Tu avais tout prévu, Duke. Du moins - seulement l'heure le jour et  l'adresse - Cassiopée avait la responsabilité du reste. Il devait t'emmener un de ses amis ; et lorsqu'il s'était confié sur son choix, qui de mieux que celui de Lucius pour jouer l'exécutant ? Après tout, Cassiopée lui apportait en théorie son met préféré ! Et Cerbère se souviendrait de ce cadeau durant des siècles durant ; qu'il imprègne son coeur de ton insidieuse générosité.

Lorsque Cassie assomme le fils de Thanatos dans le hangar, tu sors en applaudissant bruyamment, sincèrement amusé par le divertissement.

Waw Cassie, comme un pro. C'était net et sec. Tu t'es entrainé par le passé, petit cachotier ?

Tu tapotes son épaule et caresses sa tête comme on le fait avec les bons garçons.

Manque plus que le chien. T'en fais pas, il répondra à l'appel. Lucius adore les surprises.

Et il suffisait de cette déclaration pour que ton petit frère sorte de ses ombres et se montre à visage découvert. Tout excité par le spectacle à venir, tu pointes du doigt la victime étalé au sol.

SURPRISE !

Tournes autour de Lucius comme un fou.

Ça te plait ? Tu es content ?

Lui tends des chaines en bronze céleste qui pèsent une tonne sur ton épaule depuis tout à l'heure.

Démerde toi avec ça. J'ai entendu dire que celui pouvait traverser les matières.

Il aurait pu être fils d'Hadès, d'Hypnos ou de Zeus que ça n'aurait rien changé.

Si cela avait été un fils d'Arès nommé Midas, j'aurai invité Meryem à ta place, le prend pas personnellement mais elle ne parle que de lui depuis qu'on est rentré du festival. Mais bon, félicites quand même notre petit Cassie ici présent, c'est lui qui a pensé à toi.

Tu te glisses ensuite derrière Cassiopée pour lui masser les épaules. Déposes un baiser chaud dans le creux de son cou mais ne le lâches pas pour autant.

Donc... Tu vas le manger, c'est ça ?

À Cassie, tu glisses à l'oreille.

Tu vas regarder ça un moment. Contemples et rappelles toi que ses cris de douleur seront uniquement de ta faute.

Tu te souviens avoir suivi Cassiopée aveuglement ; vagues images d'un hangar et de cris d'alerte (ça sent le monstre !) avant -
le trou noir.
Le sommeil sans rêves avait semblé s'étaler éternellement, faisant remonter au coeur des angoisses irrationnelles. C'est comme si le corps savait qu'il se faisait actuellement ligoter solidement à une chaise ; le coeur savait qu'il venait de se faire trahir et l'âme se repentait déjà de l'humiliation qui allait suivre.

((Tu n'es pas faible, Ezra))
Midas avait dit.

Tu n'es pas fort non plus, c'est pas grave.

(...)

Sous le chahut ambiant, les voix environnantes résonnent contre les murs et percent la barrière des cauchemars. Tes paupières tremblent puis s'ouvrent sur un spectacle affligeant. Deux hommes d'apparence, une odeur putride de mort et en son centre - Cassie.

Tu ne vois pas encore très bien et tes idées ne sont pas claires. Malgré l'aphasie partielle provoquée par le traumatisme crânien, tu balbuties à l'intention de ton ami ;

Cassie... Laissez... Cassie...

Tu grimaces, bombes le torse dans l'espoir vain de te libérer. Quand tu comprends enfin la situation, tu jettes un regard effrayé et concerné vers les deux hommes - un en particulier dont le visage t'es inconnu, certes, mais l'impression est familière.

Pourquoi... je suis...?

Tu ravales ta salive. L'homme aux cheveux roses retient Cassiopée par le bras, pourtant ton ami.e ne semble pas spécialement sur le point de se débattre. Tu commences à faire les connexions.

Tu es avec eux ?

Demandes-tu d'une petite voix, presque aussi anxieux de la réponse - que de la situation.
Pour la première fois, tu aurais aimé que Midas soit là.

L'hydre rigole face aux menaces - tu entends hydre et tu as la confirmation, Ezra, d'à qui tu as affaire. Aveuglé par une colère désespérée, tu te refuses de prendre Cassiopée en pitié, terrifié par ce qui va bientôt advenir. Tu pourrais supplier pour ta vie mais la peur viscérale noie ta gorge de ressentiments muets et d'appréhension troublée. Tes yeux s'embuent de larmes et ton corps tressaute malgré les chaines. Tu essaies de te débattre - tes gestes puent le dépit et le peu de force qui t'anime donne l'impression d'un poulet n'ayant jamais vu la lumière pris au piège dans un sas d'exécution.

Face au monstre aux relents d'enfer, ton ascendance te donne la capacité innée de comprendre à qui tu as affaire. La mention décomplexée de Simca achève de faire bouillir en toi le dégoût et la désolation.

Ne parle pas de ma soeur !

Et malgré les griffes qui maintiennent tes joues et les écrases, tu forces sur ta tête pour l'orienter en direction de Cassie. Ce lâche te tourne le dos !

Putain de traitre ! Pourquoi ? Qu'est-ce que je t'ai fait pour mériter ça ? Je t'ai accueilli chez moi !

Les larmes baignent désormais tes joues, les teintant d'un rouge délavé par le sel. Tu sens ta respiration s'accélérer : une crise d'angoisse.

Lâchez-moi ! Je ne veux pas mourir !

Et la voix mortifiée par la détresse évidente d'une fin inéluctable, a transformé la haine en supplications pathétiques.

Je te tuerai, qu'iel lui avait dit - et Duke avait ri. Il se détachait progressivement de l'Hydre une ombre maligne qui lui collait à la peau depuis le début de son existence. Il ne réaliserait jamais, mais cette ombre n'existait tout simplement pas ; elle était juste lui comme il était elle. Si Duke souriait c'est tout simplement parce qu'il prenait du plaisir à lea voir souffrir, à l'imaginer ployer le genou, non pas face à un monstre plus grand qu'iel, mais face à sa propre forme de monstruosité ; celle qu'il avait alimenté en trahissant les siens et en vendant son ami comme vulgaire morceau de pain.

.
.
.

Oh ! Mais tue le, qu'on en finisse... !

Cassiopée commence à lentement t'échapper - il rebondit sur le plan proposé par Lucius et tu n'es pas sûr d'apprécier qu'il réinvente l'histoire que tu as soigneusement dessiné et préparé à l'avance.

Mais pas trop rapidement non plus... Cassie n'en a pas encore profité.

Tu t'impatientes, trépignes comme un enfant tendu et nerveux. La Brume enveloppe vos corps, tourmentes vos esprits, elle te rend plus fou que tu ne l'es déjà.

Mais tue-le !

Insistes-tu. Tu maintiens les poignets de Cassiopée dans leur dos, serres jusqu'à sentir ses os frémir.

Fais durer le plaisir...

Tu espères presque malicieusement que l'un d'eux perde patiente avant toi. À Cassiopée, tu ne fais plus l'effort de lui murmurer :

Regarde et tais toi.

La poitrine se gonfle. L'esprit se fractionne en plusieurs volontés distinctes. Tu ne sais plus ce que tu veux. D'un coup, l'histoire de l'Hydre et de l'Ombre devient plus tangibles.

Battez vous ! Battez vous !

Avant de pousser Cassiopée par terre et d'appuyer sur son dos avec un pied. Tu prends la pause, une main sous le menton comme une statue de héros grecque. Tu le maintiens au sol comme une anguille.

Cerbère par pitié mon chien, fais quelque chose ou je le dévore moi même. Donner c'est donner, reprendre c'est voler ! ... Argh ! Mais ferme ta gueule...

La douleur ne provient plus du corps meurtri par le coup fatal de la trahison, mais de la tête qui souffre inlassablement d'être ignoré par cellui qui a trahit. Par Thanatos, pourquoi diable fait-iel semblant de ne pas t'entendre ?! Le peu de dignité qui subsistait de quatre mois de mariage avec Midas Warren vient d'être anéanti. Tu n'existes pas. Même pour ces monstres ! Ta mort ne semble être qu'une étape amusante dans leur vie d'antagonistes éternels et défiant toute limite humaine. Tu mourras ce soir, tu reviendras (peut-être) si ton père le permet et tes jambes te ramèneront à Nausikaa pour mourir d'une autre manière, dans l'aliénation de tes propres chimères.

Le jacassement incessant de celui qui se fait appeler Duke est insupportable, assourdissant. La proposition de Cerbère est une offense à toute ton intégrité. Mais celui qui te fait vraiment vriller, c'est Cassiopée.

PUTAIN MAIS ARRÊTE ! REGARDE MOI ! CASSIE REGARDE MOI ! ASSUME, MERDE !

Un frisson glaçant te paralyse. Tu te serais sans doute excusé d'avoir crié, en d'autres circonstances, mais la proximité du chien des enfers avec ta mâchoire t'empêche tout simplement de parler. Tes doigts s'étirent pour faire passer le sang et ta respiration siffle de peur.

Non...

Dans un élan de courage démesuré, tu mords à sang le poignet du chien des enfers - entends la voix de Midas ricaner dans un coin de ton âme et scander : je vous l'avais bien dit que mon mari était pas un putain de faible !

Tu hurles comme un fou, geins de douleur alors que ton corps se compresse sous la rigidité des chaines qui le retiennent.

JE VEUX PAS ME BATTRE !