Les sanglots durent longtemps;
à cette peine qu’on a voulu prendre audacieusement : qui sommes-nous, pour prétendre l’arracher et soulager,
de quel droit, presque prétention, nous ne sommes pas soigneurs : on ne l’a jamais été.
Nous sommes peut-être fuite, confort dans le bon comme dans le pire, mais nous ne nommes pas salvateurs, la preuve : ces larmes là sont bien inutiles.
Précieux pleure et lui aussi, le sol alors se jonche de saponaires trop jeunes puisqu’il ne l’a pas encore écouté et puis,
et puis,

tout est fini (?),
alors il ne veut plus de toi

tout est fini et tu fais parti de tout, brime de l’existence d’un tout ou rien,
et comme ses mains serrent, serrent les tiennes,
serrent et tu veux qu’il te les écrase pour que tu ne puisses plus les utiliser que tu ne puisses plus puisque tout est fini alors toi, toi,
toi l’ombre de son ombre l’ombre de sa main
ombre du début jusqu’à la fin maintenant bien trop grande au dessus de Précieux et le soleil lui manque


Et bien-sûr qu’il ne comprend pas,
les larmes cessent sous le choc et les saponaires fanent, brusquement — elles non plus ne comprennent pas,
la bouche béante à l’image de la plaie au glaive sur le coeur
le souffle à peine audible, le regard tombe, vise le sol,
parce le regarder fait déjà trop de peine
Il faut parler,  « … » mais tous les mots semblent insensés maintenant,  « …? » ils ne veulent plus rien dire dans cette réalité qu’il ne désire plus être sienne « … » mais puisqu’il faut parler, il attend,  « D’accord » puisqu’il le faut, puisque tout est fini, il l’a dit,
et ses sourcils se froncent, ses mains se serrent et il ne comprend pas,
les larmes ne montent plus pourtant la poitrine est lacérée et il ne lui semble avoir connu plus grande douleur et pourtant Ambroise ne pleure pas,
pire encore,
parce qu’il ne fallait pas que je te quitte,

il lui en veut
mais la rancoeur le sied si mal, tellement mal

ses mains se posent délicatement sur ses poignets, parce qu'il ne faut pas les casser et il faut maitriser les immondices qui le rongent,
comment toujours on le trahit et la rue était recouvertes de pétunias trop vifs pour la saison
la rancoeur le sied tellement mal qu'il sait pas et qu'il se comprend pas pourtant les larmes ne viennent pas,
parce qu'il ne fallait pas que je te quitte mais qu'il faut bien parler, il ne lève toujours pas le regard parce qu'il ne veut pas le voir l'écouter
alors « J'aimerai, que tu partes » puisqu'il ne faut pas que je te quitte,
« il faut que tu partes » maintenant,
puisque nous n'avons plus le choix

Il ne fallait pas le quitter et pourtant Précieux part : c’est ce qu’il se passe, non?
Puisque tout est fini et qu’Ambroise fait parti du tout aujourd’hui, qu’ils disent,
il s’était toujours considéré comme une pièce externe à ce puzzle soigneusement, il était cette drôle pièce lié au tout que d’un côté,
mais puisque tout est fini, cette pièce là aussi doit tomber, alors Ambroise ne comprend pas. 
Il n’a jamais été parmi ce tout,
Précieux ne l’a jamais voulu.
Ambroise, c’était la précieuse plante dans les ombres qu’il faut, quelques fois, arroser,
c’était celle qui restera si tout s’écroulait puisqu’elle n’ETAIT PAS PARMI CE TOUT,
Alors pourquoi ?
Et la colère lui va tellement mal le menton tremble et le regard fuit il ne veut plus le voir mais ses mains ne le dégagent pas alors qu’il faut qu’il parte,
il le faut,

parce que Précieux était une pleine pièce, la plus grande, la plus belle de ce drôle d’ordre que formait l’assemblage d’Ambroise, aux parties convexes certes mais, au moins,
il en était une, véritable.
Il n’était pas un étrange ajout.

Et pourtant Ambroise ne le pousse pas plus que ça, il ne le lâche pas plus que ça, à la colère vaine puis qu’elle lui va tellement mal,
et puis c’est drôle, apparemment, c’est drôle, le souffle se coupe puisqu’il faut parler des amours mortes qui aujourd’hui n’ont plus de sens et dont la mention fait trembler jusqu’à l’échine et aujourd’hui c’est la leur qui se meurt,
et il n’est pas évident de souffrir, de se quitter,
alors le visage d’Ambroise se fronce en écho aux cris qui le rongent et il faut le regarder, il lèvera la regard parce qu’il ne veut pas le voir :  « Je ne comprends pas, » sanglots dans la voix,  « Tout est fini mais je ne suis pas de ce tout » tu ne l’as jamais voulu, « Tout est fini et je dois partir, Précieux je ne comprends pas, » Ambroise n’est pas un bavard mais là son coeur parle, « Si elle se finit mal et si l’on souffre, s’il faut que tu partes, » il ne voulait pas mais c’était plus fort que lui, « Pourquoi m’entrainer dans ta chute, » et il avait baissé les yeux rougies de confusion vers les siens puisqu’il ne comprend pas,  « Tu ne veux plus de moi mais tu ne veux pas partir, » lui l’ombre de son sombre l’ombre de sa main, « Précieux je ne comprends rien… » plus bas, presque en murmure,
la colère le sied si mal qu’elle s’en est déjà allé, presque trop simple.

Comme il l’a rarement fait, comme il ne l’a jamais fait,
sa voix gronde et s’hausse, les v virent et les t tonnent, uvulaires et vélaires ensemble elles qui étaient si douces pour les je t’aimes auparavant aujourd’hui lui demande de partir, 
aujourd’hui, il n’y a plus rien, c’est lui qu’il le dit, il n’y a plus rien, puisqu’il l’a décidé, puisqu’il ne s’agit que de lui,
que de lui.
De ceux qui se placent pour les autres, les paroles ne sont jamais de travers même quand tout en lui demande le contraire, la voix est toujours basse et les actes toujours pour satisfaire, altruisme quelque peu hypocrite orchestré par la belle marée trouble qui vit constamment en lui, devenue le plus beau des lacs ces derniers mois, par ses mots,
uvulaires, vélaires,
mais tout ça c’est terminé,
puisqu’il le dit, c’est lui qui l’a dit.

Quelques secondes, minutes, il ne bouge pas, ne le fixe pas, cherche toutes les raisons peut-être restantes pour rester, il n’en trouve plus, il n’y en a plus,
va-t’en sonne encore dans l’air,
ah, la belle marée trouble,
Ambroise a la nausée : « Je ne comprends toujours pas, » ce n’est pas un nouvel essai,  « je ne comprends pas, mais d’accord Précieux, d’accord. Je suis désolé, » désolé pour tout, « je suis désolé de ne pas pouvoir t’aider, j’espère qu’un jour, peut-être, » peut-être, dans quelques jours, quelques mois même quelques années, Ambroise est patient,  « tu m’expliqueras, pour que je puisse comprendre. » Il ne veux pas dire au-revoir, l’adieu est encore moins envisageable,
pauvre Ambroise, pauvre misère,
tout avait été fait pour qu’il l’évite,
le voilà pire qu’elle ; Ambroise se retourne, pas un mot de plus, ils seront tous vains,
et puisqu’il doit le quitter, qu’il ne l’oublie pas : aux myosotis, tout juste derrière lui,
aux larmes que Précieux ne verra plus.