à défaut d’être sincères étiez-vous des menteurs jolis, embellis d’artifices, au fond comme tout ce qui peut être imposteur en ce monde : les illusions d’optique et les mirages divers, aussi certaines espèces de reptile et d’insecte qui, sous la bonne lumière, miroitent des couleurs folles. pour effrayer la foule et lui dire j’empoisonne Lazare s’est paré criant - habillé cher, tissus satin, à motifs délirants - son costume est taillé en des angles presque droits et lui cerne les siens dans les tons or massif, brodés géométrique. il le porte par-dessus une chemise de soie noire - assortie au chaos - et se déteste doucement de tant s’aimer dedans car, à peine arrivé, il a très chaud déjà ;

déjà vos pas vous mènent du côté des comptoirs, et lui s’y pose sans hésiter, du tout - comme partout - comme chez soi. accoudé sur le zinc l’air d’un roi de Saturne, c’est à peine s’il toise les venins en bouteille, te laisse choisir le vôtre puisqu’il te fait confiance. Sasha. se fiait-il trop à toi ?
les spotlights avaient beau te frapper prodigieux d’un éclat formidable qui te félicitait, Lazare te sait mi-divin, éternel qu’à moitié. quand même il compte sur toi comme on fait les idoles - ces vraiment immortelles - t’offre des confessions puis te traîne aux Enfers. il ne te cache rien, encore moins ces temps-ci. il t’a mis au courant pour son Ange au salon, mis en péril, peut-être ;

peut-être le dernier soir grisant d’anniversaire, vingt-sixième sans suivant, alors santés. plurielles, à la vôtre.

il te sourit - grand va de soi - tire la paille de son verre parce qu’il ne s’en sert pas. lorsqu’il porte l’éther c’est direct à ses lèvres pour en boire une gorgée puis deux puis trois, immenses. replacé après ça, son mojito champagne n’est plus que semi-plein. regards. le sien scintille aussi des lueurs de malice - quasiment maléfice - il s’anime à l’instant comme transi d’une décharge, penche gracile, te fait la bise charmante d’un ami sur la joue. ah merci mon Sasha, merci encore - il doit te parler fort pour percer la musique, et sa voix semble un rire quand il s’adresse à toi - je te fais des cheveux blancs et malgré ça, tu veux toujours bien qu’on sorte ! je te mérite, même ? il boit encore. la prochaine c’est pour moi. il est urgent que je paye, au moins pour quelque chose tu comprends ; le ciel me punit mal. il ricane, t’annonce tandis qu’il sonde la marée de noceurs, je veux qu’on danse ça c’est sûr - c’est juste obligatoire - je veux…
son souhait en suspens, une seconde.
là qu’il revient te voir, soudain, terriblement allègre, oh tu sais ce que je veux ? qu’on joue à je-veux-que-tu… chacun son tour, comme à l’époque ! l’insouciante ou la sombre, tout dépend le point de vue - celle où l’on avait la tête à faire la fête, mais parce qu’on l’avait pleine de pensées à noyer - enfin, tu sais laquelle. il reprend sa boisson pour la troisième fois, la lève comme pour trinquer, Sasha, je-veux-que-tu finisses ton verre avant moi. c’est léger de la triche vu qu’il l’avait vidé pratiquement aux deux-tiers - il a conscience - se remet à descendre les liqueurs sur cela, sans te quitter des yeux ni se presser tu vois ; il t’accorde une chance de gagner.

à lui l’honneur alors,
et à toi la victoire ! première du soir nanti, résonnant au clairon de vos verres au comptoir. sa défaite est synchrone, cristalline et jolie ; goûte le sucre, aussi, acidulée comme un bonbon sali d’alcool. il a le cœur en liesse de t’écouter clamer, gagné ! pareil qu’aux temps gamins où les jeux sont gentils. mauvais perdant en rien, Lazare sourit sincère - laisse un peu deviner l’éclat blanc des canines - il aurait pu tricher, oui, vous saoûler tous les deux à coup de sortilège, seulement c’est pas fairplay. il-veut-que-vous fautiez sans les tours de magie.

il-veut-que-vous valsiez de la même façon - dispensés d’artifice - lorsque toi tu l’effleures en usant de tes dons ; il te le dit, d’ailleurs, ensorcelé ou non : ce genre d’invitation ça ne se refuse pas, tu sais, tu n’aurais pas soufflé quelques charmes à son sang qu’il répondrait ok. toujours ;
il te suit sur la piste.

elle est presqu’une arène, circulaire, noire de monde.

en son sein les noceurs font penser aux marées, hautes et toutes organiques : agitées à la rage s’échouant inlassable, brûlantes contre vos corps comme s’ils étaient la plage. tu l’y mènes, ta main tenant sa main, et vous semblez ensemble à des baigneurs de nuit. dès lors parmi les vagues, Lazare vient plus près - risette miroir aux lèvres, ses avant-bras se posent au creux de tes épaules - puisqu’il vous faut danser pour exaucer ton vœux, Sasha, dansons diablement ! toi qui donnes le rythme, d’abord, lui s’harmonise sage ;

la foule parait un cœur battant des gens en vie,
sa cadence assortie palpitant les tempos.

en-dedans la débauche pulse bellement folle, à chaque temps frappé : des paumes se lèvent au ciel ou s’accrochent à d’autres, et des doigts s’entremêlent ou sinon vont frôler, touchent les visages voisins, sont passés aux cheveux ;
quant à ceux de Lazare ils finissent à tes hanches.
la chanson change - c’est à son tour - lui qui guide vos pas. il a manqué de rire au moins trois fois déjà, s’amuse beaucoup de vous ; dansons toujours, Sasha ! je-veux-que ce souhait soit infini, je crois ; ah, c’est à moi je sais… et je sais qu’aujourd’hui c’est un anniversaire, le mien sans-souci - quand même je dois t’avouer - léger ployé vers toi, la voix près de ta tempe :
je-veux-que-tu me dises si les choses vont trop loin.

il ne te parle pas de la fête et sa fièvre, tu comprends ?
il te parle de celle vous dévorant discrète,
dissimulée chez lui, dont tu es au courant ;
il te regarde et là, tu m’as compris, Sasha ?

dans ce cas il s’éclaire - la prière d’à l’instant oubliée soi-disant - te confie la nouvelle, au lieu de toujours je-veux-qu’on danse encore. comme si de rien n’était.