Tu es né à 15h48, le 08 Avril 1994, à New York. Non pas que tu ne t'en souviennes, bien sûr. C'est ton père qui t'as élevé, mais tu n'as jamais ressenti le manque d'une mère absente. Inconsciemment, tu sentais sa présence, tu savais qu'elle veillait sur toi, bien avant même que tu ne saches la vérité, avant même que tu n'aies prononcé tes premiers mots.

Tu n'iras jamais nulle part. Tu ne feras jamais rien de bien. Tu es trop déconcentrant, déconcentré. Énervant et énervé. Tes professeurs ne supportaient plus les cliquetis constants de ton stylo quatre couleurs, alors que tu en pressais les couleurs presque machinalement. Tu ne supportais pas de rester assis sur une chaise à ne rien faire, surtout, ton attention refusait de se concentrer tant que tu n'avais pas une distraction pour t'y aider. Légèrement contradictoire, c'est vrai, probablement pour cela que personne ne l'a jamais compri ni accepté. Tu étais présent à chaque réunion avec ton père et tes professeurs. Ces mots qu'ils disaient, tu les entendais. Pourtant tu n'arrivais pas à changer. Parce que ce n'était pas des choses que tu faisais exprès de faire.

Ton père ne t'as jamais blâmé. Peut-être parce qu'il savait, parce qu'il s'attendait à ce qu'un enfant né d'une déesse ne puisse pas être totalement normal. Peut-être juste parce que sa loyauté et sa confiance irait toujours à son fils qu'aux paroles de personnes qui te dénigraient sans relâche. Heureusement, il était toujours là pour te redonner le sourire après ces rendez vous. Ce n'était que des formalités auxquelles vous étiez obligés d'aller. Toujours, il s'assurait que tu n'oubliais pas les trois principes de base. Numéro un, ton papa t'aimeras toujours, quoi qu'il arrive, quoi que tu fasses, quoi que tu deviennes. Numéro deux, tu es spécial, et ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Numéro trois, ton papa est fière de toi depuis le jour où tu es né, et le sera toujours, alors fais ce qui te rends heureux. Tu t'estimes chanceux d'avoir pu grandir avec un tel amour dans ta famille.

Vers tes sept-ans, vous avez déménagés. Ce n'était pas un petit déménagement. Vous avez quitté l'Allemagne, tout ce que vous avez toujours connu. Ce départ faisait suite aux recommandations d'une professeur, qui vantait les écoles et le système éducatif Américain. Enfin, ce n'était pas la seule raison, ton père avait aussi été promu à un poste bien plus important. Alors vous êtes partis. Toi, surtout à l'époque, tu aimais la routine, tes habitudes. Cet énorme changement, tu l'as assez mal vécu au début, lorsqu'il a fallut que tu t'adaptes. Il t'as fallut apprendre l'anglais. Tu es arrivé en milieu d'année, alors ton intégration fut compliquée. Heureusement au moins que les programmes scolaires Allemands ont de l'avance sur les programmes Américains, au moins, les cours où tu ne comprenais rien à cause de la langue étaient des cours que tu avais déjà suivis. Néanmoins, malgré les dires de ton ancienne professeure, l'Amérique n'était en rien différente, tu ne t'y plaisais toujours pas. Ce n'était pas pour toi.

Et un jour, il a débarqué, à la porte de votre maison. Au début, faisant semblant d'être un homme normal. Puis, alors que ton père refusait de le laisser te voir, il s'était révélé. Mi-homme, Mi- chèvre. Tu étais terrifié. Ton père, lui, fût surprit, mais pas autant qu'il aurait dû l'être. Il accepta même d'écouter ce que cet étrange interlocuteur avait à dire. Plus tard il te confieras qu'il s'était toujours douté que ta mère ne te laisserais pas complètement dans l'ignorance de la marche à suivre, que quelqu'un finirait pas venir pour te trouver. Il s'était longtemps inquiété de savoir si ce quelqu'un serait bon ou mauvais, alors évidemment, il avait été extrêmement méfiant avec le Satyre au premier abord. Mais la créature avait su apaiser ses inquiétudes. Toi, tu peinais à suivre. Ton père et l'étrange chose parlaient en anglais, toi, tu essayais de suivre, tu comprenais les idées les plus simples.

C'est ton père qui s'est chargé de t'expliquer les choses plus en détail. Tout s'était passé trop vite, du jour au lendemain, on te vendait une vie plus adaptée à tes besoins, une guidance qui pourrait bien être ce que tu avais toujours cherché inconsciemment, mais il te fallait laisser ta maison, encore une fois. Sauf que cette fois, ce n'était pas juste un pays que tu quittais. Il te fallait laisser ton père. C'était un peu humiliant de pleurer autant devant un être aussi mythique qu'un homme chèvre. Mais tu n'avais pas pu te retenir, après tout, tu n'étais qu'un petit garçon de huit ans qui ne voulait absolument pas quitter son papa. Au début, il n'était pas question pour toi que tu suives la créature. Mais ton père t'as calmement demandé de respirer un bon coup et d'arrêter de pleurer pour parler. Il t'as expliqué que tu n'étais pas un enfant ordinaire. Qu'au fur et à mesure que tu grandirais, il risquait de ne plus avoir les réponses à tes questions. Il ne voulait pas que ta vie et ton potentiel ne se retrouve bloqué.

Tu étais un peu jeune pour tout comprendre, mais tu avais saisi l'idée principale. Ton père voulait que tu y ailles. Plus que tout, tu voulais lui faire plaisir. Tu as accepté. Les aux revoirs étaient longs, la créature -qui tu découvris, se nommait Hector- avait presque dûe te trainer. Dès que ton père et ta maison étaient hors de vue, tu t'étais remit à pleurer. Si à l'époque tu étais partagé à son sujet, parce qu'il venait de t'arracher à ta petite vie posée avec ton père, tu te sentiras plus tard bien chanceux qu'Hector ait été celui à venir te chercher. Il t'avait réconforté du mieux qu'il pouvait. Avant d'arriver, il t'avait même refait ta queue de cheval correctement, et nettoyé le visage, pour cacher à quel point tu avais pleuré. Une fois arrivé, tu as momentanément oublié ta tristesse. Normal, tout enfant est émerveillé lorsqu'il découvre un nouvel endroit, surtout un aussi spectaculaire.

Puis la peine est revenue. Tu ne pleurais plus, mais alors que tous semblaient célébrer, tu ne parvenais pas vraiment à te sentir heureux. Finalement, tu avais même un peu peur. Et malgré tes tentatives, tu ne parvenais pas à le communiquer. Sans vraiment savoir pourquoi, peut-être parce que tu avais ressenti beaucoup trop d'émotions en une journée, tu as été frappé par un mutisme quasi total ce soir là. Plus tard, tu parvins à te lier d'amitié avec quelques personnes, qui t'aidèrent à améliorer ton anglais, qui s'assurèrent que tu t'intègres bien et que tu sois à l'aise à la colonie, mais ce soir là, tu étais encore complètement perdu. Au bout de quelques mois, les choses allaient mieux.

Puisque tu apprenais tout des mythes grecs, de l'intérêt de la colonie, des expériences des autres autour de toi, tout ce que tu ne pouvais pas comprendre avant et qui te laissais juste à te demander "Pourquoi je suis venu ?". Ton père te manquais, énormément. Mais c'était plus facile de l'ignorer, maintenant que tu te faisais des amis, une famille, et de t'introduire dans la vie de Nausikaa. Tu ne te sentais pas encore totalement à ta place, au sein du bungalow d'Hermès, mais tu devais bien admettre que de toutes tes tentatives d'écoles différentes, c'était de très loin la meilleure expérience que tu avais pu avoir. Malgré le gros manque émotionnel de ton père.

Un matin, sur l'année de tes 11 ans, tu étais sorti avec des amis pour aller au Lac à l'est de Nausikaa. Après une longue baignade, tu laissas tes amis profiter de l'eau plus longtemps alors que toi, tu retournais sur la berge. Allongé dans l'herbe, les yeux fermés, tu savourais les rayons chauds du soleil sur tes joues, lorsque tu as entendu un hoquet de surprise. Ton premier réflexe fut de te dire que tes compagnons étaient juste dramatiques. Sauf qu'en rouvrant les yeux, tu les as vus tous te fixer, les yeux ronds. Tu t'étais même demandé, sur le moment, si tu avais un troisième œil qui avait poussé ou quelque chose du genre. Mais c'était une tout autre chose. Au dessus de ta tête, brillait le symbole d'Aphrodite. Tu venais d'être revendiqué. Pourquoi à ce moment là, tu ne le sauras sans doute jamais. Mais alors que tu laissais parler ton excitation avec tes amis, tu avais remarqué quelque chose. Tu t'étais allongé à l'ombre. Cette chaleur dont tu profitais n'était pas celle du soleil.

Le soir même, il a fallut dire au revoir au Bungalow qui t'avait accueilli pendant trois ans. Ce n'était pas les aux revoir les plus durs de ta vie, après tout, tu bougeais littéralement au bungalow d'à côté. Rien de dramatique, et puis, tout le monde se connaissait. Mais tu n'aurais pas pu imaginer à quel point tu te sentirais mieux avec tes frères et sœurs. Le bungalow semblait plus chaud, plus confortable. Cette nuit là, alors que tu t'étais endormi, tu pensais à ton père, avec un sourire. Je l'ai fait, papa. J'ai trouvé ma place.

Au fil des années, tu as grandi, tu as changé. Tu as beaucoup changé même. Si tu avais toujours été un peu turbulent dû au manque d'adaptation des écoles classiques, tu avais toujours été un enfant plutôt calme et réservé. Cet enfant là, ce n'était plus toi désormais. Tu apprenais à t'affirmer, ton caractère se modelait. Plus honnête, plus extravertie, plus provocateur, sans jamais aller dans les excès. Tu étais même plutôt bon élève, si l'on oublies les multiples punitions que tu recevais à cette époque. Faut dire que si tu ne faisais jamais rien d'assez grave pour risquer une sanction sévère, tu avais fait les 400 coups en termes de petites bêtises. En même temps, l'enfance et l'adolescence, c'est un peu fait pour ça, non ?

Tu venais d'avoir 18 ans. Tu te souviens encore des joues rougies de la demoiselle, alors qu'elle t'expliquait ce qu'elle ressentait pour toi. Ce n'était pas la première fois que tu faisais face à ce genre de situation. Tu avais eu quelques relations, des petites amourettes de jeunesse qui ne duraient quasiment jamais longtemps. Mais tu n'étais pas du genre à forcer la chose lorsque tu n'étais pas intéressé. Alors il t'arrivait de rejeter. Peut-être que tu manquais un peu de tact, peut-être que tu étais trop honnête. Peut-être juste que leur réaction était le fruit d'une petite peine de cœur couplée à l'éloquence et la stupidité d'adolescents. Toujours est-il que certains ont dû mal le prendre, car du jour au lendemain, il te semblait entendre ton prénom murmuré à droite à gauche.

Il t'as fallut quelques semaines pour comprendre. C'est un ami à toi qui a craché le morceau. "C'est à dire que... Apparemment, t'utilises tes pouvoirs pour faire en sorte qu'on te fasse des confessions et que tu les rejettes parce que ça te donne l'air populaire. Ils disent que tu fais ça pour booster ton égo. Je sais que t'es pas comme ça, mais j'espère que c'est pas vrai, parce que ça craint comme comportement..." Tu avais voulu rire tant c'était stupide. Cela aurait pu être pire, tu n'étais pas forcément harcelé, et après avoir bien réassuré tes amis de tes valeurs et de tes mœurs, la majorité ont oubliés cette histoire.

Mais finalement, cela t'as quand même impacté. Tu sais que certains ne te croient pas. Si ce n'était que cela, à la limite, tu passais facilement au dessus. Ce qui t'énervait vraiment suite à cette histoire, c'est qu'en conséquence, tu réfléchissais beaucoup plus qu'avant. Trop. Tes relations amoureuses étaient remplies d'incertitudes et de doute quand à leur sincérité. Tes rejets de confessions non partagées étaient devenus beaucoup plus doux, hésitants, quitte à ce que bien souvent la personne pense que tu lui laissais une porte ouverte. Tu te disais à l'époque que ces doutes te quitteraient après quelques temps. Ah, si tu savais.

Tu avais 19 ans lorsque la grande nouvelle est arrivée. Les portes de Nausikaa ré-ouvraient. C'était un rêve devenu réalité pour toi. Avec l'ouverture des portes, une nouvelle tradition avait vu le jour, et tu ne manquerais pas à ce passage. La première sortie. C'était ta clé vers la vie d'adulte. Évidemment, tu étais stressé. Tu avais beau avoir essayé, absolument personne ne parlait de cette fameuse épreuve. Alors, tu te décidas à attendre une année de plus avant de demander à la passer. C'était plus par stresse et par peur de l'échec qu'autre chose, mais tu aimais te dire à toi-même que c'était juste plus intelligent de bien s'y préparer en amont. Même s'il te faudrait attendre un peu plus longtemps, tu pourrais revoir ton père. Cette promesse était suffisante pour toi. Tu n'as jamais été autant déterminé.

Bientôt, tu atteignais les 20 ans, et après t'être entrainé sans relâche pour espérer être fin prêt à affronter toute éventualité, tu as demandé à passer l'épreuve de la première sortie. Si tout le long de l'épreuve, tu avais l'estomac tordu par le stress, une fois passée, tu ne pu t'empêcher de rire un peu. Un an de préparation pour devoir faire une chasse aux trésors. Tu devais admettre que c'était bien pensé de leur part, la stratégie de garder le silence complet pour pousser l'appréhension marchait à merveille !

Dès ton épreuve passée, tu t'es précipité à New York. Enfin, le lendemain en vérité, parce qu'après l'épreuve, tu étais complètement exténué. Comme il te l'avait promis avant que tu ne partes à l'époque, il n'avait pas quitté New York. Il avait promis d'attendre ton retour. Lorsque tu l'as revu pour la première fois en onze ans, tu avais l'impression d'être redevenu l'enfant de huit ans qui ne voulait pas quitter son père. Vous avez tous les deux courus pour vous enlacer, tous les deux pleurés à chaudes larmes. La seule chose qu'il te manquais dans ta vie pour la penser quasiment parfaite en l'état, était de nouveau accessible. Tu ne pouvais être plus heureux.

Vous avez parlé pendant des heures durant, bien que même ça ne soit pas suffisant à rattraper toutes ces années. Bien sûr, tu ne l'avais pas complètement perdu. Vous parliez, lorsque ton rainphone acceptait la communication. Mais entendre une voix à travers un écran était bien différent d'enfin pouvoir l'entendre de vive voix. Les rares échanges grâce au rainphone n'avaient jamais suffits, tu avais toujours eu l'impression d'avoir perdu ton père lorsque tu étais parti pour Nausikaa. Mais c'était désormais de l'histoire ancienne. Vous pourriez vous voir plus souvent désormais, passer du temps ensemble. Tu étais rentré au camp le cœur léger, ce soir-là.

Par la suite, tu décidas de rester un peu plus longtemps à la colonie, juste le temps de réfléchir à ce que tu voulais faire désormais. Une mince envie de rejoindre ton père à New York s'était évidemment installée, mais en discutant du sujet avec lui, tu t'étais décidé à rester à Nausikaa. Tu t'y sentais chez toi, tu y avais tous tes amis, des gens qui te comprenaient, une seconde famille. Et tu pouvais aller voir ton père quand tu le souhaitais. Tu t'es donc installé à Olympus District, te trouvant un petit boulot pour te lancer dans la vie active, le temps de réfléchir à ce que tu souhaitais vraiment faire. C'est lors d'une visite à ton père que les choses ont changés et que tu as trouvé ta voie. Alors que vous buviez un café, on t'as abordé, te tendant un prospectus. Un casting pour découvrir les futurs visages de la ville. Ouvert à tous, mannequins débutants comme confirmés. Tu avais hésité, après tout tu étais plutôt petit en taille, tu ne pensais pas que tu pourrais faire carrière dans le milieu. Mais le casting n'avait pas d'exigences là-dessus, alors par curiosité plus que par réelle ambition, tu t'y étais rendu.

Ce jour-là, tu t'étais senti à ton aise, comme ci tu avais des années d'expérience derrière toi. Les maquilleurs et coiffeurs qui s'affairaient autour de toi et les autres venus, les photographes qui flashaient en continu, les regards qui semblaient analyser tout de toi, tu avais adoré. Tu n'étais pas le seul, il semblait que les organisateurs avaient aussi aimés ton profil. Alors tu avais continué, posant pour au début, des publicités, des petits magazines, pour les réseaux sociaux. Après tout, se faire un nom dans ces milieux là, ça prend bien souvent du temps. Il a fallut tout de même quelques mois avant que tu ne te fatigues de devoir rentrer jusqu'à Olympus District à chaque fois que tu avais un shooting sur New York. Alors avec l'argent que tu avais gagné de tes contrats, tu as décidé de te prendre un deuxième appartement, situé au cœur de la ville. Ainsi, tu pourrais rentrer chez toi à Nausikaa entre les périodes de travail, lorsque c'est plus calme, et tu pourrais également avoir un chez toi à New York, où rentrer après les soirées et évènements.

Ta carrière connait un véritable coup d'envol lorsque tu es invité à un grand évènement de mode. Ta montée des marches sur le tapis rouge n'est pas passée inaperçue bien que tu ne sois pas encore parmi les plus grands noms des invités de l'évènement. Ce fut tout de même un grand coup de publicité pour toi, ce qui résultat sur des contrats bien plus importants, bien plus prestigieux. Plus les années passées, plus tu augmentais en popularité, à ton plus grand plaisir. Aujourd'hui, ta vie est tout ce que tu aurais pu souhaiter qu'elle soit, misère romantique à part. Tu profites du présent, incertain de ce que l'avenir te réserve. Tu te dis que, si demain ta beauté te quitte et l'âge prend le dessus, tu devrais avoir déjà assez d'argent de côté pour pouvoir finir ta vie convenablement. Ou alors, tu miseras sur la barbe pour te donner un côté plus mature. Après tout, dans la sphère des célébrités, un homme qui vieillit est souvent vu comme un homme qui s'embellit, aux yeux de certains.