Toi, t'es arrivé une demie-heure en avance. Pourquoi ? Parce que tu commences toujours tes séances à l'heure pile et que tu aimes arriver le premier sur place. Comme convenu, la salle n'est pas très peuplée le dimanche soir. De nombreuses machines sont vides, l'équipement est disponibles et les salles de cours sont désertes. Tu hoches la tête, satisfait, tu as horreur de travailler en période d'affluence. Tu t'approches du comptoir pour échanger quelques mots avec l'employé. Tu as tes entrées, ton passe, accueillir Leslie n'est pas un souci, on te dit que c'est ok et tu sais entendre derrière la gentillesse du personnel le "pour vous". Et tu dois avouer, Bellamy, que tu aimes ces maigres privilèges, ils sonnent comme une juste reconnaissance pour tout le travail que tu abats.

19h20, tu rejoins l'extérieur dans ta tenue de sport pour attendre Leslie. Pendant de longues minutes, ton regard passes de ta montre connectée à la rue, de la rue à ta montre connectée. Puis enfin, tu le vois. Ses cheveux un peu ébouriffé, son petit air lutin. Tu croises les bras, le hèle de loin.

— Leslie ! Je suis là.

Tu le laisses s'approcher pour le détailler de pied en cap.

— Je commence à penser que les entrevues lunaires vont devenir notre normalité. Comment allez-vous ? Prêt ?

Tu dois l'avouer, tu es impatient. En général tu fais ton sport seul, mais tu es curieux. Curieux de voir jusqu'où l'impertinence de ce jeune-homme va le pousser. Tu lui désignes la porte vitrée du menton.

— Suivez-moi.

Tu rentres vérifie en jetant un regard par dessus ton épaule qu'il te suit. Puis tu avances jusqu'au comptoir où l'employé se penche.

— C'est donc notre invité VIP m'sieur de Lioncourt ?

Tu tournes la tête vers Leslie.

— C'est lui. On vous à débloquer un casier pour que vous puissiez poser votre sac. C'est par là.

Tu le trouves un peu... Tendu. Est-ce qu'il est impressionné ? Mal à l'aise ? Finalement est-ce qu'il n'avait pas mieux à faire ? Très certainement, mais d'un autre côté il avait accepté et était venu. Tu ne lui avais pas mis le couteau sous la gorge, enfin, tu crois.

En silence à l'entrée de la zone des casiers, tu l'observes ranger son sac. Il finit par venir se planter devant toi, semble retrouver un peu de son impertinence. Tu baisses le menton vers lui, tout aussi amusé.

— Il est encore temps de fuir.

Tu attends quelques secondes avant de te redresser, visiblement satisfait.

— C'est par là, suivez moi.

Tu pénètres dans une allée de machine ou quelques clients profitent du calme pour faire leur session d’exercices. Arrivée à mi-hauteur, tu te tournes vers lui.

— Deux propositions. Si l'affrontement direct vous fait peur nous pouvons profiter des machines pour voir si vous tenez la distance mais- Non, vous allez préférer la seconde option c'est évident. Alors suivez moi.

Tu l'entraînes un peu plus loin jusqu'à une porte donnant sur une petite salle avec des miroirs. Quelques tapis sont rangés en pile dans un coin avec quelques ballons et autre matériel pour les différents cours proposés. Évidemment, à cette heure, aucun cours n'est donné. Tu chemines jusqu'au milieu de la pièce avant de lui faire face.

— Nous y voilà. Rassurez-vous, je n'irais pas fort.

Tu souris avec impertinence, fait appel à ta lévitation pour te surélever légèrement du sol.

— Enfin, pour ce que ça changera...

Purement provoquant. Tu lèves le menton, comme pour le défier.

— Je serais gentil, je n'utiliserais pas mon pouvoir de rythme cardiaque sur vous, concentrons nous sur une approche purement physique, voulez-vous ?

Trop gentil...
A ton tour de hausser les épaules dans une moue faussement conciliante. Légèrement surélevé du sol pour soulager ta jambe, tu ne t'attendais cependant pas à le voir charger aussi rapidement. Il quitte ton champ de vision en l'espace d'un souffle pour se retrouver derrière toi. Trop rapide, tu n'as pas le temps de te retourner que tu sens ses mains frapper ton dos et sa force te faire basculer en avant. Tu as le réflexe de rouler sur toi même, mais il n'empêche que tu heurtes le tatami et que la surprise ne t'as pas permis de te réceptionner au sol de telle sorte à pouvoir te lever aisément. Amer, tu lèves la tête vers lui.

— Je vois, vous versez dans la ruse.

Tu hausses un sourcil, te redresses à quatre pattes, pour te redresser légèrement sur tes genoux et te mettre face à lui.

— C'est malin de compenser votre manque de force par votre vitesse.

Tu l'endors de quelques commentaires sur son choix d'action et, alors que rien de tes muscles ne pouvait te trahir, tu pousses sur tes jambes, vif. Tu l'attrapes par la taille et le déséquilibre pour le faire tomber. Son dos heurte le tatami et tu enchaînes avec une prise pour le maintenir au sol, bloqué.

— Malheureusement, ne compter que sur vos pouvoirs c'est vous rendre vulnérable.

Tu mets un peu plus de force dans le maintien de ta prise. C'est avec l’intransigeance du professeur mécontent que tu lui parles.

— Vous baissez trop vite votre garde, vous comptez trop sur votre capacité à rebondir et improviser, vous en devenez de ce fait imprudent. Et surtout...

Tu te penches sur lui plus insolent.

— Vous avez du mal à vous concentrer, je me trompe ?

Et ce depuis qu'il est arrivé.

Tu ne réfrènes pas ni ton sourire, ni le pli condescendant qu'il finit par prendre à mesure qu'il s'étire. Tu aurais été un professeur terrible et médiocre, car ce que tu aimes le plus dans l'enseignement n'est pas tant de faire avancer ton élève que de le prendre de haut quand tu lui fais comprendre qu'il ne sait rien de ce qu'il pensait connaître.

— Vrai.

Tu souffles du nez, ça t'amuse.

— Vous êtes distrait, comme-ci vos pensées étaient ailleurs.

En guise de réponse, il t'indique qu'il ne sera plus en capacité de se battre si d'aventure tu continuais de faire peser sur lui son poids. Ton fronces légèrement les sourcils, ce qu'il dit est logique mais tu esprit lutte contre le fait que tu dois t’exécuter pour autant. Tu sembles réfléchir, ton regard, passe d'un côté à l'autre sans que ta tête ne bouge.

— Hm, pourquoi voudrais-je...

Mais il n'a pas tort. Et le but, c'est tout de même qu'il se relève, non ? Auquel cas il te faudrait rester penché sur lui. Tien, c'est vrai, tu es penché sur lui. Tu sembles prendre conscience de votre proximité. L'expression figée et indéchiffrable. Tu te recules, utilises ta lévitation pour reculer dans les airs rapidement et mettre entre vous un brin de distance.

— Je ne vous ai pas fait mal ?

Tu ne penses pas, mais te viens en mémoire un reproche que l'un de tes jeunes adelphes t'avait fait : tu y vas trop fort.

— Je ne sais pas faire les choses à moitié.

C'est autant craché comme une excuse que comme une fierté.

Et tu te fais de nouveau avoir. Décidément, il est agaçant avec sa vitesse. Le mauvais joué en toi résiste à faire appel à ton pouvoir le plus terrifiant. Tu ne connais pas Leslie, tu n'aimes pas l'idée de jouer avec le cœur de gens aussi facilement. Et surtout, tu ne veux pas lui faire peur. Aussi, tu ne t'impose que comme autre choix celui d'encaisser, tu manques de basculer en avant mais, cette fois, tu savais à quoi t'attendre. Tu roules sur toi-même pour te rétablir avec aisance. Tu passes une main dans tes cheveux, secoues la tête.

— Si vous continuez je vais finir par y aller sérieusement, Leslie.

Tu t'élèves dans les airs et fonces vers lui. On pourrait croire que tu vas attaquer par le haut mais au dernier moment tu te laissais tomber en bas pour le ceinturer par la taille et ainsi le foutre au sol une nouvelle fois. Penché au-dessus de lui, légèrement essoufflé tu glisses.

— Deux partout.

Tu ricanes, roules sur le côté avant de te redresser. Tu passes dans son dos, avant qu'il n'est pu se relever, lui fait au geste prêt le même coup que lui t'as fait. Mais avant qu'il ne tombe en avant, tu le rattrapes d'un bras autour de sa taille.

— C'est tout de suite moins marrant, hm ?

Tu le lâche, plus amusé que touché dans ton égo.

— D'accord, je crois comprendre quelque vous concernant : vous êtes du genre enfant terrible, hm ?

Tu as la naïveté de croire que ce jeu de ping-pong entre vous est bon enfant. Leslie te stimule et tu apprécies sincèrement ces brefs moments de liberté, d'autre chose, que vos échanges t'offres. Tu as appris à te détendre à son contact, à redécouvrir une partie de l'homme que tu avais volontairement oublié par la force des années. Tu l'as rattrapé pour jouer avec lui. Mais lorsqu'il se retourne et instaure une proximité entre vous qui te force à reculer, tu n'es soudain plus certain de jouer au même jeu que lui.

— Leslie ?

Tu n'es pas certain d'être à l'aise, pas certain d'apprécier. Tu recules de quelques pas, finit par heurter le mur. Acculé, tu fais la chose que tu sais faire le mieux, à savoir te redresser, te faire plus grand, parce que tu n'as jamais appris à ployer le genou.

— Qu'essayez-vous de faire ?

T'intimider ? Parce que ça fonctionne et l'idée que ça puisse être un de ses tours pour te prendre à défaut et te mettre sol t'agace plus qu'elle ne le devrait. Tu menaces, prudent.

— Je vous conseille vivement de reculer vous ne parviendrez pas à me faire tomber.

Tu es trop conscient de cette légère tension dans ton ventre, elle ne te plaît pas. Tu étais si à l'aise il y a une seconde et là ? Le son d'un battement de cœur en approche de la salle te fait paniquer. Sans contrôle de tes réactions, tu lui attrapes le poignet pour vous cacher dans l'espace entre la pile haute des tapis de gym et le mur. Tu es terrifié à l'idée qu'on vous surprenne, toi contre ce mur, lui si prêt sans comprendre nécessairement pourquoi. Tu te sens coupable, hors de toute logique. Quelques secondes plus tard on ouvre la porte, un des employés passe la tête, semble chercher des occupants du regard et finit par repartir en haussant les épaules et en éteignant la lumière derrière lui. Tu n'as pas lâché le poignet de Leslie.

Tu t'es caché comme si tu avais quelque chose à te reprocher. Ta réaction te rend folle, tu as agi par instinct et l'instinct n'est pas quelque chose qui trompe. C'est ridicule, c'est inexplicable, ça t'énerve. Tout ce qui est hors de ton contrôle t'énerve. La porte refermée et la plongée dans la pénombre, tu restes muet. Leslie est le premier de vous deux à réagir. Il retire sèchement son poignet de ta prise. Le poids de son regard t'est insupportable. Et lorsqu'il parle alors...

— Taisez-vous !

Tu te lèves d'un bond, tendu. Tu ne comprends ce qu'il se passe. Tu n'aimes pas ce manque de contrôle, tu n'aimes pas perdre pied, tu n'aimes pas que rien ne se passe comme il était acté que ça devait se passer.

— Tout allait bien jusqu'à ce que vous-

Vous quoi ? Qu'il vienne te draguer ?

— Tout allait bien jusqu'à-

Mais tu ne trouves pas les mots. Tu détournes sèchement le regard. Tu lui en veux, tu crois.

— J'ai sincèrement apprécié cette séance mais je pense qu'il est temps de la clore de rentrer chacun chez soi.

Tu es amère et perturbé. Tu n'avais pas remarqué avant qu'il ne te mette la tête dedans à quel point tu appréciais vos échanges et vos moments ensembles et a quel point ça t'énerve qu'on te les enlève. Mais tu aimes Diane. Tu as juré. Tu ne veux plus lui faire de mal. Tu l'aimes tellement, elle aussi.

— Je vais rentrer chez moi.

Tu tournes des talons pour gagner rapidement la porte, lâche.