Tu avais eu la brillante idée de les convier tous les deux - mais sans les prévenir de la présence de l'autre. Dionne ignorait à l'heure actuelle ne pas être la seule à porter le poids lourd d'un masque factice au milieu de son faux paradis ; et Cassiopée n'avait pas été mis au courant de la condition tragique de l'ambassadrice d'Hébé. Tu espérais naïvement, Duke, que cette confrontation surprise suffise à alimenter des desseins diaboliques. Peut-être à te divertir quelques minutes aussi, s'ils y parviennent.

Tu leur avais donné rendez-vous dans un bar miteux de New York que tu avais privatisé pour quelques sous. Jamais le même lieu, jamais le même endroit, jamais la même heure. Il n'y avait qu'une seule constante : tu serais là, quelque part, à les attendre - avec la promesse funeste que s'ils ne se montraient pas, tu les retrouverais. Et dès lors, tu les dévorerais.

Brooklyn, vingt-trois heures trente.
L'heure du crime approche.

C'est Dionne qui arrive la première car à elle, tu lui as donné vingt trois heures vingt et Dionne n'a jamais eu l'audace d'être en retard sur ça.

Adossé contre le mur derrière le bar, à peine ta belle passe le pas de la porte que ton pouvoir envahit son esprit. Tu fais naitre l'illusion de ton invisibilité, lui faisant croire qu'il n'y a encore personne. Une petite blague qu'elle doit connaitre, à force. Il n'empêche que Cassiopée n'en a sûrement aucune idée. Le voilà d'ailleurs qui arrive.

Face à la scène, tu peines à te retenir de rire. Fais mourir l'illusion d'un claquement de doigt à ta cuisse puis frappe violemment le comptoir, hilare.

HAHAHAHAHA ET SI VOUS VOYIEZ VOS TÊTES JE VAIS MOURIR C'EST TROP DRÔLE !

Tu pointes du doigt Cassiopée à l'intention de Dionne.

Voici Cassie, notre nouveau jouet.

Et inversement pour lui.

Et voici Dionne, ma plus proche amie.

Jette un coup d'oeil à l'ambassadrice.

Amie, n'est-ce pas ? Rien qu'amie ? Toujours pas intéressée ? Je saurais te combler tu sais. Non ? Très bien très bien ! Tu veux garder une part de mystère, je me doute. Je comprends.

Tu tapes dans tes mains et escalades le bar pour passer de l'autre côté.

Vous êtes frère et soeur désormais.

Le visage de Dionne à proximité du tien, et sa jambe glissée entre les tiennes, provoquent chez toi une remontée primitive d'un plaisir de chasse. Tu souris encore, mais c'est un regard intense qui est soutenu à l'intention de la fille d'Hébé. Tes iris brillent avec malice et malveillance, sans pour autant qu'un mouvement déplacé ne soit amorcé. Tu pourrais, Duke, mais tu préfères laisser flotter la tension pénible de l'attente.  Tu laisses Dionne cracher ce qu'elle a sur le coeur et observes, démon qui attend son heure, les échanges succincts entre elle et le dernier arrivé. Tu veux tout savoir d'eux, dessiner leur relation en devinant chaque sous-entendu, chaque regard gêné. Ce qui te fait vibrer, c'est de mettre au hasard le doigt sur l'exacte vérité.

Hm...

Tu arbores un air plus grave. Ta main se lève pour venir masser une de tes tempes. Concerné, tu l'es. Consterné, c'est moins clair.

Que répondre face à la sagesse incarnée ? Tu as tellement raison Dionne. Quel abruti je suis.

Étires à son encontre un sourire carnassier. Tes yeux roulent vers Cassiopée et tu penches la tête, cynique.

Et toi alors ? Tu n'as aucune morale cinglante à me lâcher à la figure ? C'est ton moment, je t'écoute.

Une, deux, trois...

UGH. Trop tard.

Tu soupires et enroules un bras autour de l'épaule de Dionne, pour y déposer ta tête.

Le passé est le passé. Et si nous avancions tous ensemble main dans la main ? Je vous aime bien tous les deux.

Non Duke, tu n'as aucune idée de tout ce que signifie aimer ; c'est juste de la possessivité mal placée. Tu respires le parfum de Dionne mais celui de Cassiopée est, étrangement, beaucoup plus fort. Est-ce parce qu'il est en toi désormais ?

Duke. l'Hydre, c'est un peu solennel tu ne trouves pas ? Approche, approche.

Tu agites le doigt pour l'enjoindre à créer un cercle intime, tous les trois. Murmures comme si c'était un secret. Le bar est vide.

Je veux des informations. Vous qui êtes toujours sur votre petite île. Dionne, dis-moi, que fait Bellamy en ce moment ?

Elle avait eu l'habitude d'entendre parler de lui depuis des années.

Ta tête posée sur l'épaule de Dionne, tu caresses amoureusement son coude. Traces des volutes sur sa peau au travers du tissu tout en soupirant. Appelle-le Duke, oui. Tu aimes cette façon qu'à Dionne de te conforter dans tes illusions, non pas par loyauté mais pas peur. Tu garderas donc ton premier nom, l'Hydre. - mais tu aimes tout autant cette façon qu'à Cassiopée d'être brut comme un roc, non pas par peur mais par loyauté, du moins tu l'espères. C'est un diamant trop précieux et le tien de bijou, commence à se faire vieux.

Hm... C'est embêtant oui. Comment les faire sortir si je veux les manger. Ah ! Que c'est compliqué.

Tu joues au bête, réprimes un bâillement bruyant comme si toute cette discussion t'ennuyait. Mais derrière cet acting grossier se cache une réflexion dont tu ne leur fais pas part. Ton plan n'aurait aucun sens s'ils étaient au courant - du moins c'est ce que tu penses. Les demi-dieux sont plus efficaces quand ils sont confrontés, de force, à une situation anxiogène. Étrangement toi aussi. Tu ne sais pas encore ce que tu vas vraiment faire.

Hm ? Bénédiction ? Celle qui t'a fait revenir à la vie ? Je n'y suis pour rien.

Un regard insistant vers Dionne. Elle ne t'a jamais fait part de cette étrange malédiction.

Vous me cachez quelque chose.

Finis-tu par lâcher, un sourire aux lèvres.

Et je n'aime pas du tout ça.

Tu souffles dans la nuque de ta complice, puis te décales pour t'accouder au comptoir.

Vous ne revenez jamais. Sauf quand vous êtes béni, oui. Il est arrivé ces derniers millénaires que des héros antiques s'échappent des îles des bienheureux pour revenir, l'espace d'une ultime quête. Ce n'est pas ton cas Cassie, hein... Non, toi tu n'as rien d'un héros. Hm ! Bizarre.

Tu penches la tête et regardes la fille d'Hébé, le regard à demi-clos et le rictus ourlé. Fais jouer tes doigts sur le bois du bar dans un signe d'impatience.

Tu me l'aurais dis, n'est-ce pas ? S'il y avait quelque chose d'aussi important que ça.

Votre petit jeu n'est plus amusant ; et comme quand un jouet n'a plus d'importance ou ne te stimule plus, tu le jettes simplement. Tu t'éloignes de Dionne pour grimper sur le buffet. Tu agites tes jambes dans le vide machinalement, comme un enfant, qui, même assis, aurait besoin de se dépenser. Tu es sûr qu'ils te cachent tous les deux quelque chose et ce petit quelque chose est lâché comme une bombe par la fille d'Hébé.

Je le savais !

Que tu t'écris, fasciné. Ton regard pétille d'une lueur malsaine et adoratrice. Tu sembles ailleurs, l'espace d'un instant, pris à rêver de perspesctives inédites. Désormais, tes adversaires reviendront ; tes repas auront une chance supplémentaire d'être englouti.

Mais c'est INCROYABLE !

Tu lèves un doigt en direction de Cassiopée pour lui intimer le silence.

Attendez, attendez... ça veut dire...

Oui, oui, OUI. Quand il parle de Bellamy tu passes en transe. Si tu avais peur de l'achever (tout en rêvant toutes les nuits) ; il t'apparaissait désormais la possibilité de jouer un peu avec lui ; et tant pis s'il succombe à tes vices, les dieux vous offriraient sur un plateau une deuxième chance.

Ce que je veux, c'est lui. Mais ne vous inquiétez pas, je sais bien que vous ne me l'apporterez pas même si je vous l'ordonnais, même si je vous menaçais. Je vais me débrouiller autrement. Il y a moyen que votre île soit bousculée. Quand ça sera le cas, j'aurai besoin que vous répondiez présents. Jurez ?

Tu avais rassemblé la fine équipe, à la fois pour les questionner tous les deux sur tes interrogations (et tu avais enfin tes réponses) mais aussi pour les voir. Pouvaient-iels le comprendre ? Pouvaient-iels l'entendre ? Que tu les aimes chacun.e à leur manière. Tu hoches la tête solennellement lorsque Dionne te rappelle les termes de votre contrat. Tu la toises non sans un petit rictus.

Est-ce que je t'ai déjà déçu à ce sujet ?

Te vient en tête la mort brutale d'un de ses demi-frère, dévoré par Oliver. Tu plaques tes mains contre ta bouche, ravales un ah! oups! et hausses les épaules.

À part lui ! Mais je me suis bien rattrapé ? Hein que je me suis rattrapé ! Je lui ai ouvert les entrailles pour toi en sa mémoire.

Comme un chien bienheureux, tu cherches à être félicité. Cassiopée propose de couper court à la réunion et fais la moue, déçu, que ça soit déjà fini.

Si vous allez en boite après, je peux vous proposer l'Archéron.

Tu souris puis sautes du comptoir.

Allez-y, c'est bon. On se recontacte bientôt.

Bientôt, c'est le mot.