Si l’île était, depuis les évènements récents, sens ci-dessus-dessous, que dire !
Que dire de l’état de ses pensées ?
Tout lui était tombé dessus comme une avalanche, la réalisation glaciale que
tout était bien plus grave que ce qu’on lui avait dit. Que les monstres, ces mêmes monstres dans les griffes desquels il avait vécu quelques jours sans s’en soucier, avaient réussi à passer leurs portes. Que les monstres, peut-être, étaient aussi parmi eux.
Le jeune homme n’avait réussi qu’à passer les portes du parloir en tremblant avant de s’effondrer. Le sol ne lui semblait plus tenir sous ses pieds.
Que dire alors, alors qu’il commençait à se souvenir des mots rassurants de sa sœur, de son propre amant ? De la douceur des pouvoirs d’Iris enroulés autour de son cœur ?
Etait-il faible, idiot, qu’on l’ait écarté de la sorte ! Que Précieux ne lui ait parlé que d’art au lieu des tourments qui lui agitaient le cœur ? Qu’Alvaro ait caché les blessures dont il n’aurait pu se douter de l’origine ? Qu’on l’ait laissé, enfin, dans les bras d’un monstre, en face-même de sa mère, sans que personne n’en dise rien !
Était-ce cela que tous craignaient ? Que le maudit les trahisse ?
Les pensées emmêlées et les yeux mouillés, il rentre sans même frapper dans l’appartement de sa sœur, jette ses chaussures sur le côté par habitude avant de cogner du plat de la main contre le mur pour l’avertir de sa venue.
Aujourd’hui, il ne parlera qu’ainsi.
Il ne laissera personne s’approcher de ses pensées.