ta prière. ta seconde mère. ta renaissance. celle pour qui tu avais gardé captive l’essence même de ton existence. pour une grande promesse — pour un misérable défi.

perdu, déjà, des années auparavant.

d’un ambassadeur tu n’as jamais eu la carrure — tu ne sais pas taire ton sarcasme et il n’a jamais plut aux oreilles délicates. ta haine viscérale envers les femmes t’as imposé l’humiliation d’être un peu plus marginal, ta fascination des cadavres elle, t’as profondément radié des bancs des êtres sensés.

tu es devenu un fou pour ne pas être un monstre ; quelle ironie.
mais tu t’en fiche.

tu es libre, diaboliquement libre. dans l’ombre prolifèrent les chuchotements qui nourrissent goulument ta démence et s’ils font les sourds c’est probablement car ils te sous estiment, ou bien,

ont-ils peur de découvrir ?

tu avais rejoint les ruines de l’ancienne colonie. elle te rappelle hébé. c’est comme si à ton arrivée elle t’avait rejeté, elle aussi. tu n’as mis les pieds ici qu’une dizaine de jours avant que nausikaa ne devienne la terre mère. ça t’horripile de penser que même un sol se soit dégoûté de ta présence. mais tu spécules, alexander. tu spécules sur tout, convaincu que l’univers te maudit d’être vivant à la place d’autres bons hommes.

dans ta main droite ; un sac en toile, lourd, où s’y loge quelque chose de rond. tu regardes l’horizon derrière toi. un coup d’oeil à ta montre, poignet gauche : il va bientôt être dix heure. tu pars t’installer là où on avait caché ta bague dorée, pour te tester. c’est rare pour toi, un souvenir qui n’a pas disparu.

des bruits de pas t’imposent d’arrêter tes rêveries, tu lèves la tête, sans daigner te lever toi.

« m’en voudrais-tu si je t’avouais que je ne pensais pas te voir ? »

un premier aveu, pour ta sœur. l’unique.

il n’y a pas d’amour, dans son regard. dionne est dépourvue de tendresse, d’amabilité, de réconfort. elle est austère, digne des hommes au sang blême. elle a l’air morte — mais c’est impossible.

il ne l’a pas encore tué.

à quoi pense-t-elle, la traîtresse aux ambitions sacrées ?

vos retrouvailles sont silencieuses, pourtant ça gronde en toi. mais tu es reconnaissant, alexander. tu sais dire merci quand il le faut, sans que ça t’arrache la langue. tu sais aimer, quand bien même c’est maladroit. et dionne tu l’aimes, vivante ou morte.

« une tête ? je t’avais dit que je viendrai avec, non ? je ne me souviens plus. »

tu laisses tomber le sac à ses pieds, sans osciller. tes yeux cherchent dans les siens des mots qu’elle ne dira jamais ; putain ce que t’aimerais comprendre sans avoir à parler des fois.

tu le sais, que tu vas vriller, que le sens de tes paroles sera tourné en chanson et qu’on t’accusera, à tort et à travers, d’être obscène quand tout ce que tu veux c’est être sincère. heureusement dionne ne répète pas tout. et dionne n’a plus personne à qui répéter.

tu te lèves sur tes pieds, les bras lourds se tendent avec raideur, ton air princier paraît aujourd’hui terne et séduit par la colère. mais qu’est-ce qui t’énerve, au juste ?

tu te demandes ce qu’elle fera. rejoindre tes bras pour une étreinte que tu abhorres mais que tu crois nécessaire, ou regarder quelle tête il y a dans ce sac.

qu’importe.

« tu veux appeler georges avant ? »

l’humour, ascète, signé par l’esquisse de ton sourire diablement plaisantin. tu aimes être vivant alexander, tu aimes vivre pour pourrir les autres. tu aimes rendre toute la merde que t’as reçue.

mais dans cette étoffe il n’y a la tête que d’une dame inconnue, bécasse new-yorkaise, victime de ce commerce oh si secret que tu aimes surnoisement exposer au monde sans le nommer.

et personne n’a jamais rien capté.

toujours pas d’amour. tes bras te pèsent, ils tombent. tes pouces et indexs se frottent entre eux comme pour sentir l’absence de contact que tu as pourtant réclamé. dionne ne veut pas de ta chaleur — tu ne lui prouveras pas aujourd’hui que tu es en vie.

ta bonne humeur de façade s’estompe, rejoint le vent qui balaye la place pour vous isoler un peu plus encore du monde. tu regardes le sac, au sol. tu aimerais avoir pitié pour les morts. à quoi bon ? tu te sens coupable. mais la culpabilité pour toi ça n’a pas de valeur, pas d’emprise, pas de sens. ça vient, ça part, ça laisse sur le cœur un tiraillement qui s'oublie aussi vite qu’il est venu.

« j’ai rien fait. » c’est sec et froid, ça n’a plus le goût du bonheur.

alexander en une seconde tu te sens dépité, abandonné. il y a ses pas qui t’éloignent d’elle, et tu en fais à ton tour, pour marcher, vagabond, devant elle mais sans l’approcher non — tu respectes, tu ne voudrais pas piétiner la terre des moralement bons.

tu ne veux pas la voir reculer à nouveau face à toi.

« je leur ferai jamais rien… » tu sais qu’elle tient à eux plus qu’à toi. maintenant. « tu manques à madeleine, je crois. » puis-ce qu’il n’y a qu’eux pour la rassurer.

tu voudrais t’en aller. récupérer ta tête, y graver le nom de dionne zarachiou et la préparer pour le dîner. tu t’endormirais pensif, ses yeux sur ta commode pour toujours, inlassablement, inexorablement, sans une seule trêve, admirer comme tu es et seras toujours capable de privilégier ton sommeil aux remords qui privent de repos les heureux.

« je leur aurai jamais rien fait dionne… » c’était contre les consensus naturels de leur promesse. visiblement elle en doutait. tu roules des yeux à cette idée ; tu es déçu. d’elle. tu pensais qu’elle saurait. que pour elle tu aurais toujours fait de ton mieux.

le cadavre d’une inconnue contre les têtes de vos quatre frères et sœurs. toi qui te pensais généreux.

tu hausse le ton, sans jamais prendre des allures d'agresseur, mais il y a des mots que tu accentues, que tu étouffes, parce que tu manipules, alexander : tu manipules ta voix, comme tu manipules les autres.

« tu me crois, si je te dis que je suis désolé ? comment aurais-je pu penser que tu goberais ces blagues ! toi qui lis les messages sans y répondre, toi qui viens aux rendez-vous sans l'annoncer ! ah, c’est encore moi, hein. le problème. ça ne change pas : rien ne change jamais. petit et vilain garçon, grande et bonne dame. » tu te pointes du doigt, la pointe elle, toujours capable de soutenir son regard si elle osait te le montrer oui — tu veux la voir et qu’elle te voit aussi, sans qu’elle ne te subisse. et pourtant. respirer à côté de toi était-ce vraiment si désagréable ?

mais c’est juste que toi tu n’as pas de dégoût pour l’odeur des morts.

là, enfin. comme un soupçon de ferveur, dissimulé dans la colère. dionne éclate. elle consent. alexander tu es malade mais pas menteur.

ta respiration se stop, sa reprise marque une nouvelle guerre. elle a posé un doigt sur toi et tu regardes ce bout de corps que tu pourrais tordre mais qui pourtant t’interdis de bouger. tes blagues ont la courbe de menace. peut-être car quand tu menaces, on imagine que tu blagues. est-ce ta faute, alors ? si l’écoute des autres trahis ta perception…

on, tu lèves les yeux sur elle. on. mais ça t’es égal. tu n’as jamais fait parti de ses on, c’est trop petit pour te contenir de toute façon.

à l’écoute de ses blâmes, ton honnêteté veut la faire taire. mais tu attends. dionne crache encore ce qui pèse sur son cœur. jusqu’à ce qu’elle tape — ça tu ne peux pas. tu ne peux plus.

tu balayes son poing, tendre mais hâtif. la violence des autres si elle ne mène pas à un combat, tu la déteste. elle te rappelle les coups que tu encaissais, enfant. les coups qui avaient la prétention de te faire comprendre ce que les mots ne parvenaient pas à te faire entendre.

tu es un sparte. tu pourrais la briser en deux. la trainer dans une cage, l’enfermer avec toi.

mais « personne ne te cherche. », personne n’a la prétention de pouvoir faire revenir les traîtres à leur sang. « je voulais juste te voir. », te sentir spécial car elle est venue à toi et pas aux autres. tu n’aurais pas tué un seul de tes adelphes non mais tu aurais trouvé pire torture (s’il en existe) pour qu’elle daigne s’offrir à toi.

avec dionne ce n’est pas tant la mort qui t’attire mais ce brin d’espoir infantile qui te permet de croire, une seconde de plus avant la fin, comme ton existence n’est pas obsolète.

vos regards liés tu as eu tout ce dont tu avais prié pour.

« je. c’est. c’est juste : toi ? »

tu ne peux pas l’expliquer ; elle a juste (et elle ne l’a jamais voulu) toute la valeur du monde pour tes yeux obscurs. et comment peut-elle quémander pareille injure ! toi, alexander, agir simplement ? plus les secondes défilent et moins tu comprends le drame de sa vie. tu n’es pas capable toi de penser aux conséquences ; tu t’es tellement obstiné à agir sur le moment, car les cadavres n’attendent pas.

tu pouffes, léger même si contrarié par le ton désagréable de sa voix criarde. tes caprices n’ont visiblement pas l’air aussi important que ses peurs. tu roules des yeux — c’est dur pour toi d’être sérieux ; même quand à tes pieds se trouve la tête de quelqu’un, prétendument ta sœur.

« tu n’es plus sur l’île et, j’ai tenté d’inviter tout le monde à dîner, mais ; ça ne leur plaît pas. je voulais que tu saches. que. j’avais essayé. c’est tout. pourquoi tu hurles ? oh, dionne. il n’y a rien de grave. »

les trahisons sont des éclipses solaire que l’on oublie le jour suivant, la mort un renouveau pour, hébé de toute façon n’est jamais loin et qu’importe les sacrifices — qui s’en souviendra ?

tu hausses des épaules, retient difficilement un rire désarticulé. la profondeur de ses angoisses n’atteint pas tes chevilles et tu parais même être scandalisé qu’elle ne s’inquiète pas plus de toi.

« je ne t’avais jamais vue si malheureuse ! »

ta prière est désuète. face à toi il n'y a plus l'ambassadrice pour qui tu as ployé le genou, pas même un soupçon de force encastré dans un bout de femme.

dionne est fragile. cassable. tourmentée. elle souffre des choix qu'elle a fait. ça tes yeux égoïstes savent le voir mais tu ne comprends pas.

« mais qu'est ce qu'il t'arrive, bon sang ? »

tu ne vois pas les sacrifices auxquels elle s'est assujettie, tu n'entends pas ses vœux criards qui prêchent l'impensable. ta sœur est devenue sourde à ta douleur à force de subir la cacophonie des siennes. c'est ce détail qui fait d'elle une traîtresse à ton cœur.

s'érige alors son dos, et tu devrais te contenter d'avoir aperçu ses yeux quelques secondes. quelle audace. tu marmones un « non. », tu voudrais rire de son impudence ; elle te rappelle toi quand vous vous connaissiez à peine. des mots qui fusent, plus forts que la raison, et la fuite pour acolyte car elle est moins embêtante que la confrontation.

d'une main tu saisis son bras gauche, y insère résignation et ongles.

« j'ai dit non ! »

tu bouillonnes, ta voix s'en imprègne et tu laisses se répandre ta colère dans ta force et dans tes mots.

« tu crois que c'est dur de casser des chevilles ? as tu une idée du nombre d'os que je peux briser à la force de mes mains ? tu sais combien de temps il faut étrangler quelqu'un pour qu'il perde simplement connaissance ? quelles pressions suffisent à te tordre de douleur ? tu veux essayer tout ça dionne ? non, non , tu ne veux pas, et tu sais que j'en suis capable, hein, tu l'as toujours su. »

c'est pour cela qu'elle avait voulu l'endormir, éternellement, pour que le monstre jamais ne montre son visage. mais il craque, il n'y a qu'elle de toute façon pour le croire quand il fait l'étalage de ses vices.

« donc tu restes. et tu vas me parler. de la pluie du beau temps d'à quel point tu me maudis d'être vivant, je m'en fou, tu vas me parler. j'existe car tu me l'as permis. chaque jour je me fonds parmi les vivants, j'enlace des idéaux qui me filent la nausée en gardant le sourire et je tais l'ardeur de mes pensées simplement pour danser couvert de sang au milieu des aveugles. par ta faute. »

tu lâches, lentement, comme de peur qu'elle s'en aille dans un rebond. ton regard de rage à l'intensité des océans, profonds et dévastateurs, et tu tends l'autre main, pour saisir, doucement, sa casquette en espérant pouvoir la lui voler pour que jamais plus ses yeux ne profitent d'un voile d'ignorance à ton égard.

mais les menaces ne font plus sens. ce que tu croyais être l’incarnation de l’absolue dictature n’a maintenant plus que la forme mollassonne de mots faciles à bafouer, piétinables par l’ignorance et oubliables par l’aisance.

il te faudrait la tuer pour qu’elle comprenne — à quel point tu tiens à elle.

tes poings se serrent, tes ongles te punissent de ne pouvoir lui diriger ta violence. veux-tu gâcher ces années d’accomplissement, mettre fin au théâtre de ta vie sur une scène teinté de sang et dénué de la moindre audience ?

le dos de ta main libre vient frotter d’un geste saccadé ton front, tandis que tes pieds te font tourner en rond sur le rythme de ses leçons. tu as des rêves macabres plein la tête et seuls quelques rires ternes au fond de la gorge ; c’est la folie qui se moque de toi, encouragée par les mots de ta sœur ! tout devient sarcastique, tes sourires et ses encouragements dissimulés, ton envie de la détruire et ton amour démesuré que tu ne sais plus vraiment vers qui diriger à présent.

tu t’éloignes, dépose sur ta tête la casquette que tu as dérobée, et là c’est l’éclat. tu lances ton pied dans le sac en toile qui traîne, fait s’échapper la tête d’une blonde qui s’en va taper contre les ruines (ta casquette tombe). son sang laisse une trace, mais cette peinture ne reflète pas tout ton talent ! tu y retournes, frappe, harcèle de ta force ce bout de femme qui pourrait être georges, sinon dionne. ton acharnement tombe tel un orage jusqu’à ce qu’on ne puisse plus discerner les yeux du nez de la bouche et de tout son reste. voilà que ce n’est plus rien, plus personne.

tu halètes, excédé par la haine et la force que tu n’as su contenir, te retourne vers dionne. silence mais tes yeux la traitent de tous les noms. tu inspires , râles sans t’approcher  d’elle :

« oui oui alexander, tabasse donc ta soeur perdue, et puis si je ramène ton cadavre en guise de trophée pour le déposer auprès de tous les cadeaux que je t’ai volé, tu verras bien, tu ne seras plus criminelle mais martyr ; et je prendrais la place du traître ! marrant, ça, non ? ça ne t’arrangerait pas un peu, dis moi ? faisons ça ! pourquoi pas ! tu es forte, dionne, forte ! je n’en ai jamais douté ! moi je n’ai jamais été personne, qu’un simple petit monstre qu’on observe grandir en feignant d’ignorer que tout ce mal ça ne tiendra jamais dans un homme ! va. haha. dégage. disparais comme tu es apparue. »

tu rejoins le sol, tes genoux contre la poussière pour que tes mains, tendues et douces, récupèrent cette tête dont tu t’es proclamé propriétaire. le dégoû​t n’a pas sa place dans tes yeux et tu admires, calme, ce que tu as saccagé. ta voix murmure ;

« j’ai pas besoin de toi pour rester droit dans mes bottes. je suis grand. ils ne m’attraperont pas. tu ne m’aimes pas. ok. ça change rien. c’est pas grave dionne. »

lassé, tu te redresses et lent comme tu l’as toujours été tu la rejoins, récupérant au passage le sac en toile pour y ranger ton œuvre, puis tu t'arrêtes face à elle pour la surplomber de tout ton flegme.

« on y va ? »

figé face à elle, tu attends alors que tu quémandes votre départ. légère incohérence, parce que tes désirs souvent ne suivent pas tes mots — que ce soit les menaces inachevées ou les actes inavoués.

alors la voilà. ta prière. elle t’étreint enfin — c’est féroce mais tu y trouves de la tendresse, et elle grave ses mots dans ta caboche, alors l’univers entier peut s’effondrer tu resterais ici-même soutenu par les mains de ta sœur à attendre que perlent sur toi les réprimandes qui t’ont toujours façonné. tu n’existes que pour entendre ses vérités, qu’elles blessent ou qu’elles soient douces ; tu aimes sa voix, tu aimes être happé par les souvenirs émiettés qui te rattachent à tout ce que tu as jamais été. un monstre. alors tes balivernes deviennent obsolètes et tu renais, content d’être enfant à nouveau.

tu lâches ton butin, le bruit du crâne qui cogne le sol est assourdissant pour les âmes délicates mais pour toi ce n’est qu’un son. tes bras serrent dionne, tu la soulèves même un peu pour que ses pieds ne touchent plus le sol le temps de quelques secondes et ton visage se niche entre le sien et son épaule. tu inspires, animal, hume la bonne odeur de ce qu’il y a de plus savant en ces lieux ; te délecte de son existence. elle t’a manqué.

« c’est vrai. nous sommes comme ça, nous les hommes. » tu serres, sans en appeler à la violence et pourtant plus tu inspires contre elle plus tu donnes l’impression de la broyer dans tes bras. « et tu nous méprises. tu me méprises. » s’estompe doucement ta poigne, mais tu ne relâches pas ta captive. « tu me hais c’est normal mais tu m’aimes malgré toi. »

c’est tout ce dont tu avais besoin.

tes lèvres embrassent son front, et tu la défais de tes bras tout en te défaisant aisément de tes mains. tu t’absentes, pas pour récupérer la tête mais pour aller chercher sa casquette, victime d’abandon. tu la reposes sur sa tête, cache quelques mèches roses délavées derrière les oreilles et, là ; c’est dionne à son arrivée. pas de rage, pas de conflit. tu parais presque heureux, quand bien même éreinté.

« je ne serai jamais ambassadeur. alors nous n’aurions plus rien à nous dire dionne mais, je fais une nouvelle promesse. je te ramènerai à nous. morte ou vivante. je saurai te récupérer quand tu te laisseras ébranlée par le doute. j’existe car tu me l’as permis ; et tu m’appartiens. au nom d’hébé : tu m’appartiens. »

à quoi pense-t-elle réellement, te demandes-tu ; quand elle dépose sur ta promesse un morceau de la sienne. tu crois lire derrière les mots qu’elle appelle à l’aide ; et qu’elle ne vous a jamais réellement abandonné.

mais ces douceurs sont des niaiseries dont tu te fiches, alexander. ici ou ailleurs, ennemi ou sœur, oh dionne est et restera dionne, celle que tu enterreras de tes propres mains, une ou deux fois ; peu t’importe.

tes lèvres s’étirent, elles veulent cacher la résolution de tes pensées sombres. tu ne veux pas tout lui dire. elle te déteste déjà bien assez. vivant triste, mais vivant, tu as appris qu’il y a malgré toi des vérités qu’il faut faire taire — mais ce n’est pas mentir non, tu sais qu’un jour viendra où tu lui montrera l’intensité de tes promesses ; jusque dans le creu de ses côtes, tes doigts nus apposé directement sur son coeur chaud.

il n’y a pas plus à échanger. pas plus d’amour à travers les actes, pas plus de haine à travers les mots. tu as éclaté, elle s’est répandue, à la fois victime et reine et tu as écouté, enfant comme adulte. tu préfères alors garder cet arrière goût amer d’une rencontre épuisante, qui ne t’as offert que plus de rage à confiner. tu inspires, te retourne pour observer la mer dont elle s’était éprise en te parlant. tu n’y vois aucune beauté. aucun intérêt. rien qui ne te détrône.

tu parais presque fier alexander. on peut lire dans tes yeux tous les destins que tu t’imagines forger, et ils sont mauvais. on ne peut te croire bon à quelque chose tant tu n’as jamais montré que ton affection pour les péchés. tu avances, laissant derrière toi un bout de cadavre qui ne saura être identifié (tu as pris soin de retirer tout ce qui aurait pu lui donner un nom), et peut-être ta soeur, puis-ce que l’île ne l’attend plus.

« je suis déjà meilleur que toi, dionne. je n’ai jamais menti. »

grâce à elle il pourrait bien être le plus mauvais des fils d’hébé mais il ne portera jamais la couronne de l’indigne traître à son sang.