ça l’avait rassuré qu’il intéresse, encore ;
comme si le tout New-York savait pour ces temps-ci.

pourtant Lazare est chaste, secret lorsqu’il s’agit de sa piété privée ; il n’oserait jamais ne serait-ce que souffler des indices à propos des cieux et du reste, des dieux surtout pas ; ou sinon pour en rire ! plaisanter, juste ça. il n’aurait, par exemple, pas idée de confier que parfois il offense, qu’il venait de faire pire ; ainsi personne sur terre ne pouvait se douter qu’il la piétine en traître, où qu’il aille récemment.

(ah- quand même -
quand même il a senti son cœur désépaissir, moins alourdi des craintes, dès lors où il l’a vu toujours tentant, son cœur ; qu’un client le contacte pour s’en payer un bout - même pas, s’en payer la présence - le confortait un peu à le revoir dehors ;
c’est qu’il est innocent ! à quelques yeux au moins) ;

alors il l’a joli, apprêté pour le soir.

Lazare au restaurant paraît fidèle à soi - frayant, c’est-à-dire, mais pas inabordable - habillé d’une chemise aux motifs vase Ming, son blazer et le bas quant à eux sont blanc cygne. il est inélégant comparé à lui d’il y a deux semaines, ou même rien qu’une seule ; est-il mort entretemps en plus d’être un sicaire. et les actes se voient. au moment de sourire à la réception : les fossettes se creusent en des joues amaigries, et son expression brille d'un vernis qui s'écaille ;
il se dit que par chance, Tom ignorait l’avant ;
que se montrer vivant après tout à sa table
ne le choquerait pas, normalement ;

seulement ça ne l’est pas, normal une fois ici.

à trois pas de vos chaises il te reconnaît, là, de dos l’assise très droite ; tu ne peux pas savoir mais ça fait tant de nuits qu’il cauchemarde l’instant ; la nausée l’y prend, vive. une seconde il en cille. c’est toi. et lui ; c’est vous, sans Tom ni un.e autre, c’est vous les meurtrier.ères et les délateur.ices, les vilain.es homicides ; c’est mentir que de croire, que c’est vous, toi et lui ;
ce n’est que lui l’honteux.
bonsoir, Dionne. enfin -
vous désolidarise.

c’est Lazare, cyanosé, qui s’assoit devant toi.

il n’est plus ta copie - depuis longtemps déjà - même s’il est tendre et jeune, le regard identique : au tien le sien se calque et s’interdit de tout. les mains qu'il pose liées sur la nappe sont propres ; presque trop.

vous voilà comme il faut, et il en revient mal.
au final il l’admet, je sais pas quoi te dire.
si ce n’est pardon.

elle n’était pas pour Dionne, cette courtoisie portée, elle était pour un Tom parmi cent autres Tom, esseulé sûrement comme souvent sont les hommes et donc, pas beaucoup regardant, inattentif même ; s’il t’avait su présente à sa table ce soir, il s’en serait passé ; plutôt vêtu de noir pour aller à l’instant.

au suivant, il se tait.

tout le temps des questions - les tiennes, ces importantes - il ne fixe rien qui ne soit pas ses mains. il se le doit, tu vois. il se doit de toiser les autrices de son œuvre, se rappeler à quoi elles ont servi, comment, ce qu’elles ont pu tenir, aussi ; elles ont tellement usé, ces mains, d’une lame et depuis de fil d’or et d’aiguille, pour recoudre les faits ; elles ont, au fond, reprisé la mémoire en piochant des lambeaux, suturés tous ensemble pour former un patchwork, une chimère d’images, tolérable à ses yeux et qui dit ce qu’il veut, qui lui dit moi je t’aime quand il croise un miroir. contrairement à toi. contrairement à tant.
il le sait à tel point qu’il triture la nappe, aimerait dépiquer ses ourlets et des bandes pour encore manier et retailler la scène ; faudrait-il un bâillon sur vos bouches à vous deux et sinon sous vos fronts pour ne plus assister - à Dionne qui découd l’imposture de Lazare, un mensonge à la fois - marque une pause

s’il vous plaît. soudain, prie la serveuse. il a penché léger pour affleurer son bras - n’y touche aucunement - la dévisage juste avant qu’elle ne vous quitte, confiant au passage, nous allons boire du rouge... un Côte de Nuits frais, et deux verres ;
merci bien.

son dos revient droit contre sa chaise, enfin, et lui non plus n’entame pas une bouchée du plat ; le ventre vide de tout y compris de la faim. n’y sommeille que l’écho - le réclamé par toi - tu jouais double ? je l’apprends. dès lors où la jeune fille vous délaisse à nouveau, qu’il vous assume en face. je pourrais demander à l’identique, pourquoi ? il sourit mais fané, sans un feu dans l’iris, t’a mandé pour la forme et n'attend pas d'aveux. de ta part, pas maintenant. ça viendra - il espère - d'ici là te confie :
je défraie mes choix, Dionne. je suis paria d’office - que l’on sache déjà ce que j’ai fait ou non, peu importe - je paye. j’arrêterai jamais de payer pour cela. il n’y a pas d’arrogance au creux de son discours, ni lamento du tout ;
c’est ainsi, il constate.

et toi ? est-ce que ça fait longtemps que tu devais payer ? croyais-tu t’en sortir innocente jusqu’au bout ? surtout, pensais-tu bien agir ? interrogé sincère, car lui l’ignore vraiment ;
suppose le concernant, moi, c’est ce que j’ai pensé.
un couteau dans la paume, des canines dans le cœur ;
à tous les moments clés j’ai pensé : ça me ressemble.

êtes-vous des monstres alors
ou peut-être qu’il se trompe ;

peut-être n’est-il qu’une moitié d’idole défaillante, bonne à rien si ce n’est à nourrir les pires ; pourtant il ne ment pas lorsqu’il rend l’évidence, j’ai toujours fait semblant d’estimer les Dieux.
j’ai fait comme si je comprenais - ou comme si je pouvais comprendre - leur existence, ce qu’elle implique ;
ce qu’implique le fait qu’on en soit les enfants ;
et j’ai vu Ange et je sais. j’aurais dû faire semblant de l’avoir en horreur. c’était la meilleure chose à faire - il s’interrompt,
se redresse à présent qu’on vous sert le vin ;
la serveuse amenant la bouteille lui montre, à goûter tout d’abord et Lazare te désigne - à toi de juger si le cépage va - pour finir sa phrase, il aurait dû haïr seulement - ça me ressemblait pas.

et toi, Dionne,
et toi ?

qu'est-ce qui ressemble ?
à Dionne.

ce n’est pas ça, vraiment, qui ressemble à Lazare - l’acte même du meurtre dans toute sa disgrâce, terriblement graphique, cette laideur qui suinte des plaies et macule à la fois les mains vilaines et l’arme dedans - ce n’est pas vraiment ça qu’il se démystifiait, en disant, ça me ressemble ; mais il préfère se taire sans parfaire sa phrase.

tu parles maintenant, et lui ne te découvre en rien ce soir-là. tu parles et tu lui restes la Dionne reconnue, honnêtement une femme abhorrant l’homme qu’il est. la Dionne honorée pour cette raison précise car elle est le symbole des femmes qu’il adore, face auxquelles il éprouve un amour paradoxe, d’ailleurs : une espèce de ferveur pratiquement fielleuse en fait, un zèle à contre-cœur pour ces femmes qu’il estime autant qu’il les jalouse parce qu’en étant elles-même, elles s’acquittent des dieux. toi, Dionne, tu es une de ces femmes. Lazare le sait si bien que tu ne l’étonnes pas à lui cataloguer ce qui vous dissocie, encore, à grandir le gouffre séparant vos deux vies - la tienne a toujours surplombé la sienne, en tout, à juste titre - tu vois ? il te toise pénitent comme avant ce soir-là, comme les cent précédents dont tu dois te rappeler - tu sais ? quand tu le dédaignais d’une manière identique après qu’il ait agi comme il est : comme un homme. indolent de surcroît.

tu parles et puis tu pensais qu’il avait agi comme cela cette fois-ci pour te nuire sciemment. j’oserais jamais, Dionne. il te l’a dit très bas, au suivant un silence enlisé dans ses songes. il te l’a dit comme s’il s’éveillait à l’instant, ta tirade ressentie fiévreuse - une rêverie, brûlante de malade - lui non plus ne mange pas. il digère pour l’heure les bêtes plurielles, recensées par tes soins - se demande distrait si tu l’y comptes un peu et si oui s’il tient tellement à l’entendre. certes, il a presque tué. surtout que c’était toi - ç’aurait pu être n’importe qui - mais c’est toi que j’ai vu au milieu de la foule juste avant de le faire, et donc, j’ai fait comme si c’était toi. il conscientise là, ce soir, le concept odieux d’avoir porté ta peau ; une seconde il en frôle la nausée colossale, son teint décoloré - se raccroche à tes mots pour calmer l’écœurement - le mot Ange spécifiquement si je le connais ? c’est pour lui que j’ai fait ça - c’est ce que je voulais dire - et toi, tu l’as aimé ? tu peux comprendre alors, saisir ça me ressemble, pourquoi l’on s’entre-égorge ? les monstres et nous, Dionne - ça nous ressemble, tu penses ? il te pose la question sans espérer l’accord. il te la pose au fond pour s’en dégoûter seul, à tel point qu’il l’élude et son regard avec - s’arme plutôt de son verre pour y noyer le tout - les lèvres au bord du vin, il conclue finalement ... je ne vais rien faire. que veux-tu que je fasse ? si ce n’est s’enivrer ou prier qu’on l’achève, il n’y a plus rien à faire.

mais alors c’est qu’il est - quoi ? trop immature encore ? trop un jeune garçon troublé d’un sang sacré - même pas un bel ichor puisqu’il découle d’un père-dieu de la débauche - et donc, c’est qu’il est incapable, atrocement inapte à tirer des leçons.

cela qu’il devait être pour accueillir la frappe de cette façon-là - tout de suite, quand ta paume et le blâme claquent d’un coup à sa joue - en méritant l’entier et rien à la fois, l’humiliation pleine et pourtant inféconde, sans plus d’effet sur lui que celui théâtral du verre lâché des mains qui tache et puis se casse. tu l’as couvert de vin et de honte en même temps, et quand même il demeure ignorant du sévère, la gravité sinistre qu’avait eu sa bêtise ; elle n’imprime nulle part sur les traits de Lazare, elle n’existe qu’en rouge éclaboussant au cœur comme s’il s’en rhabillait aujourd’hui de nouveau ;

seulement, son cœur est creux. d’ores et déjà mangé.
de ce fait ton grief y dégouline en vain et sur ce
tu t’en vas tandis qu’il reste inerte.

ah… forcément qu’il y a de la vie en-dedans - des battements transis, des souffles étranglés - forcément qu’après toi lui se ressent des choses qui tendent aux regrets et au mea-culpa ; mais elles sont si frivoles, ces choses ! si romantiques ! toujours - et triviales avec ça les vagues à son âme - elles se fichent des lois, des enjeux politiques, de la fresque grandiose dont elles causent la ruine ; elles se froissent à la place de bisbilles bien plus simples, des humeurs nicodèmes et propres à son âge ;
Lazare a vingt-six ans, et sa détresse aussi. elle est verte et s’ensuit d’une enfance sans foi, dépeuplée des adultes autant que des idoles. tu disais qu’elle pouvait s’exprimer différente, autrement qu’en lardant le dos d’un sénateur - tu disais tellement faux ! elle n’avait que ce geste ! l’action du couteau planté à la folie, dans un corps patriarche, au nom du premier ange.

mais enfin si tu veux. il n’a qu’à payer, oui. la serveuse lui vient pour éponger sa blouse et Lazare décline poliment, non merci. paraît-il impassible lorsqu’il s’attarde un peu à la table salie, comme un amant grondé : il n’admire personne, s’accoude où c’est trempé. négligeant la pagaille, il se permet d’ailleurs de terminer ton verre tant il y est paisible.

après ça l’addition et le voilà sortant, assailli sur-le-champ par tes auspices et toi - tous mauvais, tous à lui - et s’il enfreint le moindre tu le crèves, c’est vrai ? tu le tenterais presque à rejoindre les rangs - collaborer - pour quoi ? cette alliance à laquelle tu faisais allusion, elle n’a jamais traversé l’esprit de Lazare. un instant, il te toise - se déporte au suivant d’un pas en arrière - à l’issue de l’écart ses épaules reposent tout contre la façade, la posture flâneuse ... c’est ce que tu comptes faire. sans point qui s’interroge. tu comptes visiblement fondre à l’ombre des monstres. tu ne m’encourages pas à me livrer moi-même ? je pourrais. je l’aurais fait peut-être, s’il n’avait pas livré ses tripes auparavant - nourri son ange avec - malgré tout il est tôt, assez pour te sauver, peut-être qu’on te pardonnera si tu me dénonces. sûrement, même. et vraiment. tu comptes faire le pire. tu as perdu la tête ? toi aussi - il expire, pas un rire mais son spectre - sous-entend que tu mens par omission, Dionne ; il suppose et sinon tu as perdu la tête.

les phares des voitures filantes lui brouillent la vue, comme des lambeaux de soleils liquéfiant l’œil - ou bien ce sont tes mots, brillants dans leur souci, et d’une sollicitude si fortuite qu’elle brûle. quoi qu’il en soit Lazare désespère de te voir, tout comme il peine à toiser l’avenir en face - d’un embarras obscène parce qu’il dépend de toi, de ta réputation sacrifiée bassement pour que la sienne se passe de justice divine - il n'est digne de rien. le sait pertinemment. la repentance lui colle sirupeuse à la peau de la même manière que le feraient les eaux, rouges et denses du Styx, en recrachant son âme ;

il le tue de penser qu’il t’admire y plonger, complice de ton bain puisqu’il ne t’empêche pas, puisqu’il se tient sagement debout à la berge et convient de se taire quand bien même tu te noies. une seconde il voudrait te tendre ses deux mains - qu’elles te servent de prise et te sauvent ton sort - et sinon te suivre. il voudrait te prier allons nous vendre ensemble, ou alors, allons-nous-en tout court, Dionne, tant qu’aucun dieu ni monstre n’est au courant de l’heure. ça peut être la nôtre. pour toi l’heure d’enfin te montrer indolente, partisane du moindre effort pour les autres, et pour moi celle d’avoir un esprit rationnel comme il se doit afin d’élaborer nos fugues. je les ferai lointaines, et jolies si possible. une seconde il voudrait vous faire l’échappée belle.

oh, pardonne-lui l’air absent ! c’est qu’après cette seconde la suivante est sur terre, affreusement lucide et donc vide d’éclat ; tu vois, si le discernement se trouvait une couleur elle serait l’émeraude des iris de Lazare, ce vert même décati par autant de bon sens.

quand il bat finalement tous ses cils plombés il s’enlève le voile qui troublait son regard, recouvre ton image sans plus de nébuleuses - tu lui reparais nette, pratiquement graphique - il lui semble fixer un calvaire ambulant. c’est une chance que j’ai, tu dis ? c’est ce que tu crois m’offrir. mais le terme est maladroit, Dionne, admets-le. tu sais que je vais songer à toi tous les jours ? c’était déjà le cas. et tu vas t’en aller, sur ces mots d’à l’instant, et ce sera encore pire. j’y songerai pire encore jusqu’à la fin des temps. il n’est pas tu comprends en train de t’accuser ; simplement il constate l’étendue du fardeau maintenant qu’il le sent, et le scrute, et lui parle - c’est toi, sans être de ta faute sa croix portée c’est toi - pourquoi tu ne viendrais pas ? avec moi je veux dire, quitte à traîner la faix où qu’il prenne la fuite Lazare se ressaisit et l’invite à peser - toute entière s’il lui plaît ! - s’il te plaît, toi, réfléchis-y vraiment tandis que la nuit s’égraine à grande vitesse d’ailleurs si tu y tiens Dionne c’est un au revoir, là, tout de suite et personne ne saura qu’on s’est vu. promis. mais si tu viens ? je te mènerai à Ange, avec ou sans lui même je trouverai un moyen - du moment que tu viens, je ferai de mon mieux - adressé d’une traite ses yeux dans tes yeux, tu ne peux pas me faire croire qu’il n’y a que ça, que ce choix où tu te brades, toi, pour la bonne cause, tu ne peux pas lui faire croire cela en sachant que l’égoïsme existe, l’infamie également - en fait tous ces vices des jeunes gens de sa race - oublie-la pour une fois, ta charité gracieuse, altruiste et sagace, la bonne cause et viens, très innocent qu'il mande, in fine ... pourquoi pas ?

il a comme des flashs de lucidité fausse en même temps qu’il t’entend désassembler l’invite - mal offerte, il sait bien, et bancale à tel point qu’elle s’écroulerait seule - quand même il te dément en pensées fulgurantes ;

si tu viens qui te dit que l’hydre jouera les hydres ? et les demi-dieux ses cibles des drames promis ? qui te dit ne viens pas si ce n’est toi à toi ? d’autant qu’au fond tu dis n’importe quoi, Dionne ; si tu viens ça ira ! des idoles comme nous il en meurt tous les jours ! alors pourquoi pas toi ? menteusement, tu vois, tu pourrais tout à fait disparaître soudain sans prévenir personne qu’on blâmerait les Moires, les astres ou le hasard, qu’on blâmerait même rien peut-être. on pleurera. un moment et c’est tout.

si tu viens c’est ainsi, et c’est absurde, aussi ;
est-ce si grave que ça ? il crèverait de te dire

non seulement il est tard, et lui n’y croirait pas. Lazare a son esprit assez salubre encore pour savoir très bien qu’il est grave d’aviser : rends leurs âme, et alors ? tu le détesterais, et lui pareillement ne pourrait plus se voir. il n’insiste donc pas, s’étrangle ce souhait-là et tous ceux ensuite, tous des souhaits immatures et trouvés dans ces films où voler une voiture vous arrange la vie. oublie sa cause, va - la sienne de cinéma - c’en était une mauvaise, trop impossible en vrai. en vrai les monstres durent non pas jusqu’à la fin d’une scène mais du monde, et s’en tirent toujours. en vrai ils vous adorent - parfois voracement - puis vous trompent, qui sait ? d’ailleurs il songe au monstre - le sien, aimé vraiment - et t’admet l’air vague, j’ai peur qu’il soit parti. Lazare s’étend si peu qu’il en omet son nom, comme absent au moment du passage d’un ange.

finalement tes derniers mots le tirent du rêve - esquissé à l’instant - aussitôt dissipé par les happy endings et quand bien même ceux-ci s’obstinaient en suspens, ils lui allaient pour l’heure. sa proposition, tu sais, c’en est une sans deadline. il t’a rendu son regard pour te préciser, en souriant maigrement. sur ce qu’il se résout à coucher ses yeux, un peu - comme pour s’habituer à ne plus t’y avoir - tout en cherchant ses poches où traîne de quoi écrire ; une carte de visite, d’abord, dont il raye les chiffres au stylo-plume ensuite. j’ai changé de portable. si tu es libre un jour tu n’auras qu’à m’appeler à ce numéro-là, l’encre est à peine sèche quand il te l’offre, tiens. tacitement tu te doutes qu’il n’y a pas d’attente, dans le geste immédiat, il n’y a que le choix et si tu veux tu peux déchirer son billet - puisqu’il est en papier, puisqu’il ne mène nulle part - c’est à toi, tu décides. et même si tu ne l’es pas - libre - tiens. si un jour l’envie de m’appeler te prend.