La tête dans les cartons et les sacs, tu oscilles entre pics de motivations et flemme aiguë. La date n'a pas encore décidée par les Spartes et Ambrotos mais les fiançailles ont été annoncées au public. Hormis les Spartes, pas grand monde s'en inquiète au sein de l'Atè. Tu ne peux pas leur en vouloir Ezra ; ils ont tous et toutes autre chose à penser. Et toi, tu attends juste que ça se passe. Le seul auquel tu t'obliges à rêver c'est Midas. Midas Midas Midas...

J'arrive.

Tu fléchis les genoux pour te lever. Ton parquet grince, tu poses ton téléphone en équilibre sur le dossier du canapé. Quand tu ouvres la porte, c'est pour hausser les sourcils face à la silhouette présentée.

Blue ?

Tu ne t'attendais pas à le voir lui ; à vrai dire tu ne l'as pas vu depuis un moment. Blue est rarement venu jusqu'à ton appartement. C'était souvent à l'extérieur que vous vous croisiez.

Merde !
La dernière fois c'était quand ?
Tu repenses à votre baiser. Tu lèves un bras pour te gratter l'arrière du crâne, mortellement gêné par le fait qu'il ne t'ait jamais recontacté depuis. Dans ton système, c'était juste okay ; un énième échec dans la spirale des éternels rejets. Tu ne lui en voulais même pas.

Euh... comment ça va ?

Tu le laisses entrer.

Désolé c'est le bordel, je prépare mon déménagement.

Il a l'air tendu alors, un peu angoissé par le solennel de sa stature - tu lui laisses l'espace de s'exprimer.
Manques de tomber à la renverse lorsqu'il se déclare. Tu crois à une farce mais non. Ton coeur accélère, tu commences à transpirer.

Ah ! Oh... Hm. Euh... Blue. Je...

Tu te sens comme une immense merde.
((à la fois de le dévorer du regard ; à la fois de te sentir coupable, tu es engagé envers un autre gars))

Merde ! Blue, je suis désolé ! Je me suis fiancé.

Le silence gênant est inévitable. Tu ne devrais pas avoir honte Ezra, mais c'est plus fort que toi. Jamais personne (hormis Midas) n'est revenu vers toi. Tu te demandes, au fond de ton coeur, ce qui aurait pu se passer dans les prochains mois si Blue était venu un peu plus tôt - l'aurais-tu accepté ou te serais-tu accepté au peu que Midas avait déjà à proposer ?

Désolé.

Bafouillé sur le tas, tu te sens coupable. Tu espères égoïstement que l'échange ne va pas s'éterniser ; tu ne sais pas vraiment comment gérer ce genre d'interactions. D'habitude ça se résume à : tu essaies de t'imposer, tu deviens gênant, l'autre est gêné, tu repars la queue entre les jambes.

Midas. Midas Warren.

Face à Blue, fils d'Hadès (tout le monde le sait même s'il n'est pas revendiqué) ça sonne comme une offense. Les Spartes n'ont pas bonne réputation dans ce quartier.

Je sais pas si tu le connais...

C'est sûr, même.
Tout le monde le connait - et pas toujours (souvent) en bien.

Je suis désolé, tout s'est passé très rapidement. Il a demandé ma main et j'ai dis oui.

Ça parait lunaire. Pas que personne ne se risquerait à le faire habituellement (soyons honnête deux minutes) ; mais la probabilité pour que le bras droit des Spartes, amoureux transi des femmes, de l'alcool à flot, du bruit et de la liberté puisse s'engager avec un type comme toi. D'ailleurs...

Pourquoi ? Qu'est-ce qui t'a donné envie d'essayer ?

D'habitude les gens prennent mais très peu reviennent.

Tu te retrouves con. Comme tu ne l'as jamais été auparavant. Tu ne sais surtout pas où te mettre et si la déclaration de Blue te touche - elle te place dans une position d'inconfort où tu continues, malgré toi, de décevoir tes proches encore et encore. Alyss, puis lui. Il ne manquerait plus que Precieux se pointe pour achever de t'enterrer.

Tu vois la grimace se dessiner lorsque tu annonces que c'est avec Midas que tu vas te marier. C'est d'un ridicule ! Ils vont donc tous réagir pareil ? Tu t'en veux Ezra, tu te détestes mais tu feins la sympathie pour ne pas briser définitivement votre lien.

Ah... T'as ressenti...

Non non non il a pas le droit de te faire ça. Pas maintenant. Tu restes figé, déglutis ta salive bruyamment. Les joues un peu rouges.

Ouai on s'entend bien...

Tu baisses les yeux.

J'espère que ça changera pas et qu'on restera ami quand même.

Tu rentres la tête dans les épaules, un peu pour te cacher. Lui tournes le dos en espérant qu'il te suive.

Est-ce que je peux te servir un truc ? T'as fait tout le chemin et tout.

Pitié ne repars pas ausi vite que tu es arrivé.

C'est toujours aussi glacé, et ce malgré tes efforts pour détendre l'atmosphère. Tu ne ressens aucune animosité envers Blue pour ne pas te faciliter la tâche - il est comme il est et tu l'as toujours trouvé incroyable malgré sa franchise cinglante et son manque cruel de sociabilité. Tu n'es pas un modèle Ezra ; comparé à lui tu es juste un boulet. Tu lui tends son verre d'eau et restes appuyé contre le comptoir, à le fixer boire.

Voilà.

Tu voudrais disparaitre, Ezra. Te fondre dans la masse, devenir invisible. Malheureusement pour toi, Thanatos t'a affublé de pouvoirs plus terribles encore.

Ouai, dans son appartement. Il est plus grand que le mien et...

Et Midas n'emménagerait jamais dans l'Atè. Ça n'a même pas été une discussion - juste une évidence.

J'espère que t'es heureux.
Tu te racles la gorge.

Ouai, super heureux !

Ça sort tout seul et c'est ... pas assez subtil pour qu'on ne sente pas l'ironie.

Qui ne le serait pas, je veux dire ? Waw ! Se marier. La folie un peu non ? Je suis trop impatient.

Ok là t'en fais trop, c'est cramé. Tu fais la moue.

Il a été enlevé le mois dernier, je sais pas si ça te parle ? Tout Nausikaa sait alors. Un coup de son frère mais en fait non, on sait pas, bref. Quand il est sorti, il m'a demandé. Et voilà, j'ai dis oui.

Le mensonge est à peine crédible.

Toi-même tu viens à te questionner sur ta propre moralité. Est-ce que tu fais si peu d'effort pour mentir correctement parce que t'as besoin qu'on te plaigne ? Qu'on te voit comme une victime parce que ça a toujours été au travers de ce prisme qu'on t'a considéré ? Tu soupires, tu vois bien que Blue n'est pas convaincu et tu t'en veux de ne pas avoir fait mieux que ça. Tu veux pas attirer de problèmes à Emon et Simca. S'ils ont arrangé ça, c'est parce que t'étais leur meilleure option - ta soeur le sait, elle a vu comment tu regardais Midas à chaque fois qu'elle venait quand il était là.

J'AI PAS MENTI !

Son doigt à ton menton, tu relèves les yeux vers lui. Tu te sens à la fois tendu et intimidé. Pourquoi est-ce qu'il est aussi grand ? Tu te rappelles qu'il y a qu'avec les compensés que tu arrives à l'égaler.

... tant que ça.

Il recule et tu remets ton coeur en route. Tu ranges machinalement le verre d'eau (tu le fous sur l'évier quoi) et prends appui sur le plan de travail.

En fait, je sais pas comment ça s'est passé. Je sais juste que Midas a demandé ma main à Simca et qu'elle est venu me passer le message.

Ça a l'air un peu bancal.

Je me doute que ça doit pas forcément t'aider à visualiser...

Tu le contournes pour sortir de la cuisine. Tu allumes la lumière du salon et va t'installer sur l'accoudoir du canapé.

Je t'avoue que moi aussi je suis un peu largué.

Parce que Midas te l'avait dit : vous vous amusez bien tous les deux, pourquoi tout gâcher ?

Il s'installe contre le mur, tu sens qu'à tout moment il peut décider de partir et de te laisser là. Il aurait bien raison. Toi aussi tu prendrais la fuite dans cette situation. Il met le doigt sur des étrangetés dont tu es conscient, certes, mais que tu refuses d'intellectualiser pour ne pas accuser le coup. Alors quand il commence à dire que c'est bizarre tu t'empresses de l'interrompre.

Oui oui je sais, c'est pas commun. Mais il avait surement ses raisons ! Et des circonstances aussi, il venait de se faire kidnapper !

Non, ok. Ça sonne définitivement faux - même toi tu peines à y croire. Tu soupires, ça se voit que c'est lourd à porter, difficile à appréhender.

Quoi ?

L'idée de ne pas y aller et d'être la risée de tous... ça t'angoisse. C'est impossible.

Je peux pas, j'ai dis oui. T'imagines je me pointe pas à mon propre mariage ? Bizarre l'ambiance.

Tu te lèves de l'accoudoir pour t'approcher de lui, attiré comme un papillon vers la lumière.

C'est fait c'est fait je peux pas... je veux pas ! me dégonfler.

Et pourtant ça te pèse de le voir (peut-être) t'aimer sincèrement.
De le voir repartir expressément.
De le chasser involontairement.

Merci d'être passé, mec.

Tu ne lui feras pas l'audace de chercher la chaleur de ses doigts.

Ça me fait vraiment... tu vois quoi, ça me touche.

Pas très doué dans l'expression de tes sentiments.