Naissance De passage aux États-Unis, Dunya Belov s’entiche un soir d’été brûlant d’Arès - une histoire comme tant d’autres sont gravées puis oubliées, et peut-être celle-ci aurait-t’elle dû être jetée au feu. Quelques mois plus tard, Dunya donne naissance à un enfant dont l’identité du père lui semble floue. Depuis longtemps déjà elle s’amourachait un soir, une nuit, sans jamais n’en attendre de suite. Mais ce ventre qui grossissait à vue d’oeil l’angoissait et la pression familiale lui força néanmoins de donner naissance à un petit garçon qu’elle nomma Miloslav. Puis, faute de pouvoir garder l’enfant et s’en occuper, le laisse à l’adoption. Jamais ne se serait-elle rappelée de ce Dieu qu’elle avait ainsi charmée.

— Comme si le destin se voulait rieur, c’est un jeune couple venu tout droit d’Amérique qui se penche au-dessus du berceau du jeune nourrisson. Les Kuznetsov finissent par adopter l’enfant après quelques démarches qui ne sont jamais bien longues quand l’amour est là. Quelques mois seulement passent et Miloslav devient enfant du jeune couple.

Enfance Miloslav grandit de bras aimants. Mais l’amour dit-on, est éphémère c’est pour ça qu’on en recueille les souvenirs tant qu’ils n’ont pas encore fané. Aujourd’hui dans le creux de sa paume, ce ne sont que des mauvaises herbes.

— Dans la cage d’escalier, sa mère hurle son nom. C’est la troisième fois qu’elle l’appelle et c’est la troisième fois qu’il l’ignore. Davantage inquiète qu’en colère, elle monte à l’étage chercher Miloslav et il répond simplement qu’est-ce qu’il y a ? - ça fait trois fois que je t’appelle. et comme si c’était normal oh. je n’ai rien entendu. Et quand l'événement se répète plusieurs fois, après les visites le diagnostic est formel ; Miloslav n’est pas sourd, seulement malentendant. C’est que dit le médecin, mais ça n’ira pas en s’arrangeant.

— Ce qui semblait n’être un rien se transforme en fossé gigantesque. Si Miloslav est rapidement équipé d’appareils auditifs adéquats, les relations avec sa mère se tendent. Ce n’est pas essentiellement de sa faute - mais il ne le saura jamais, car les problèmes d’adultes n’ont pas de sens aux oreilles des enfants. Quand Miloslav se noie dans l’incompréhension, c’est avec colère qu’il cherche sa voie. De son côté, son père s'en moque ; il place de grands espoirs en lui. Mais ses espoirs finissent rapidement par s'envoler, car Miloslav n'a rien de cette douceur qu'il promettait en nouveau-né.

12 ans Miloslav modèle les plaies de ce qu’il ne comprend pas en violence, comme si c’était naturel. Persuadé d’être la raison du moindre bémol du monde, il est un enfant bruyant, un enfant intense, un enfant brutal. Miloslav peine à trouver sa place auprès des autres enfants, il peine à s'exprimer, il peine à se faire comprendre. À ses yeux, c'est la faute des autres, et déjà jeune Miloslav s'offusque d'un monde qui ne veut pas l'accueillir. Mais quand s’éveillent enfin les premiers fragments de son sang divin, c’est au travers de la colère. La douleur physique elle, il ne l’a ressent pas - c’est pour qu’elle fasse plus de mal une fois sous la peau.

— Deuxième bilan qui survient quelque temps après, et son père se demande s’ils n’ont pas élevé un enfant maudit. Non loin de là, un satyre avait déjà repéré l’enfant. Avait déjà sermonné les parents - gentiment cependant, ce n’est pas un enfant maudit, c’est un enfant spécial. Et ils l’avaient oublié il n’est pas totalement leur enfant. La maison, il va l’oublier après des adieux silencieux, des adieux vides de sens. Peut-être qu’il aurait aimé entendre autre chose, peut-être qu’il s’attendait à trop de choses.

Nausikaa Guidé jusqu’à l’île, il trouve refuge chez les enfants d’Hermès - bien que son ascendance ne soit que très peu questionnée, il n’aura jamais eu l’honneur d’être réclamé par son père à cette époque. Et encore moins aujourd’hui, alors cette cérémonie à des teintes de pluie. Ici n’est pas chez lui, pour l’instant. Il n’est qu’enfant, il n’est qu’arrivant - il voulait un parent ; le voici à s’accrocher au vide.

— Miloslav trouve sa place, durement. Au camp, il voit les enfants d’Hermès s’envoler et la curiosité le ronge de près. Las de même trouver sa place, il ne se démarque pas - il est une ombre parmi les corps alors à quoi bon insister ? De l’autre côté, ses relations avec ses adelphes n’ont aucune saveur particulière - il se sent tellement détaché d’elleux qu’il n’y porte que peu d’attention.

21 ans Si aucun endroit ne ressemble à un foyer, il faut trouver quelqu’un qui y ressemble. Aux orbes qui ne se quittent pas et aux corps qui se cherchent, Miloslav répond et ça sera la seule fois, ça sera la dernière fois. Alors que les quatre murs dans lesquels il vit lui semblent presque invisibles, Miloslav comprend - il va quitter l’île en quête de sa mère, celle qui s’est amourachée d’un Dieu qui ne reconnaît pas sa valeur. Retenu par des bras aimant, sa décision ne change pas ; en compagnie de son compagnon de l’époque, Miloslav rentre à la maison. Il n’a pas idée que celle-ci n’a plus rien d’un foyer chaleureux dans lequel il a grandi.

— Miloslav trop honnête que ça le tuera peut-être, il s’énonce - son adoption n’a jamais été un mystère pourtant ce n’est que maintenant qu’il veut en retracer les sillons verglacés. Il veut savoir qui, il veut savoir pourquoi ; et si sa mère s’avance pour annoncer qu’elle l’y aidera, son père le contemple avec dégoût. Le regard jonglant entre les deux hommes sous son toit, il implose et Miloslav ne saura jamais pourquoi. Il se rappellera seulement de la violence, inouïe. Des mots durs, résonnant dans son esprit - son dégoût est une évidence pour Miloslav et il ne se demande que trop pourquoi. Peut-être qu’il n’était rien d’autre qu’un souillon sale, peut-être que c’était celui qui était à ses côtés. Mais quand Miloslav cherche une réponse, il n’obtient rien d'autre qu’un regard froid.

— Enragé presqu’autant que l’angoisse l’avait rongé, Miloslav ne revient sûr Nausikaa que pour faire ses bagages. Du jour au lendemain, il laisse derrière lui ceux qui l’ont recueilli et aimé, il laisse derrière lui cet homme qui avait la chaleur d’un foyer. Mais s’il n’avait sa place nulle part, alors il la trouverait lui-même. Sa destination pour la Russie et sa ville natale l’engage dans une voix qu’il n’oubliera jamais. Miloslav quitte Nausikaa, et personne ne l'en empêchera, personne ne viendra le chercher.

— Miloslav arrive à Saint-Pétersbourg dans le but de retrouver sa mère biologique. Il n’a presque aucun bagage pour s’y retrouver, et dispose du peu d’informations qu’on a bien voulu lui donner. Logement médiocre, il se contente du minimum, comme habituellement. Quelques jours après son arrivée, il reçoit un appel de son père, furieux. Idéalement, Miloslav fera mine de ne pas en être affecté, et répond en réalité tout aussi rageusement. Mais les mots le blessent et sont une motivation suffisante pour ne plus remettre les pieds à la maison, pour le moment. Peut-être pour toujours.

— Malheureusement après seulement quelques temps de recherches, il est contraint de les suspendre ; notamment à cause de son manque cruel d’argent - et notamment parce que ces dernières lui prennent plus de temps que prévu. Tout prête à croire que toute trace de son sang s’est volatilisée. Alors, Miloslav se démène pour trouver un travail, quelque chose de suffisant pour rester ici un peu plus longtemps que prévu. Il trouve finalement un petit travail dans une supérette qui lui permet d’être logé et suffisamment nourri. L’appartement en lui-même ne paie pas de mines, mais il reste fonctionnel. Il en oublierait presque son sang divin, tant il s’était bien plus accommodé du climat des Hommes. Au moins ici, personne n’attend rien de lui ; c’est lentement qu’il y trouve sa place, oubliant partiellement les fragments de son existence.

22 - 24 ans Bien qu’il manque d’avancée sur les recherches qui l’ont motivé à venir ici, Miloslav a malheureusement pris aux mots les paroles de son père et est certain qu’il fait mieux de ne pas rentrer. Alors qu’il trouve sa place ici, il rencontre Pavel ; et sa place semble être ailleurs. Consumé par les réactions houleuses de son père, Miloslav enferme les sentiments qui le hantent et les considère comme néfastes. Spirale infernale dont il n’arrive pas sortir, il repousse et terre tout ce qui pourrait le rendre plus sale encore. C’est évident - il ne peut pas être comme ça. Pas vrai ? Mais Miloslav se tue davantage en se contraignant. L’alcool l’aide à penser autrement, et à panser ; il s’attache à des corps qu’il ne désire pas le moins du monde, pour repousser ceux qui l’effraient.

— Deux ans à se terrer, lui et sa propre essence. Deux ans laissés, au départ pour chercher sa mère ; disparue. Inexistante. Un soir où l’alcool lui brûle le palais, Miloslav comprend qu’il n’a nulle part où aller. Il commence à regretter de ne pas avoir bêtement suivi le chemin présenté à l’époque. Pourtant, il ne se sent pas même plus divin qu'un humain lambda, et tout ça lui semble si puéril. Pavel, qui le suit depuis deux ans, le regarde couler. Mais il n’a jamais compris être sans le vouloir, l’un des principaux responsables.

— Après quelques années, il finit par la retrouver. Reconstruite sous un nouveau nom - une famille qui n’est pas la sienne Miloslav, à quoi pensait-il de toute façon ? Pourtant, elle l’accueille - elle lui parlera ce soir-là, elle s’excusera beaucoup également - mais peu importe. Si elle a réussi à cueillir cette vie là, il le peut lui aussi. Et le temps viendra, où son père le réclamera ; il ne doit pas vivre pour cet instant. Se sont quelques temps à ses côtés que Miloslav attendait plus que tout, mais qui finalement laissent son coeur plus vide qu'il ne le pensait. Miloslav se demande ce qui cloche, peut-être qu'il ne le saura jamais. Alors il ignore et vit, car c'est ce qu'il fait de mieux.

25 - 28 ans Miloslav retourne à Nausikaa, où il se plaît à Agôn District. Recommandé par un adelphe, il intègre la milice à Olympus District bien que peu dévoué autant à l’autorité qu’à la cause. Il n’y reste que quelques mois puisque malgré son obéissance, sa trop grande remise en question de l’autorité et sa haine pour tout ce qu’elle représente lui cause d’être mis dehors par ses supérieurs.

— Dans un désir de reconnaissance grandissant, alors qu’il avait assuré à Dunya de ne plus vivre à travers l’approbation de son père, Miloslav tente les cinq travaux pour intégrer le clan Sparte. Prétend qu’il deviendra aussi fort que ceux qui le complètent, il n’en est rien, ou presque. Après avoir multiplié les tentatives, Miloslav complète enfin la dernière épreuve. Il s’érige, plutôt fier - mais la fierté est de courte durée. Parce que dans sa réussite il n’a pas même attiré le regard de celui qu’il voulait impressionner - sa victoire se transforme en échec cuisant.

— C'est lors d'un combat qu'il force lui-même contre un de ses adelphes que les idées lui sont remises en place. Sa défaite est telle qu'il a bien du mal encore aujourd'hui à ne pas enrager en le percevant - mais une chose est sûre, il est plus brûlant que jamais. Arès peut bien ne jamais le réclamer si cela lui chante ; mais le doute persiste encore.

Aujourd’hui Après avoir oscillé avec les désirs et joué avec le temps, Miloslav s’est trouvé sous un jour qui lui est plus naturel mais pas moins tout aussi déconstruit. Tous les foyers de sa vie sont morts, ou bien les ont quittés ; peut-être au fond de lui espère-t’il avoir la chance d’en trouver un, peut-être un jour. Si cela n’est plus une nécessité pour lui, rien d’autre n’a plus de valeur à ses yeux désormais que sa propre liberté, cette indépendance qu’il s’est créée pour lui-même. Il reste cependant trop de fissures jamais guéries, pas même pansées - celle que le temps a étouffé mais qui sont toujours bien réelles.