne, que leurs pas avaient porté au-delà de l'isthme avec l'insouciance des adolescents préservés du mal.
La rencontre avec le monstre fut brève, mais elle suffit à faucher l'innocence cultivée à l'abri du monde. Elles avait vu leur ami mourir, puis Arden avait senti son visage se fendre d'une douleur intense. Son propre sang lui brûlait les yeux. Dans son aveuglement, elle n'entendait que le sang qui battait ses oreilles d'un bruit de tambour assourdissant : elle avait cherché le bras d'Hazel et, sous l'impulsion d'une peur ancrée dans sa chair, elles avaient fui au hasard.
Arden n'avait jusque-là jamais vu la mort.
ensuite Arden ne quitte Nausikaa que par devoir, car il n'y a rien pour elle au-delà. Elle est persuadée (elle sait) que sa famille s'est reconstruite autour du vide qu'elle a laissé, si bien que celui-ci s'est érodé doucement au fil des ans, jusqu'à disparaître.
La plaie sur son visage s'est refermée, ne laissant qu'un trou béant dans sa personne. Il ne lui reste que son père et ses sangs-mêlé.e.s : sa chair.