Elle lui parle. Les mots qui échappent à tout sens ; lancé dans une hallali, venant frapper la cervelle pour transformer l’humain en un simple marasme. La Brume était un monstre pire que Duke, si ancienne que parfois Cassiopée se demandait s’il n’entendait simplement pas la trame du monde.

L’idée s’était infiltrée en lui, doucement et sûrement à tel point qu’il prenait peur à l’idée même de tisser à travers le Néant. Il n’avait pourtant pas d’autre choix que de s'entraîner.

Au milieu de nul part, il écoutait simplement ce que la brume avait à lui dire. Il se pliait à ce jeu de plus en plus souvent ; jusqu’à perdre le décompte des nuits et des jours ; jusqu’à faire Un avec la Trame de l’Univers.

C’est le craquement de la branche qui réveille son attention et l’attire à nouveau au sein de son corps. Je sais que tu es là. La fermeté de la voix est un vague indice de son taux d’agacement. Abel. Je reconnais la pesanteur de tes pas.

Il se redresse finalement de son carré d’herbe, venant épousseter son pantalon. Que puis-je pour toi ? Tu semblais bien déterminé à me trouver cette fois-ci.

Si l’indigent se vêtissait d’une peau humaine, elle revêtirait les atours d’Abel. Il y avait chez lui le flegme de ces jeunes gentleman, découvrant les aspects suaves de la discussion. Cassiopée ne put s'empêcher de voir son agacement fondre à l’instant même où leurs pupilles se croisèrent ; et c’est sans un soupir qu’iel se rassit au sol, invitant son compagnon à faire de même.

Je n’aime pas être surpris dans mes exercices. fut la présentation de ses excuses. Iel se pourvut d’un demi- sourire. Je… M’entraîne avec la Brume. A l’utiliser. C’est pour cela que je m’éloigne, car je n’aime pas que l’on me voit ainsi comme ça. Iel s’ouvre quelque peu, délivre une bribe d’information ; une manière d’accepter l’évident Mysticisme qui s’attachait à sa peau. Et maintenant car j’aime bien la luminosité des arbres, je peux jouer avec l’ombre. C’est plus simple tu sais, d'obscurcir, le monde de faire disparaître la lumière. poétique en un sens, tu ne trouves pas ? La voix qui s'essouffle, iel s’étire comme un chat, venant courber l’échine pour en offrir la saisie.

Assis toi Abel, je ne vais pas te manger. J’ai volé un pouvoir de l’hydre pas pris son goût pour les hommes… quoi que. Le rictus qui se veut moqueur et conquérant se fendille instantanément. Iel n’était plus capable de tenir les apparences. Et oui, j’ai entendu la forêt, mais je t’avoue que mon attention est dispersée, alors dis-moi ? Que dois je entendre ?

Je n’aime pas quand tu fais ça.

Les ailes d’un sourire se déplièrent le long de la carnation. Couronné d’or, on lae voyait dire je sais sans même qu’un mot soit articulé. Rare était ceux à aimer la Brume, encore moins à s’y plonger sans retenue. Excuse-moi Abel. Les syllabes de son prénom roulèrent comme une sorte de défi autant que d’invitation. Tu as raison. Il y a tellement de choses dedans qu’il semble impossible de la comprendre. Parfois j’ai peur de m’y perdre. C’est pour ça que je m’entraîne ici, je pourrais disparaître avaler par ses filaments sans causer de torts.

Iel avait déjà acquis la possibilité de perdre contre cette étrange engeance.

La question suivante le pris de court et iel lui fallut le temps d’arracher quelques brins d’herbes. Il y a quelque chose de réjouissant à te voir t’intérésser à de telles choses. Un enfin était dissimulé dans le ton de sa voix, comme une menace sous-jacente de ne pas recommencer une bataille. En effet, j’ai pris mon poste en 2020. Quand j’étais ambassadeur, les accords allaient et venaient sans qu’aucun groupe clairement établie ne soit formé… Iel observa avec attention la brindille entre ses doigts, s’amusant à la plier pensivement. Mais c’est assez récent qu’on voit un détachement se faire. il est clair que les gamins des trois grands ont toujours décidé mais c’était peut-être plus équilibré.

Iel se tut un instant, se redressant pour s’étirer avec la grâce de félin qui le caractérisait. De mémoire et des archives, certains groupes se sont formés au fur et à mesure que nous voulions sortir désespérément de l’île. Un craquement se fit entendre plus loin, lae faisant se taire immédiatement.

Pourquoi t'intéresser à cela maintenant ? Te serais-tu décidé à t’investir ? Il y avait dans le timbre une pointe d’ironie.

Dis-moi Abel, quand cesseras-tu d’être composé d’accusation ? Discuter avec toi me paraît bien long parfois, je n’ai pas la composure d’un avocat et je ne cherche pas le sourire du juge que tu incarnes. Dans le timbre se joue les délicates notes de l’amusement. Cultiver son agacement, s’était s’assurer de le voir continuellement agité ; de le voir fuir ses pas et fuir sa stature pour mieux revenir le charger avec véhémence.

Cassiopée s’autorisa à le quitter du regard pour observer les alentours. Iel comprenait le mal-être qui naissait chez les pseudos aventuriers. Les bois semblaient bien loin de toute vie, coupés de toute civilisation. L’homme n’avait la place que de proie, à peine capable de se hisser en haut de la chaine alimentaire.

Tu n’arrives pas à m’écouter, pourtant tu viens requérir des discussions, me somme de répondre à tes questionnements. Pire, tu t’autorises le jugement si le sens de mon Verbe ne convient pas à ton imagination. Mais très bien, je vais me prêter à ton jeu.

La nature sembla se prêter au changement étrange d’atmosphère, épaississant les traits des arbres et rendant tamisée la vibrance des pigments pour amener une vision précise sur Cassiopée et sa gestuelle. Iel paraissait alors à sa place dans le tableau naturel ; bien loin de l’humain désintéressé qui se dressait là quelques instants plus tôt. Je pense que Spartes et Olympiens devraient s’occuper de plus intéressant que leurs jeux stupides de pouvoir ; nous pensons contrôler notre monde mais dépendons de la bonne volonté des Dieux et cela ne m’étonnerait pas qu’un jour nos parents viennent nous rappeler que la Paix ne dépend qu’eux. Je veux croire à Nausikaa, mais d’abord, il faudrait qu’elle vienne de nos mains, d’un vrai rassemblement. Hors, si nous continuons de vouloir imiter les D.ieux, nous n’iront pas bien loin.

Il se tut un instant, les mains perdues dans l’herbe dont il arrachait les brins un à un sans sommation aucune. Je pense sincèrement que nous pourrions vivre en communauté, mais il nous faut des règles humaines ; ne cherchons pas à être l’allégorie vivante de nos parents.

Immortel dans son attitude, recueillir l’accord d’Abel cisaille d’étonnement sa stature. La chlorophylle sillonnant ses empreintes, iel se permet un regard scrutateur vers son benjamin, oeillant le visage cruel pour en découvrir une quelconque défiance. Il n’y avait cependant rien d’autre que leur accointance déjà suspecte qui ellui suffit à sourire tendrement. Mon avis est important et mieux encore, je recueille ton accord. Est-ce là la manière de Némésis de faire rouler son éternelle fortune ? Iel expira sans sommation, en décompression à la tension qu’avaient déroulées cette discussion et la simple présence d’Abel.

L’étudiant le forçait à aborder un masque de guerre continuel, de ceux qu’iel n’extirpait rarement, fait d’une suffisance rageante et d’un mystère assez imposant pour repousser les aventuriers. Et en observant Abel ranger le désordre qu’il avait causé, Cassiopée eut un demi sourire.

Aussi, le masque abandonné, Cassiopée s’allongea dans l’herbe, s’étirant de toute sa longueur, le rire sur le bord des lèvres. Parle Abel, dis ce que tu aurais aimé, dis ce que tu désires et peut-être que tu sauras dessiner la voie pour y arriver.

Iel ne se redressa pas à la continuité de la discussion, au contraire, ses doigts fins saisirent le bas de la veste d’Abel pour l’attirer dans l’étreinte de l’herbe. Viens, regarde les nuages.

Loin perdus parmi les arbres, iels étaient deux hommes revenus aux prémices de la vie, au moment même où la glaise avait pris vie sous l’impulsion divine. Dans ce jardin bien loin d’Eden, iels n’auraient pas dû se prélasser. Regarde les nuages, ils semblent bien anarchiques, pourtant, on sait maintenant qu’ils répondant à un schéma qu’on leur a implanté, ils fonctionnent comme ça parce que c’est scientifique, et la science, c’est ce qu’ils utilisent pour décrire le divin.

Iel se tut un instant. Je ne sais plus où je voulais en venir, mais tout ça pour dire, que nous les humains, nous connaissons le divin, et à contrario de la nature, nous pouvons en prendre le bon et le faire nôtre, nous avons le libre-arbitre je suppose. Alors oui, la Brume semble nous contraindre, mais nous pourrions en tirer profit, la tourner à notre avantage, elle qui porte les secrets du monde, elle pourrait nous faire construire une ville ouverte, ou alors elle nous rendrait tous fous et nous menerait à l’extinction. Il n’y a pas de risque sans choix, pas de révolte sans mort.

Iel attrapa son regard. Quel prix serais-tu prêt à payer pour obtenir ce que tu désires, Abel ?

Il n’y avait cette fois-ci, pas de Caïn pour l’empêcher.

Abel, tu es incroyable quand tu te destines enfin à faire quelque chose de ton talent. Le ton s’était fait mutin et incompressible. Cassiopée n’avait pas rendu son regard, se contentant d’observer les nuages et leur suffisance mesquine. L’adolescent devenu adulte n’avait jamais rêvé de voler, pas même alors que ses frêles jambes essayaient de porter son poid et qu’iel contemplait avidement le haut de New York accompagné de sa nourrice.

Trop amoureux de la terre et de la sécurité qu’elle lui apportait, Cassiopée aurait sans hésité arraché quelconques ailes déterminées à pousser.
Iel découvrait maintenant que la Chute risquait qu’en même d’arriver, l’emmenant tout droit aux enfers.

La question d’Abel lui arracha un millier de frissons et le força à se relever pour saisir le regard d’Abel, l’obliger à affronter la vérité en face. Abel, entends moi bien car je ne répéterai pas ces mots plusieurs fois. Il n’y aura aucun sacrifice de ma part pour la Brume, et je ne viendrais pas prendre ta vie, ton corps et ton âme pour quelques secrets.

Dans un moment de colère enfantine, iel aurait pu ajouter qu’Abel ne valait pas même la hauteur d’un sacrifice, mais su été mentir et Cassiopée essayait de ne plus s'emmêler dans ses mensonges. Pour ce que je désire, oui je serais prêt à payer un prix incroyable, mais ce prix s’arrête à la vie des autres, car qui suis-je pour couper le libre arbitre de quelqu’un ? La voix s’était peut-être un peu enflammée à l’idée qu’on l’accuse d’agir ainsi.

Iel repensa à Duke et se mordit la langue avec violence, venant se gratter nerveusement l’avant bras.

Ca remue dans l’ te. Nous sommes… fatigué.e.s d’être la cible des spartes, des coupes budgétaires et des accusations. Quant au rôle des Némésis dans la politique … elle est muselée, tout juste bonne à jouer le rôle d’épouvantail.

Cassiopée observa la canopée avant de finalement retourner à Abel. Alors, je suppose que bientôt ça va s’échauffer.