– Walk a mile on these coals, busy cleansing my soul Getting ready for the night Damned for eternity, but you're coming with me Into the afterlife

(slight cw : évocation sexualité)

Qu'ils sont laids, tous ces inconscients, tous ces damnés bienheureux ; qu'ils sont dégoutants, ainsi nimbés comme les saints dans leur linceul avec leurs sales prédispositions à la débauche - du rouge odeur javel à même les lèvres, du rose qui pue le fer sur les joues, du bleu malade sur les paupières - et l'allégresse communément aveugle, bercée par les remous nauséabonds des néons lancés au hasard des gueules ouvertes.

Et ce petit monde, qui piétine à qui mieux mieux la grande digestion de laquelle ils sont victimes - semble oublier leur raison fondamentale ; et nulle ivresse, nulle transe incorrecte ne saurait réparer cet affront. L'impiété de leur insouciance me donne la nausée ; et je sens glisser sur moi les regards avides, éventrés à la lame néonesque, que l'urgence festive rend globuleux et torve et excitants. Les déchets sont les plus prompts à oublier qu'ils sont en train d'être mangés. L'on se galvanise ici en se contentant de la musique trop forte, de la sueur, de l'alcool hors de prix et de la gravité.

Je t'observe depuis un moment - prisonnier volontaire de ces limbes nauséabondes, j'ai moi-même du mal à mesurer le temps - c'est peut-être la pire épreuve qui puisse être imposée aux victimes des Tantales moderne. Oh, je te connais bien, Satya - car l'on m'a bien renseigné, et je t'observe, disais-je, depuis un moment, un moment qui regarde des hauts-delà autrement plus convenables que cet espace de fixité morbide dans lequel nous baignons tous, débauche, sono et drogues comprises - elles flottent à la surface de l'eau comme de la moisissure. Je t'ai suivi de loin, j'ai pris bonne note du rythme de tes pas et me suis coulé dans le moule de ton ombre. J'ai écouté ta voix et suivi tes préceptes - et je crois connaître tes goûts - c'est moi ; ce devrait être moi. Pourquoi m'obliger à me dénaturer ?

Et l'autre, qui est si proche de toi - prétend-il connaître mieux que moi la portée de tes souffles insignes, la substance de ton vice ? Ne me fais pas rire ; je ne trouve pas indigne tes tentatives de manipulations, car elles sont motivées par l'urgence. On laissera le soin du jugement à ceux qui n'en sont pas indignes ; mais comment prétendre à la satisfaction lorsque l'on jette son dévolu en n'y songeant sans volonté ? Vas-tu baiser ce pauvre fétu d'homme et jouir des remords induits en inconnaissance de cause ? Songes-tu réellement profiter du contentement facile des lamentations requises au crépuscule, lorsque vient l'heure du paiement et de la fuite ? Allons, mon frère... Je ne t'aime pas ; mais toi, tu m'aimeras, ce soir ; et je saurai te donner la satisfaction honteuse que tu mérites.

Je me glisse entre les cadavres, plissant le nez - je ne regarde que toi, non - laisse-moi te parler ; puisqu'il me faut utiliser mes pouvoirs, il faudra bien que tu m'écoutes te séduire.

– Tu mérites mieux. Danse avec moi.

Glissé à l'oreille, comme une ode. Danse avec moi. C'est un ordre. Pour une fois, il faut que tu sois heureux, vraiment, vraiment heureux...

– Walk a mile on these coals, busy cleansing my soul Getting ready for the night Damned for eternity, but you're coming with me Into the afterlife

Ta proximité m'est insoutenable ; j'ai la fièvre et le cœur lourd des fumigènes sacrifiés aux impurs.  
Plus que quiconque, je connais vos désirs ; j'entends vos réserves ; je me moque de vos impatiences - cette lucidité, je la dois à ma nature obscène, et je devrais m'y complaire ; mais tes caresses sur ma nuque sont une maladie dont je ne parviendrai plus jamais à me défaire.
Je ne peux rien léguer de mon déshonneur. Vous êtes tous, à mes yeux, et sous la joug de mon amour miroir - des opposants mal réfléchis.

Ne me touche pas comme ça ; nous ne sommes pas des amants. Cette nuit, je ne poserai jamais mes mains sur tes hanches et tu ne joindras pas les tiennes à nos prières communes ; je ne te ramènerai pas en voiture et nous ne monterons pas chez moi, ou chez toi, ou nulle part ; nous ne coucherons pas ensemble et nous ne nous oublierons pas demain. Ne me touche pas, tu n'en as pas plus le droit que moi.

Je pose mes mains sur tes hanches et je sais bien que tu dois être beau ; mais ainsi submergé par la lumière des néons tu ressembles à un ange et cela me donne envie de vomir. Nos fronts se touchent, je sombre. – Embrasse-moi, sourire, si tu veux que je te dise comment je m'appelle.

– Walk a mile on these coals, busy cleansing my soul Getting ready for the night Damned for eternity, but you're coming with me Into the afterlife

TW INCESTE

J'avais prévu ce coup mortel et ses conséquences d'ombre portée. Je m'étais engagé à le parer ; le monde entier veut ma peau ; j'ai donc dû apprendre à me prévenir contre la noblesse de ses appétits.
J'ai pris soin d'anticiper tes ardeurs-crépon, que je prévoyais bien communes - la moiteur de tes désirs imposés aux miens, friables et pénétrés, et leur persistance parcheminée ; tes épaules nues, miroirs terribles, les perles d'horreur humides à ton front, l'intransigeance dorée de ta langue, les trésors pénétrés de tes entrailles - je pense à tout, car je pense à moi - et j'ai failli.

Celui qui m'embrasse incarne désormais ma fascination ; il ressemble trait pour trait à la plus obsédante de mes obsessions - ces cheveux, ces yeux, cette bouche, c'est presque ça ; presque, mais pas tout-à-fait ; ce n'est pas l'odeur, ce n'est pas les vêtements, ce n'est pas le goût, ce n'est pas le reste - grotesque.

Je fais un pas de recul. Je refuse de croiser le reflet de mon trouble. J'ai la nausée.

—Satya Ashwani, et mon propre dégout m'est définitivement insoutenable. Tu ne sais pas ce que tu es en train de faire.

Cesse de me regarder avec ce regard-là ; cesse de t'approprier ce qui ne peut s'approprier sans consentir à d'irréparables sacrifices, dont je suis le seul à connaître la formule.
Et pourtant - et pourtant - je mentirais, si je ne disais pas que cela me fait un peu de bien. Pourquoi ?

Je dois me retenir pour ne pas vomir. J'ai perdu l'usage de mon image, et ma beauté doit désormais se fondre dans les formes habituelles de son modèle. Je dois à tes yeux me ressembler ; te ressembler.

— Tu viens d'embrasser ton frère. Mais le pire, c'est ce visage ! Arrête ça tout de suite. Je pourrais te supplier. Je ne peux plus te regarder ; je le veux. Arrête. Essaye de m'embrasser encore. Il faut que j'en sois sûr ; il faut que je sois sûr qu'il ne s'agit pas de moi. Je recule d'un pas, encore. Je n'arrive pas à fuir.

– Walk a mile on these coals, busy cleansing my soul Getting ready for the night Damned for eternity, but you're coming with me Into the afterlife

Le coup ne me gêne guère. Du moins, pas ouvertement. C'est comme à l'opéra - l'on cache aux regards indiscrets ce qui échappe à l'oreille, car trop licite. Au pays du vrai, il faut dispenser aux cœurs humains les soins dont ils se réclament. Mais la possibilité du sang ; la possibilité contenue d'une ouverture au monde, au-delà de la coulisse ; la possibilité arrachée au secret du velours rouge, à l'intimité incarnat, au revers éventré du monde - il m'arrache la peau ; il tire sur l'écorce et dévoile les plaies parallèles de mon amour à vif. Je pense à ces photographies fantomatiques, dépourvues de tout grain ; à la pâleur dégoutante des chairs offertes en partage aux appétits voyeurs ; aux rapports d'autopsie sur mon bureau ; à la composition des pots-pourris et au Faust - sur la langue un gout de fer - et je m'imagine, fou - que l'odeur de mes blessures se répand dans les airs, que mes veines ouvertes sont devenues des calices éventrés à la bouche desquels on se précipite pour boire, car les hérétiques ont toujours soif, bien plus que les Dieux qu'ils adorent...

J'ai peur qu'ils me dévorent ! J'ai peur, soudain - des halos dégoulinants, de la brume des corps, du bruit de la peau qui rappe contre la peau, du tambour de mon pouls dans mes oreilles - tous, ils vont m'ouvrir et se multiplier ; tirer de moi ce qu'ils aiment le plus, me sentir, m'embrasser, me digérer - tous,   ils vont se fondre en moi . Et lui - lui qui ne me ressemble même plus !

— Satya Ashwani, je l'ai saisi au col comme pour m'y raccrocher. Il n'y a que de sa faute dont je puis désormais être sûr. Emmène-moi dehors tout de suite. Fais-le et j'oublierai ce que j'ai vu ce soir. On me regarde ; on me sent ; on m'aime, c'est de ta faute !