Un coup de dent pour en finir.
Un soubresaut avant que la vie ne le quitte.
Une vie entière de combat, juste pour finir comme ça ?

Cela aurait dû lui faire naître la rage.
Il resta cependant là à dévisager le rivage.
Pas encore, Héro. L’homme sur la barque avait scandé ces quelques mots. Elle va te ramener chez toi.

Elle. La cause de tous ses troubles. Le cuir comme habit, la cruauté comme couronne. Il était retourné vers Elle comme un moineau vers son nid.

Némésis ne lui offrit même pas un sourire. Tu as gâché le don d'Hébé.Un silence en réponse. Les morts ne parlent pas. Tu n’as plus le droit à l’erreur Cassiopée. N’oublie pas, que tu le veuilles ou non, tu auras un rôle important dans ce qui va advenir.

Les morts ne parlent pas.
Les morts ne racontent pas d’histoire.
Ils se contentent d'acquiescer.

___

La carnation bleuit correspond à l’écrin fantomatique qui l’enserre, de ses lèvres s’exilent des expirations lourdes. Cassiopée vit, mais se contente d’exister dans les confins de l'inconscient. Encore sur terre, il se refuse de retrouver les siens ; d’y lire la défaite ou la pitié.

Quelqu’un est bien mort cette nuit-là, peut-être un lui plus ancien.

Pourtant, les héros n’ont pas le droit au repos. Voilà ce que subissent les demi-dieux depuis le berceau jusqu’à leur tombeau : l’obligation d’avancer. Aussi, finalement, un œil s’ouvre sur le monde, sur cette aube qui blesse déjà son cœur.

Seraph. Peut-être y a-t’il un peu d’émoi dans le chuchotement, peut-être y a-t’il même de la reconnaissance. Tout se meurt immédiatement aux souvenirs qui remontent. Il expire difficilement, sans cesser de le contempler.

Devrait-il l’accuser de ne pas l’avoir sauvé, devrait-il se répandre en horreur. Il n’en fait rien et se contente de serrer ses doigts quelques instants. L’éternel rappel du Nous qui existait avant. Merci de m’avoir ramené.

La résilience comme couronne d’épine.

Pour la première fois depuis longtemps, Cassiopée pris le temps d’observer celui qui hantait autrefois ses nuits.

Seraph était de ces humains étranges, dont on se demandait comment ils faisaient pour subsister ainsi. Il ne venait même pas à l’idée de remettre en question sa force ou sa puissance. Il s’agissait plutôt de se poser la question : combien de temps mettrait-il avant de s’effondrer ?

Cassiopée n’avait pas encore trouver réponse à cette question.
Pire encore, il s’était effondré avant lui.

Nous avons perdu. Et c’était le pire à encaisser ; savoir que leur duo était faillible, que même leur lien d’adelphe d'armes était à protéger. Ils avaient trouvé plus puissant qu’eux et avait été défait. Je n’ai pas mal Seraph. Les syllabes de son nom lui évoquaient leurs nuits de vagabondages.

Il l’observa encore un instant et expira doucement. Il ne prit pas la peine de lui demander comment il allait. Seraph ne répondrait pas ou pire mentirait. J’aurais aimé ne pas faillir ainsi. Je suis désolé.

T’es un putain d’emmerdeur aurait-il voulu articuler.

Un emmerdeur à rester dans ta gloire d’empereur, à te vouloir meilleur, à te vouloir intouchable. Dans son pseudo linceul, il voudrait lui crier :  je t’ai destitué Seraph, regarde moi et sombre comme j’ai sombré. Il aurait voulu lui montrer les fissures qu’il a créées dans son armure , et comment dans sa douceur il avait empoisonné son myocarde, l’avait ensorcelé avec une haine passionnelle.

Mais Cassiopée était de ces résilients qui acceptent sans détour les défauts des autres.
Et les font un peu leur pour se pardonner.

Aussi, il se contenta de lui sourire.

Certes. J’avais oublié ton point faible. Le rictus éternel qui revient déjà contre la façade, il se demande si tout sera de nouveau pareil. L’ondulation de la Brume contre son crâne lui fait comprendre que non.

Je veux tuer l’Hydre. La condamnation sans appel qui tombe, la langue claque contre le palais. Mais je n’y arriverai pas en face à face. La brûlure de la rage qui surgit dans l’or de ses prunelles, il fixe Seraph et l’observe. L’Hydre est à nous et à personne d’autre. Il désigne les couleurs de Spartes, que l’on peut voir à travers la fenêtre. Fait le savoir à tes frères, toi qui trône parmi eux. Qu’ils ne la touchent pas. Je veux les têtes de l’Hydre, toutes ses têtes sans aucune pitié ni aucune merci. Nemesis me doit bien cela.

L’ancrage dans leur monde se fait par leurs doigts noués, par l’interlude qui les épargne. Cette aube là, elle leur appartenait et ils la magnifiaient. Dans la cascade de lumière, ils sculptaient peut-être un nouveau départ, ou le tournant d’une histoire sans fin.

Cette fois-ci se posait la question de qui aurait le cœur anéanti en premier.

Seraph devrait d’abord se rendre compte que son palpitant existait toujours, soumis au joug des émotions. La tâche de Cassiopée devenait plus complexe à mesure qu’iel respirait. Iel devait se convaincre que malgré la mort qui serpentait, son histoire était à écrire Oui, je veux me venger. Nemesis aurait aussi bien pu dire ses mots.

L’or en fusion brillait avec une détermination mortelle ; pourtant Seraph vint presque éteindre la lave de sa douceur rare. Cassiopée prit le temps de contempler la beauté de son visage. Tu n’auras pas à porter mon corps sans vie, non, je vais lui tendre un piège, trouver un moyen de le défaire. je sais que cela n’a pas la grâce des héros, mais au Diable les conventions.

La rage qui brûlait, la rage qui pulsait rendait sa descendance Chtonienne évidente. Je m’approcherai au plus près de lui, et lui trancherai la gorge et te porterait la tête comme un signe de mon triomphe.

Cassiopée se tue, la passion exorcisée de son sang. Je prends ton leg, Seraph, je serais une main incontrôlable, mais une main meurtrière sois en assuré.

La promesse arrachée sur les lèvres d’un roi mourant, l’attention se disloque en des milliards de parcelles ; à l’image de ce que son corps avait subi quelques aurores plus tôt. Restait comme pont vers le présent, leurs paumes s’effleurant.

Iel ne dit rien pendant un moment, coupant la silhouette de Seraph dans ses prunelles, l’immortalisant dans l’or brillant.  Dans cet instant, dans la renaissance qui fuit ses paupières, dans le cœur qui pulse, iel ne pense qu’à eux. …

Le je t’aime sur le bout des lèvres ne fait que s’écouler par leurs plaies. Il l’a privé de son contact, ils se sont privés de leurs émois.

Comment l’ont pris les Spartes ? Comment va ton royaume ? La grimace qui remonte son nez perclus de tâche de rousseur ne cache pas l'intérêt qu'iel porte à la réponse, trop conscient de la valeur qu'avait Seraph et de l'importance dont iel entretenait son prestige.

Tant mieux. La voix couturées d’élans inconnus, dans les profondeurs du ventre les nœuds se font et se défont. J’aime contempler ce que tu as construit et ce que tu entraînes. Il se redresse finalement face à lui, se hisse à demi couvert par les couvertures qui dissimulent son corps perclus de nouvelles cicatrices.

Sur la carnation pâle, on distinguait avec perfection les arcs de cercles monstrueux qui avaient arrachés des morceaux complets de son être. Tu as un don pour le Chaos, Seraph. Cassiopée se tait finalement, peut-être a t il enfin décidé de cesser de s’offrir, de le charmer.

Alors à la place, iel tend son attention sur celui qui apaisait ses journées et ses nuits. Tu pensais à moi ? Perce dans la voix une vibration plus fine, l’image d’un bonheur indiscret. Je te l’avais promis après tout, que tu ne pourrais m’oublier, que je ferais en sorte de toujours te hanter.