frère improvisé garde du corps, nouvelle casquette (estampillée nike, évidemment) qu'il enfile aujourd'hui ; tâche du jour qu'álvaro prend à coeur, autant que l'on puisse prendre à coeur quelque chose d'aussi banal qu'éviter le danger lorsqu'on est fils de la victoire elle-même. ici la foule de new york n'est depuis longtemps plus ennemie, mais terrain de jeu, spectatrice des deux massifs panneaux publicitaires ambulants qui affichent à merveille les logos de leur lignée - on s'étonnerait presque qu'ils ne soient pas payés juste pour se tenir là. il fait quand même attention : quand on fait quelque chose, on le fait pour de vrai, alors on surveille, on suit, et on garde. ça booste l’image de marque.

”hm ?” il se tourne vers winnie, puis immédiatement vers le bâtiment qu’on lui indique, les yeux écarquillés - s’y attarde quelques secondes, se rend compte qu’en effet, ”non, j’y suis jamais allé.” álvaro, malgré l’affection toute particulière qu’il peut porter à sa mère, ne s’est pourtant que très peu rendu à new york pour la voir directement, et comprend immédiatement que si il faut y remédier, c’est bien aujourd’hui. alors, il acquiesce à la proposition de winnie, d’un simple ”vas-y”, puis, quelques secondes après : ”en fait, pourquoi on y va pas tout de suite ?”

"just do it", de toute façon, c'est écrit devant la façade - alors, sans même attendre de réponse, question rhétorique, il porte fièrement ses air max toutes neuves à l'entrée du bâtiment à une allure remarquable, s'arrête net devant la sécurité sans même rendre compte de leur présence, se retourne.

"TU VIENS, WINNIE ?", les mains en guise de mégaphone, avec un grand sourire. il n'est pas si loin, pourtant - les gardes, eux, sont encore plus près.

un garde plus petit lui tape sur l’épaule pour l’interpeller, álvaro n’a même pas le temps de le remarquer que déjà son frère les rejoint - il se retourne et baisse les yeux, adresse un sourire cordial au garde sans quitter son regard, laisse winnie tout expliquer. c’est qu’en vérité, il n’y a pas grand chose à dire de plus, leur présence lumineuse se justifiant bien à elle seule. signe de la tête à l’égard de l’adelphe (ah, oui, oui elle est bien directrice. directrice adjointe), sourire agrandi à l’égard du gardien qu’il continue de fixer avec insistance. c’est qu’il en est fier, de sa mère (ils ne savent pas qui elle est ? c’est bien dommage pour eux).

vraisemblablement, le bref cv a bien suffit à son garde favori, qui au milieu du discours prend un air bien surpris - ses yeux se tournent vers winnie avec une attention toute particulière, s'écarquillent un peu plus l'espace de quelques secondes puis roulent soudainement à l'arrière de son crâne avec une exclamation étouffée par sa soudaine chute dans les bras de son collègue le plus attentif. pourtant, il n'a pas l'air malade, au contraire : le garde a beau avoir sombré, il a l'air bien heureux. álvaro, vainqueur de sa propre bataille de regards par forfait, pouffe un coup, se ravise bien vite - c'est qu'il s'y est attaché, à l'évanoui, alors il s'inquiète un peu.

"oh, il va bien votre collègue ? ça lui arrive souvent ?" on lui répond que non, c'est bien la première fois, c'est bizarre, on ne l'a jamais vu faire ça. hm. ils n'ont pas l'air si perturbés, pourtant. "ça va aller, hein ?" oh, certainement. "super, parce qu'on doit rentrer, du coup, on vous laisse avec lui ?"  on lui répond que oui.

voilà, les portes du siège sont grand ouvertes, et ceux qui auraient dû leur en empêcher l’accès se désintéressent d’eux - passeport divin, les enfants de niké sont désormais libre d’entrer chez eux, et c’est ce que fait álvaro le premier, appelé par l’air familier du bâtiment inconnu.

les rares employés qui passent dans le hall dévisagent les deux énergumènes, certains ayant fait attention au grabuge à l’entrée, mais ils ne sont pas là pour eux, ils sont là pour elle. tiens, à leur passage, les portes d’un ascenseur s’ouvrent, accompagnées d’une petite sonnerie victorieuse bien digne de l’entreprise. mais ? ça ne serait pas …? non. pas encore. dommage. on laisse passer la jeune femme, puis álvaro jette un coup d’oeil à l’intérieur de l’ascenseur, se tourne vers son comparse.

”tu sais où il est, son bureau ?” c’est déjà une idée.

la sonnerie de l'ascenseur indique avec clameur leur arrivée au sommet du bâtiment, à la culmination de leur grande quête factice, de leur récréation de l'après-midi - álvaro se tourne, interpellé par son ainé, et se prend très solennellement au jeu de la bénédiction, le regard sérieux des acteurs les plus amusés, le rire mal dissimulé.

"winnie."

il lui pose une main sur l'épaule, soutien caricatural mais sincère.

"t'inquiètes pas, je te trouve ça ! et je reviens vite, promis."

un grand sourire, il lui tape dans le dos avec la force dramatique, toutefois maîtrisée - winnie a l'air bien fatigué, on ne voudrait pas l'embêter plus que ça. au contraire, on se veut d'honorer son acte de bienveillance soudain, alors on se dépêche. où est-ce qu'on trouve une carte, ici ? la réalité habituelle d'álvaro semble bien loin quand il met les pieds dans les bureaux, mais il sait qu'ici on ne lui refuserait rien, certainement pas avec l'aide de son sang - alors il ne cherche pas un objet, il cherche quelqu'un.

étrangement, les couloirs lui semblent bien vides. lui qui aurait pensé trouver dans l'immédiat, regrette presque d'avoir laissé winnie tenir l'ascenseur seul, se dit qu'il aurait dû l'amener avec lui. heureusement, il ne tarde pas non plus à voir quelqu'un. un homme sort d'une pièce à quelques mètres de lui, le dos tourné et la démarche stable - presque comme une évidence comique, quelque chose glisse de son pantalon dans l'encadrement de la porte et il ne s'en aperçoit pas. attiré par l'appât soudain du gain; álvaro se précipite vers les objets perdus au sol : des clés, un document. un bref coup d'œil suffit, il est évident que c'était celui-là qu'il cherchait.

il les ramasse en ricanant - victoire ! quelqu'un tousse. il se redresse, tourne la tête vers l'intérieur du bureau. merde. c'était une réunion, c'est ça ? une bonne dizaine d'employés le fixent, il se tait, les observe un à un avec le rictus bien vite rabattu.

"oh, euh, excusez-moi, j'voulais pas vous interrompre !" un peu embarrassé, il camoufle de grands gestes le manque d'assurance soudain de sa situation. "c'est votre collègue, il a fait tomber ça !" les clés s'agitent en tintant, il profite de l'attention opposée pour glisser discrètement le papier plié dans sa poche."enfin, bref… travaillez bien !" et il part aussi vite qu'il est arrivé, et audacieux comme il est, il referme la porte derrière lui.

en un instant il rattrape l'homme à qui il vole honteusement la carte de l'étage - pour la bonne conscience, il lui tape sur l'épaule pour se faire remarquer, et lui tend les clés. "excusez-moi, c'est à vous, non ?" l'employé a l'air exténué, le café à la main il récupère ce qui lui est dû, ne remarque pas qu'on ne lui rend pas tout, remercie au contraire chaleureusement son bienfaiteur de toute la politesse que ses maigres heures de sommeil lui autorisent sûrement. "y'a pas d'quoi !" ils s'échangent un sourire aimable, et chacun repart dans des directions opposées - l'un bien plus vite que l'autre.

"WINNIE ! WINNIE !" il crie murmuré, mais brandit la carte en frappant des talons. "j'ai trouvé ! c'est bien ça, non ?" il se place à côté de son frère pour entourer ses épaules de son bras et ouvrir bien grand sous leurs yeux le dessin du chemin tout tracé de la victoire.

"en fait.. on est juste à côté." les yeux tournés vers le couloir opposé, au fond une porte qui aurait bien dû les interpeller : álvaro se rend compte qu'il était parti de l'autre côté.

mais ici tout nous réussit, et maman n'est qu'à une porte frappée - pas le temps pour les lamentations, on y va ? oui, très certainement, on ne veut pas la rater.

gloire, bonheur ! que sonnent les trompettes, on annonce la victoire elle-même - tornade étincelante, niké les devance, en sa plus grande qualité de déesse. présente ainsi devant eux, elle n’a probablement rien pour l'œil non averti de proprement sacré, mais aux yeux d'álvaro, elle a bien plus que ça : le caractère ineffable de mère, celle que l’on n’oserait à peine nommer directement, et pourtant ! on le crie à qui veut bien l’entendre, car notre mère est une déesse, et elle nous sait nous, demi-dieux au moins, nous réclame des siens.

avec toute l'attention du monde, il l'écoute, les yeux qui brillent, le sourire aux lèvres - se dit qu'il aimerait la prendre dans ses bras aussi, mais ne l'ose pas forcément - répond brièvement aux questions qui s'enchaînent de "oui", "oui ça va !", "super" et autres affirmations enthousiastes. parce que tout va bien ! il n'y a rien d'autre à rétorquer.

aux accusations de sa mère, à la réponse amusée de son frère, álvaro rit à plein poumons, un rire empli de fierté  : "oui, puis c'était même pas si compliqué, au final." merci winnie, merci maman. "tu nous ferais visiter, alors ?" c'était facile, oui, mais mérité - c'est une excuse, aussi, pour rester plus longtemps. les téléphones sonnent encore - il est évident que leur rencontre ne peut durer trop longtemps, mais il souhaiterait l'éterniser, faire taire les appels incessants et gagner pour eux l'importance du temps trop occupé.

proposition qu'il accepte immédiatement, sautille presque de joie à l'image de celle qui s'élance, qu'ils suivent sans aucune hésitation.

"on pourra prendre des photos ? pour montrer aux autres." parce qu'ils sont nombreux ! et qu'ils méritent certainement les mêmes égards, puis de savoir qu'ils sont passés ici aujourd'hui - vantardises, aussi.

alors, les deux adelphes s'embarquent : bras dessus bras dessous, épaule contre épaule, aucun doute ici ne pourrait subsister - dans les sourires qu'ils s'adressent, dans leurs démarches avancées, à la suite de leur divine mère, la ressemblance est frappante ! bien plus que liés par le sang, dans leur bêtise souveraine (bien loin d’être la première, encore moins d’être la dernière), winnie et álvaro restent liés par le cœur.