l’amour nous menait en voyage.
on s'est aimé, on s'est aimé,
qu'il fut merveilleux, le naufrage,
quand, dans tes bras, j'ai chaviré

Aux rencontres infortunes : celles capable de ternir les existences jusqu’au noyau, alternent sa source et ce qui en découle. 
À ces marques, blessures, que l’on panse avec ce qu’on trouve, si l’on trouve : vient alors ces rencontres qui paraissent que trop bonnes pour être vrai,
tant les infortunes ont blessé,
n’importe laquelle peut alors prétendre à celles-ci tant recherchées, celles capable même de l’impossible : guérir. C’est ainsi que ça se passe, dans les beaux ouvrages, à travers les belles plumes, du bout des beaux pinceaux, à l’écho des sopranes.
Théodore n’est pas un guérisseur. Simple mortel qui meurt d’amour pour les belles choses, apprécie toutes plumes, traces des pinceaux et se languit de toutes les voix : tant que le coeur y est, il y a du beau dans tout.
Théodore n’a pas de blessure, lui. Quelques unes peut-être, mais il ne connait pas celle d’amour, alors, il ne pourra jamais comprendre ce qu’Elle lui trouve, elle qui est si parfaite, immortelle. Parfaite, oui, lui qui est de ceux touchés par toute beauté, celle-ci se démarque du reste : qu’elle est sublime, la Coré. Déesse du Printemps et Reine des Enfers — ses contrastes ne font que définir d’avantage sa perfection, elle est à elle-même tout ce qu’il y a de plus beau et de plus morose, elle est naissance et mort, sublimée par cette plaie béante qu’est sa fatalité.

Et lui, il n’a que trop de failles, se fêlerait sous la moindre bourrasque et c’est cette sensibilité qui le rend alors si attrayant, aux yeux de la déesse. 
Il a eu ces attentions, ces mots, cette voix qui lui ont tant plu, à la mélancolique petite déesse alors si seule, incomprise de tous et toutes ! Ce printemps là fut incroyablement beau. 
Cependant petite Perséphone ne put éternellement être heureuse, elle n’a pas été écrite ainsi : submergée par un mal aussi éternel que son existence,
« j'étais à lui tout entière,
j'étais déjà prisonnière » ...

le bonheur de celle-ci fut bref, de six mois : l’arrivée de l’hiver sonnera son départ.

« tu peux déposer les armes,
oui, j'ai fini de t’aimer.
il est trop tard pour tes larmes » Perséphone était une bataille vaine,
et son soldat que trop mortel pour ces affaires déjà trop ancrées dans l’histoire.

ci-gît, après tant d’arôme,
et la moitié d'un automne,
ci-gît, sans même une rose,
notre amour pour qui éclose

Il eut une naissance à l’image de cette histoire : un cri qui vint réunir le temps de quelques heures ces deux âmes que tout opposaient, dont la séparation était gravée. Pourtant il eut un petit garçon que le mortel nommera Ambroise : d'ambrotos, l’ immortel, puisqu’il faut rire à l’histoire, parfois. 

C’est six années qui passeront alors, père seul, la douce est partie pour toujours, lèguera à son tour la blessure des rencontres infortunes. Théodore cependant chérira celle-ci, dépourvue d’amertume, il y laissera la nostalgie de ce printemps et couvrira d’amour le bourgeon, qu’il fleurisse lui aussi. Cependant élevé un demi-dieu ne fut une tache facile : car l’enfant hurle toutes les nuits, Ambroise est terrifié par ce qu’il crée lui même, l'obscurité la plus profonde, tente à son jeune âge d’échapper constamment à ce qui sera par la suite sa plus grand alliée : Théodore se sent démuni face à la détresse de son enfant. Il faudra attendre ses huit-ans pour que les nuits se fassent plus calmes, laisseront place aux tendres bourgeons de l’enfance plutôt que ces vilaines adventices. Et que pointent du bout de leur nez, les premiers petites fleurs à ses premières contemplations d’un monde devenu plus clair : l’obscurité semblait alors malléable.

Durant ce même printemps: odyssée qu’est la découverte de Central Park à travers les yeux d’un enfant, sa nature chimère lui fut plus concrète. Des voix, l’instinct ? lui même ne saurait l’expliquer comme les souvenirs sont trop infidèles, et petit Ambroise marchera jusqu’à ce qui se révèlera être en réalité la Porte d’Orphée, menant aux Enfers, celle-ci fermée, quand on vint retenir celui-ci : quand il se retourne, à l’apparence gracile et à la pureté propre aux premiers rayons du printemps, des nymphes. « Tu étais donc bien ici », lui sera simplement dit, avant que Théodore arrive en panique après avoir perdu de vue son fils. 

Nausikaa, quelques jours plus tard, ouvrira ses portes, elle. À cette île crée pour eux : les gens comme lui car il en existe, il en a existé constamment,
des rencontres infortunes. Il.elle.s y sont plusieurs, un peu trop : grand timide en bon enfant de l’ombre Ambroise s’enfuira durant la fête qui lui est consacrée, la masse est angoissante et la réalité rejetée : il ne comprend rien et ne veut rien comprendre.
Ambroise le timide : on le connait à peine, là-bas, sa fête n’est qu’un souvenir flou d’une parmi tant d’autre.

— vint son seizième printemps, Perséphone les a tous compté,
car il faut payer pour les égoïsmes et les plaies que l’on a ouverte en s’épanouissant, il faut permettre à cette pousse-là de prendre racine,
petite déesse vint à la rencontre du fruit de ses égoïsmes passés : il aura fallut seize printemps.
Ambroise les avait tous compté.

Même année, durant l’hiver,
Son père décède subitement : première blessure s’ancre et s’ouvre alors dans le coeur du bourgeon maintenant jeune fleur, ah, la nature mortelle,

puisqu’il n’y a pas d’amour heureux,
mon bel amour, mon cher amour, ma déchirure,

mille larmes seront versées, depuis les Enfers,
Ambroise crut les entendre, une fois,
mais ce n’était que le sanglot des arbres à l’arrivée de l’hiver. 



Vingt ans, jeune homme d’une grande indépendance et débrouillardise, multiplie les va-et-vients entre ses deux royaumes, prodige artiste pour certains, mauvais élève à l’écrit douteux pour d’autres, sympathique camarade soumis aux maladresses de la vie encore, ou simple nom d’un adelphe lointain chez ses affiliés divins. Discret : c’est ce qui ressort le plus, car dur de distinguer à travers les ombres, entouré d’une constante mélancolie qui alors le caractérisera si bien,
il découvrira ces années-là sa plus grande faille, inscrite en lui, plaie béante à l’image de sa mère : multipliera les conquêtes en tout genre, les unes après les autres, il ne faut pas un instant de vide,
il aimera égoïstement, avide de tendresses, humaines ou mi-divines qu’importe : qu’elles le comblent, pourvu qu’elles le comblent.

Parfois le temps se décide de bien faire les choses,
découverte de son dernier don, funeste : il parlera à son père, une dernière fois dans le but de savoir, de comprendre, puisqu’il faut bien pansé les plaies, nous y revenons,
comprendre les rencontres infortunes, lorsque l’on vient d’une. Les leçons des âmes aillant vécu semblent plus sages, qui peut aussi bien comprendre la vie que ceux l’aillant perdu?

Alors sept-ans passent, Ambroise a vingt-sept ans, sa nature lui colle à la peau et il attend que sa joie revienne, mais Ambroise n’est plus aussi difficile; les chants des oiseaux le matin ou les premiers rayons du matin traversant les rideaux, il sait apprécier les simples plaisirs que la vie peut apporter dans sa forme la plus pure. Tourmenté car inscrit ainsi, de par son art, sa jouvence et son bourreau. Ambroise se délecte de chacune des peines, afflictions qui le poussent à dépasser sa nature mi-mortelle qui tend à surprendre, puisqu’il est de ceux qui offrent des charmants sourires et des plus belles conversations par ses nombreux intérêts envers ce qui peut rendre heureux.
Enfant du printemps sur fond d’hiver.