Naissance Les moires avaient jeté son dévolu sur la cité de Toronto pour accueillir le nouveau-né prénommé Henry. Sa mère, veuve depuis quelques années déjà, élevait seule ses deux enfants, dont le petit Henry était le cadet. Leur demeure, nichée dans une banlieue pavillonnaire sans âme, ne faisait qu'accentuer la tristesse de leur situation.

2 à 4 ans Les jardins verts et monotones qui s'étalaient à perte de vue ne laissaient transparaître aucune singularité ni aucun éclat de personnalité, comme si la vie avait été subitement vidée de tout sens et de toute couleur. Henry éprouve des retards considérables par rapport aux autres enfants, rencontrant des difficultés notables dans l'apprentissage de la lecture et de la parole.

5 à 6 ans L'absence de son père avait laissé une empreinte indélébile sur Henry, dont le cœur brisé était en quête constante d'amour et de reconnaissance. Mais sa mère, aveuglée par la tristesse de sa propre perte, semblait incapable de lui offrir l'attention et l'affection dont il avait tant besoin.

Au lieu de cela, elle portait toute son affection sur la grande sœur d'Henry, laissant le garçon avec un sentiment amer de rejet et d'injustice. La jalousie et l'envie de plaire à sa mère le rongeaient, poussant Henry à s'approprier une étiquette mentale, celle de devoir être le meilleur en tout.

7 ans Malgré la douleur que lui infligent les cordes du violon, le jeune garçon continue de jouer, déterminé à exceller dans l'art qu'il aime. Même si le conservatoire est épuisant pour un enfant aussi jeune, il n'en a cure. Enfin, il a trouvé un moyen de rendre sa mère fière de lui. Pour la première fois, il sent qu'il est sur la bonne voie, qu'il suit les traces de sa mère et que son travail acharné finira par porter ses fruits.

8 ans L'échec était amer. Pour la première fois, il avait participé à une compétition, mais les résultats n'avaient pas été à la hauteur de ses espérances. Personne n'avait prêté attention aux bleus qui parsemaient ses épaules, sur ses bras, les cernes, témoins silencieux de son acharnement à s'entraîner tard dans la nuit. Peut-être que les adultes savaient, mais ils ne disaient rien.

Sa sœur aînée régnait en maîtresse incontestée sur les terrains de sport et faisait preuve d'une aisance déconcertante dans toutes les matières scolaires. Tout semblait lui venir naturellement, sans qu'elle ait à fournir le moindre effort, alors qu'Henry se battait sans relâche pour chaque victoire, chaque réussite.

9 ans Le vase, brisé sous l'effet de la colère maternelle, jonchait le sol en mille éclats de verre. Les paroles cruelles de sa mère résonnaient encore dans sa tête, lui reprochant presque sa propre existence. Les mains couvertes de sang, Henry ramassait les morceaux avec difficulté, comme pour tenter de recoller les fragments.

Malgré son succès en tant que premier violon et ses nombreuses victoires, Henry ne pourra jamais combler le vide qui habite son cœur. Quelle que soit la reconnaissance qu'il recevra, quelle que soit la perfection qu'il atteindra, il sait que cela ne sera jamais suffisant.

10 ans Lorsque l'attaque a frappé, tout s'est métamorphosé en chaos. Les cordes des violons ont vibré sous les coups de l'Ordre du Lotus, semant terreur et destruction sur son passage. Sa grande sœur, venue l'attendre après son récital, gît désormais inanimée au sol. Il est devenu l'ultime soliste, celui qui doit porter la flamme de la musique, pour toujours.

Pourtant, il n'y a pas de mélodie dans son cœur. Les actions s'intensifient, tout s'accélère, et il n'a même pas eu la possibilité de dire au revoir à sa sœur, emportée trop tôt par cette tragédie. Un satyre l'a pris sous son aile, l'emmenant dans un camp où il devra apprendre à survivre dans un monde de plus en plus chaotique, sans jamais oublier les accords qui le lient à sa passion.

11 ans Malgré la perte de sa sœur, il ne laisse transparaître aucune émotion, gardant une expression stoïque. Les yeux dans le vague, il se laisse guider jusqu'au camp où il est accueilli avec un violon entre les mains. L'instrument réconfortant et familier semble apaiser sa confusion et son désarroi.

C'est alors que son père le remarque et le réclame presque immédiatement, impatient de voir son fils jouer. Les doigts du jeune homme caressent les cordes du violon, produisant une mélodie délicate et émouvante. Il se perd dans la musique, oubliant pour un instant la douleur de sa perte.

Et pour la première fois depuis longtemps, il se sent aimé et apprécié. Le regard des autres est posé sur lui, admiratif, et il ne peut s'empêcher d'aimer cet effet d'être au centre de l'attention. C'est un moment de répit dans la tourmente de sa vie, où la musique devient un refuge pour son âme tourmentée.

12 à 15 ans Parfois, il laissait son esprit dériver vers le destin de sa mère. Mais il évitait d'y penser trop souvent, car la douleur était trop vive. À la place, il s'immergeait dans la compagnie de ses nouveaux amis, de ses nouveaux camarades, des personnalités aussi variées que fascinantes. Adolescent sportif et sociable, il s'entendait aisément avec les autres demi-dieux. Il s'était rapproché des enfants de la guerre, de l'amour, et de tous ceux qui cherchaient à se faire remarquer.

16 à 19 ans L'influence de la violence sur l'esprit de Henry était profonde et indélébile. Il était convaincu que plus il se battait, plus il était aimé et admiré des autres. Pour lui, arrêter signifiait perdre la lumière qui brillait sur lui. Il était le soleil, un guide pour les autres. Prendre les plus faibles pour cibles n'était pas une mauvaise chose, c'était ainsi qu'ils devenaient plus forts, plus résilients.

Les pleurs et les supplications ne faisaient que renforcer sa conviction que la pitié était une faiblesse. Personne n'en avait jamais eu pour lui, alors pourquoi en aurait-il pour les autres ?

20 ans Les Olympiens, dérisoires et pitoyables, ne sont que des caricatures grossières du véritable Olympe, un monde mythique et majestueux, dont la majesté et la grandeur dépassent l'entendement humain.

Les égarés, ces malheureux égarés dans les méandres du destin, n'ont qu'à retrouver leur chemin, simple formalité au regard de la grandeur qui les entoure.

Mais pour les autres, ceux qui aspirent à s'élever et à éblouir de leur éclat, l'enjeu est tout autre. Ils doivent tracer leur propre route, trouver leur voie parmi les écueils et les obstacles, pour espérer un jour briller de mille feux.

L'arène étincelle d'une énergie brute, une force brute qui exhorte chacun à transcender ses faiblesses. Une fraternité, une famille choisie avec soin, qui s'entraide et se soutient mutuellement dans cette quête d'excellence.

Les spartes.

Les marques bleues sur ses bras lui évoquent quelque chose, sans qu'il puisse précisément mettre le doigt dessus.

21 à 22 ans L'arène ne lui suffit plus, un adversaire persiste à le défier à chaque pas. Un vulgaire bouffon, sans talent ni mérite, qui aspire à briller autant que lui. Non, cette scène n'est plus digne de lui. Il prend la décision de mettre un terme à sa carrière de gladiateur, en plein âge d'or, pour mieux conquérir l'amphithéâtre, cette scène colossale taillée sur mesure pour son talent.

De nos jours La brutalité s'insinue dans chacune de ses mélodies. Pourquoi se contenter d'une simple caresse de l'archet quand ses doigts sont faits pour marteler les cordes avec une énergie sans pareille ? Son jeu est violent, puissant, et peu à peu les jeunes s'en trouvent irrésistiblement attirés. La salle commence à se remplir de curieux, attirés par la promesse de sensations fortes que seule sa musique peut leur offrir.

Ils ne se doutent pas de son pouvoir d'envoûtement, ou peut-être le savent-ils trop bien ? Les foules en redemandent, assoiffées de cette drogue qu'il incarne à lui tout seul. Son père lui a légué le don de rendre les gens heureux, de libérer leurs émotions les plus brutes. Et ainsi, il y aura toujours un encore pour ses fans, ceux qui se déplacent pour lui, ceux qui l'adulent, ceux qui le placent au-dessus de leurs idoles les plus chères.

> Est-ce que tu es fier de moi, papa ?