le dos courbé tu feuillettes quelques papiers tachés d’encres qui forment de sales mots ; de quoi véhiculer, mon dieu, un ennui ! tu passes, grossière, ta main sur ton visage pour tirer ta peau hâlée, sauver tes yeux émeraudes de la fatigue mais rien n’y fait — tu bailles, râles, creuse dans ta chaise un petit cocon pour espérer y trouver assez de détente pour apaiser cette crise de neurasthénie qui se moque joyeusement de tes émois.

quand la porte s’ouvre, soudaine, et sans qu’on ne lui autorise à le faire.

ton regard s’élève, prédateur. tu pourrais bouffer le premier qui met un pied sur tes lieux sans y être invité. mais c’est samael.

ça chauffe tes joues, t’invites à sourire. tu restes silencieux, le regard amoureux, quand il fait sa vie sur ta propriété comme s’il avait les clés de la bâtisse.

une question et tu ris, avant que tes dents ne pincent ta lèvre inférieure. samael.

« je le sais mais je ne suis pas sûr qu’elle apprécie qu’on se serve sans sa permission. »

dénué soudainement du moindre épuisement, tu t’amuses en une fraction de seconde. rien à foutre que leta puisse s’énerver d’apprendre que ses affaires traînent comme des stylos qu’on échange contre quelques bonbons ; tu n’auras qu’à fermer tes oreilles et prétendre qu’elle est si belle pour que l’on te gronde d’autre chose.

« pas sûr non plus qu’on puisse qualifier quiconque comme mes potes… »

bien des larbins et trop d’ennemis, en revanche tu as si peu d’amis pour fanfaronner. mais ça te plaît qu’on t’en octroie gratuitement.

« moi qui aime pourtant tant te regarder comme un ver. viens t’asseoir, montre moi où tu as mal. je serai doux si tu obéis. »

tu dépasses le contour de ton bureau, ta main glissant sur le bois avec bien trop de sensualité pour que l’on puisse t’imaginer aussi doux que tu le prétends. tu te tiens droit au milieu du meuble, appuyé dessus en attendant de pouvoir accueillir ce patient improvisé sur l’une des deux chaises qui, d'ordinaire, ne reçoivent pas des cadavres qui tiennent encore debout.

pauvre chose. sur ton tapis que tu apprécies plus que de raison, traîne le corps malmené d’un pauvre petit garçon et, tu observes son agonie comme un homme élégant qui se délecte d’un orchestre symphonique.

et pourtant on voudrait questionner l’utilité de chaque instrument. mais retirez un violoniste et toute la tension d’une partition sonne vide. alexander se réjouit alors, de s’habiller de la tâche d’un luthier pour retaper cet instrument à corde médiocre, qu’il puisse rejoindre la foule et faire chanter le monde.

dieu seulement ce qu’il est insolent. tu voudrais le saisir par la tête, le traîner au sol et lui faire recommencer jusqu’à ce qu’un peu de bon sens lui revienne, mais
tu inspires.

c a l m e.

« je t’excuse, samael. c’est vrai que je n’ai pas précisé la chaise. »

les dossiers de tes patients teintés de sang finalement tu y vois une certaine logique, quand bien même les questions budgétaires, elles, ne méritaient pas d’être froissés et salis. tu hausses les épaules, contient ta colère en étirant ta nuque.

tu remontes tes manches pour te sentir plus à l’aise dans tes mouvements, te retournant enfin pour faire face à ton patient improvisé.

« tu devrais te taire. »

une main vient en premier tâter sa poitrine, et à sa grimace tu te réjouis que ton ordre ait pu être suivi d’une douleur vive. tu récupères des ciseaux sur le bureau, afin de débarrasser samael du tissus qui couvre bien des coups. c’est un magnifique ciel étoilé d'ecchymoses qui te rappelle tant de chose. tu effleures un bleu, aimerait ressentir cette vieille douleur d’antan. tes yeux finalement se détache de cette vue particulièrement joli, pour chercher d’autres anomalies. il y a quelques détails qui sautes aux yeux, et tu te charges alors de sa main gauche. d’un geste brusque et sans prévenir, tu remets ses doigts en place, le sourire aux lèvres.

« chhh. je t’avais dit que je serai doux, pourquoi est-ce que je t’entends râler… »

tu pourrais en rire mais tu es trop concentré pour déborder si aisément. tu termines d’ausculter son corps avant d’aller chercher quelques poches de transfusion pleine d’un quelque chose transparent et de quoi piquer.

« tu ne vas pas mourir aujourd’hui samael. j’ai déjà quelque chose de prévu pour ce soir. »

tu exécutes ton travail de médecin, méticuleux, afin de réduire sa douleur. tu bandes ses doigts pour qu’ils restent en place et, hésite, une seconde, à lui casser la jambe. tes yeux lorgnent sur son genou droit, puis tu le caresses d’une main. à quoi bon ? tu inspires, comme deçu de ta propre retenue.

« la morphine doit commencer à faire effet. alors ! raconte moi ce qui t’es tristement arrivé aujourd’hui ! mais descend de mon bureau par contre. »

d’une main tu commences à vouloir le pousser, récupérant quelques papiers au passage.

dieu qu’il est bavard, penses-tu en t’executant, véritable médecin béni de trop de patience. quand il s’élève pour se montrer plus arrogant alors, malgré le fait que ses pieds peinent à le tenir debout, alexander tu lèves une main vers son torse, prêt, et mortellement amusé à l’idée de pouvoir le faire chavirer d’une simple pichenette sur son corps endolori…

et pourtant tu te retiens, te satisfaisant tristement de cette pauvre image qui restera fantasme dans ta tête. sa critique sur l’organisation de ton bureau n’est qu’une parole perdue dans l’atmosphère et tu penses juste au bordel que représente samael, quand tu récupères l’une de tes feuilles sur son dos — mais l’on se passera bien du moindre commentaire.

bien agréable et surtout dans l'optique de protéger ton bureau d'une nouvelle attaque, tu te penches pour saisir les épaules du dépravé et l'aider à s'asseoir sur l'une des chaises sans qu'il ne tombe à la renverse, déposant sa poche de morphine sur ses cuisses.

« alors donc tu as encaissé les coups pour défendre une fille d’iris ? » tu poses d’un côté les papiers qui auront besoin d’être réimprimés, de l’autre ceux que la tornade grey a su épargner. « quelle idée stupide. elles ont participé aux mêmes cours que nous tous, tu sais. en théorie, elles savent se battre. » et ce qui devait être une seule personne devient dans ta bouche comme à l'accoutumée, toute une généralité déconcertante : les femmes ne savent rien faire de leurs mains. « et qu’as tu de prévu alors pour être sûr que tu ne dois pas mourir ni aujourd’hui ni demain ? sache au passage que je dirai à leta que tu as tenté de piquer dans sa collection privée. » tu souris, machiavélique, et si tu pouvais remuer la queue comme un chien tu le ferais. « je dis toujours tout, à leta. » même tes secrets les plus sombres, déguisés d'un peu d'humilité et de retenue. « tiens ta poche en l'air samael, elle est presque vide. tu en veux une deuxième ? »

sans préciser le coût des soins oh samael pourrait même en quémander trois, cinq, sept ; jusqu'à ce que cela devienne mortel tu lui donnerais tout ce qu'il réclame pour te sentir si légitime, d'à ton tour, réclamer ton dû.

« oh oh, j'ai une idée merveilleuse. tu ne veux pas faire des examens ? j'ai envie d'embêter les infirmières. »

et de le dépecer un peu plus de sa monnaie.

la sale bête avoue ses idées sombres ; et alexander tu t’en nourris. ta tête se gorge d’idées folles, de violence et de sang, de scenarios merveilleusement glauques à en faire pâlir le plus tyrannique des vicelards mais ; c’est qu’on a jamais osé penser que tu puisses être aussi horrible, tant on trouve dans ta différence le goût du rire.

« c’est génial. »

tu te gardes bien de dire quoi, qui, comment, et pourquoi. l’homme abject que tu es ne survit que dans le secret ; tu te contentes d’offrir un sourire pour imager la beauté des visions qui ont égayées tes pensées.

mais il s’efface, laisse place à une grimace de dépit.

« tu-tu-tu. parle mal de notre fantastique leta et je t’arrache la langue. » ce n’est pas samael qui douterait de ta parole, ô toujours trop sincère. à croire que le mensonge glisse sur ta peau sans jamais parvenir à atteindre l’âme de tes mots.

tu a terminés de séparer en deux piles les papiers qui implorent ton attention, sans trop prêter attention aux jacassements du petit qui s’excite à penser qu’il puisse y avoir le moindre intérêt à fouiller en lui si ce n’est de gonfler les factures. bête comme il est tu penses qu’il pourrait bien passer 3 scanners d'affilée avant de penser que c’est un peu beaucoup... tu es tiré de ta pensée par le bruit de la morphine qui rejoint le sol, que tu cherches des yeux par-dessus le bureau.

sale gosse.
il parvient tout de même à énoncer une phrase qui te plait.

t’inciser, toi ?
oh oh.
ça t’excite d’y penser.

tu reportes ton attention sur lui, laisse un sourire déformer ton visage. que pourrait-on y trouver, si ce n’est, un peu de sang de chair et d’os ?

tu penses à pire. oh, tellement pire. samael est stupide. et toi tu es morbide.

« c’est une brillante idée, grey. allons donc me retirer un bout de chair, je sens qu’on devrait s’amuser. »

sans plus attendre tu quittes la pièce, laissant la porte ouverte derrière toi. tes pas son rapide, tu ignores les quelques personnes qui osent espérer capter ton attention — « le directeur est occupé, rigoles tu, entrant dans une réserve pour récupérer un peu de materiel.

de retour auprès de l’enfant sauvage, tu retires sans gêne ton pantalon, t'installant en caleçon sur le siège adjacent à au sien. tes doigts dansent sur ta cuisse avec la bétadine et les compresses, mais c’est à samael que tu demandes de réaliser le clou du spectacle.

« tiens. » tu lui tends un scalpel. « coupe, droit, et profond. sur cinq centimètres. vas-y. » prêt, tu mords dans un torchon, et tu n’as alors plus d’yeux que pour ta jambe bientôt mutilée.