Il va dévorer chacun de ses pas, soulignés par ses orbes écarlates ; il va dépecer chacun de ses dires, chacune de ses paroles comme il étreint entre ses doigts tout ceux qui lui résistent. Lui au sommet et les autres en offrande, lui au sommet du monde et les Hommes bâtisse de son ascension.
Ellui qu’il a observé jusqu’à connaître chacun de ses pas foulant la terre, écrasant le bitume de par son insolence ; manifeste écrasante de la suffisance de ces êtres qui le consternent, mais dont il apprécie la chair entre ses doigts, la chair écrasée, la chair offerte et le sang chaud - vermeille entre ses doigts et qui se creuse dans les balafres que les luttes lui offrent. Contempler la fausseté de ses traits pour se préparer à en arracher les méandres ; et il a hâte, Ashe de connaître la réalité - quel tableau de panique et d’effroi pourra-t’il discerner, sur ces traits qui n’ont pour habitude que de railler ?
Quand iel s’efface au détour d’une ruelle, Ashe sait que sa traque n’en est plus une ; à l’extrémité de celle-ci, il a déjà tissé sa toile, où résonnent déjà les rires et les complaintes. Jouer des mortels quand on ne pouvait se permettre de totalement les consumer était frustrant, mais une offre bien loin d’être négligeable - alors creusée au coin de ses lèvres une courbe moqueuse d’où les serpents persifflent le chant des morts et des ignares.

— J’ai cru que tu ne t’arrêterais jamais. Debout le titan, la silhouette découpée dans la lumière ; qu’il s’annonce juste à temps, juste avant qu’iel ne l’effleure d’un peu trop près. Parce que dès lors lui-même ne savait réellement s’il aurait été capable de ne pas déchirer ce derme aux éclats de lune. Tu as l’air de passer une mauvaise journée, et si je t’aidais à y remédier ? L’ausculte du regard, les iris qui sectionnent les arabesques de son visage que la lumière naturelle dévoile - ravi d’entrevoir cette même trombine qu’il a suivi des heures durant. Trop désireux d’en entrevoir les tourments.

Il veut dévorer mais hélas il n’y perçoit rien d’autre qu’un sourire luisant d’insolence qui lui est destiné ; et le Minotaure bien contrarié ne peut que s’avancer pour lae faire reculer. Dans l’obscurité de la ruelle étroite contempler sa silhouette de nouveau s’engouffrer, qui finira peut-être par dissimuler cet air trop suffisant de son visage. Et la politesse, il en rit Ashe, car pourquoi Diable devrait-il se suffire d’être poli quand il pouvait avoir tout ce qu’il voulait sans même demander ? Il n’avait qu’à tendre la main et le monde s’exécutait, mais pouvait-il réellement en vouloir à ceux qui ont le malheur d’être des ignares ?

— Ça m’arrive. C’est la chose que j’aime le moins faire. Il préfère quand tout lui est directement offert, à la manière des sacrifices à la manière des offrandes il veut n’avoir qu’à expirer pour qu’on lui donne, pourtant il devait avouer apprécier la chasse, la traque des mortels. S’habiller des couleuvres sanglantes pour chasser dans une nuit écarlate ; lui aussi sait se dresser et persiffler.
Et Ashe ignore les mots, parce qu’il n’a pas demandé de réponses finalement - parce qu’il l’a traqué pendant si longtemps qu’il pouvait en appréhender les réponses. C’était comme s’il lae connaissait seulement en l’ayant observé.

— Loin de moi l’idée d’être gentil. Et ce n’était pas une question. Au dessus de tout, le mal qui creuse les cordes vocales grondant ; et il se penche vers ce petit être Ashe, comme s’il était insignifiant. Dire qu’il avait suivi cette âme sans peine et d’insolence façonnée simplement pour se sustenter ; il ne pensait pas qu’en supplément il y trouverait un peu de divertissement.
Parce qu’il distingue sans scrupule sur le visage de l’agneau les fuselés d’un loup méphitique, à la scélératesse de son regard il répond pourtant, l’air bien plus vrombissant que celui avec lequel il s’était présenté. Tu n’aurais pas dû t’éloigner du troupeau. Car vous êtes tous pareil et ça l’ennuie ; mais dans la vivacité de son esprit peut-être cellui-ci n’avait pas la lassitude ferme de ceux qu’il avait précédemment dévoré.

Le sourire qui se craquèle et la malice qui s’enterre pourtant omniprésente dans ses réfutations, Ashe se doute que toutes les vipères ont beau avoir le sifflement facile, vient le moment où l’on doit arracher leurs crocs et alors c’est elles qu’on envenime. Il se sait particulièrement doué pour cela, mais c’est davantage car il a les poings massifs qui frappent et consument - alors le mouton pourra bien s’affubler de sa peau de loup si cela lui chante, car il n’existe pas de créature qui puisse lui résister une fois aux creux de sa main.

— Parce que j’aime le moins faire cela ne veut pas dire que ça me déplaît. Car sur l’immense liste, peut-être que prendre en filature quelqu’un n’est pas ce qu’il préfère - quand il a la traque dans le regard et la proie qui s’immole de peur, les plaies déjà ouvertes qu’il est gouverné par l’odeur du sang. J’ai bien plus à y gagner qu’à y perdre. Jamais il ne dissimulera sa nature véritable, encore moins lorsqu’il était si sûr de lui, Minotaure au galbe grossier qui s’étend lamentablement au dessus des vivants.

— Parce que tu crois que c’est cette langue bien affiliée qui va te sauver ? Car ceux qui persifflent finissent toujours par le regretter, il s’improvise comme directeur suprême de la chaîne alimentaire - s’érige au rang de dévoreur ultime ; pourtant il ne lui a pas même encore sauté à la gorge. Reste naturellement hissé au dessus d’ellui comme si c’était naturel ; et probablement que ça l’était car de là où il se trouvait, il admirait les traits qui se renversaient - ravi de les avoir façonnés. S’il était question de survie.. Sa main se pose avec indolence sur son épaule ; presque trop languissamment pour toute la violence qu’il contenait. Ashe n’était rien d’autre qu’un être crevant de violence, mais son contact trop sirupeux de fausse douceur le révulsait - il était né pour avoir les viscères aux creux de sa main.

— Je t’aurais déjà tué.e depuis longtemps, tu ne crois pas ? Et comme il peinait à retenir sa furie ses doigts se refermaient sur leur appui - mais il ne lae tuerait pas, pas maintenant. Car il faut toujours arracher la source corrosive et les névroses avant de consommer les chairs.

Les animaux et la violence, les hommes et leur animosité - ils n’étaient pas si différents après tout, et Ashe ne faisait pas exception. Seulement le loup à l’allure de brebis ne devait-il pas s’en douter aux premiers abords, car il n’y a rien de plus naturel que les Hommes pour se chasser les uns les autres. Pourtant, peut-être que s’iel se doutait de la nature inhumaine et sanguinaire de son interlocuteur iel ne se serait pas aventuré sur un tel terrain. Feindre l’innocence étant pourtant la plus belle façon pour surprendre sa proie, mais Ashe se doutait que sa couverture ne tiendrait pas indéfiniment.

— Les animaux n’est-ce pas.. Un éclat de rire silencieux, alors qu’il doit avouer trouver la comparaison sciante ; car peut-être l’avait-iel déjà deviné, au fond. Ça ne l’aurait pas surpris ; et son désir de consumer les uns le perdra un jour c’était certain, simplement ne pouvait-il pas se restreindre à laisser vivre les uns plus que les autres. Il était né pour ça, c’était inné chez lui - inné chez tous. L’Homme a une certaine animosité qui lui est propre, si c’est ce que tu veux dire. Mais en réalité il avait bien compris Ashe ; dans la lueur audacieuse de son regard iel semblait avoir parfaitement compris ; l’être suspendu au dessus d’ellui n’était pas réellement le meilleur exemple d’humanité. Pas même une courte définition - une déconstruction probablement.

Pourtant si calme, pourtant si confiant.e que ça en devenait insupportable - au contact de leurs dermes pourtant Ashe se raidit, comme s’il était celui qui crevait et non le reste, comme si les mots qu’iel énonçait était une demande qui n’avait pas lieu d’être. Il était le seul à pouvoir ainsi s’exprimer, le seul à ainsi pouvoir ordonner et être si irréfragable. Ainsi qu’il prit possession de tout ce qu’on lui mit sous le nez - aujourd’hui ne serait pas l’exception.

— Je pense que toi et moi ne nous sommes pas très bien compris. Le ton grondant la silhouette lourde qui s’affaisse contre ellui, et dans la ruelle déjà noire dans les méandres du silence, seules leurs présences miment le tumulte - Ashe le Minotaure vorace, le corps trop grossier pour être ignoré, la volonté trop ferme pour être remise en question. Il n’y a jamais été question de ce que tu veux - tu ne l’obtiendras certainement jamais. Jamais car il est définitivement supérieur, et ton audace brebis ne te sauveras jamais car autant qu’ils puissent persiffler les vipères sont toujours inoffensives lorsqu’elles n’ont plus rien à cracher.

Son éclat de rire le laisse indifférent, car il s’était habitué à cette impétuosité vile quand il l’avait traqué. Au fond, c’était simplement comme s’il était venu chercher et susciter des réactions qu’il avait déjà perçu plus tôt ; alors tout ne faisait que confirmer ce qu’il avait observé. Rien de trop perturbant, ni de bien méchant - quand bien même iel se prêtait à croire qu’iel l’était. C’était sans doute derrière ce caractère que se dissimulait réellement les Hommes.

— Je doute que les personnes comme toi sachent réellement ce qu’elles veulent. Creuser le mépris, simuler l’indifférence. Ce sont des cheminements mais ce sont bien loin d’être des aspirations ; Ashe lui avait façonné sa violence pour un but qui avait du sens, il en était persuadé. Mais ellui, derrière son mésestime, que cachait-iel ? Sans doute n’était-iel rien d’autre qu’une coquille vide qui errait sans but. Et quand bien même iel en aurait un, Ashe aurait probablement vite fait de lui arracher.

— Mais il faut croire qu’à force tu as fini par croire à tes propres mensonges. C’est toujours comme ça, avec ceux qui s’affirment trop faux pour qu’on les comprenne réellement, pourtant depuis que Ashe l’avait entrevu.e, c’était comme s’il lisait en ellui comme dans un livre ouvert. À ce que je vois tu n’as aucun mal à choisir des cibles sur lesquelles t’abattre. Ricanement qui se veut mesquin, même un peu joueur mais pourtant gouverné par le mépris - les humains comme les sang-mêlés se ressemblaient tellement sur ce point.

— Mais tu rechignes à être pris.e pour cible. C’est un peu décevant. Décevant, mais bien loin de lui ôter l’envie de continuer ce petit jeu duquel il tient les ficelles. Parce qu’iel est prisonnier.e de ce jeu et qu’il n’en est pas autrement, parce qu’il est le maître ici et que cette fois-ci, iel ne sera rien d’autre qu’une pièce.

Les vivants sont tellement lassants, qu’il faut s’accrocher à ceux qui lui offrent un peu de divertissement. Celui-ci cependant, n’avait aucune raison d’être aussi agaçant ; mais Ashe c’était bien décidé à ne pas le laisser filer. S’iel n’avait nul besoin de se raccrocher à des illusions, pourquoi donc s’efforçait-iel de paraître si sûr.e d’ellui - car Ashe était persuadé que ce n’était qu’un mirage, qu’une cascade de mauvaises langues, qu’un tableau peint de fierté qui dissimulait les faiblesses les plus béantes du monde.

— C’est vrai que c’est tellement évident en t’observant. Car il l’a observé, trop longtemps peut-être pour quelqu’un de normal - l’était-il seulement ? Car il l’a observé et a tout deviné, toute son arrogance manipulée, comme la vipère qu’il va saisir de ses mains pour l’étrangler. Elle s’agitera mais son corps va mourir ; elle s’agitera car la vipère n’est pas au sommet de la chaîne alimentaire. Mais son désintérêt notable laisse le Minotaure de côté, alors qu’iel semble confirmé.e dans l’idée qu’iel pourra fuir simplement.

— Et si on essayait ? Je suis sûr que ça va te plaire. Être pris pour cible - il est sûr que ça lui déplairait, car bien évidemment que personne n’aime être pris pour cible, lui cependant il adore prendre les gens pour cible. Il adore alors il lae veut. Et s’il lae veut il l’obtiendra ; et aussitôt qu’iel se dissipe iel la rattrape. Sa main simplement se relève et il attire son corps jusqu’à lui. Tu as des choses à faire ? Laisse-moi t’aider un peu. Le sourire monstrueux, l’attitude trop confiante. La main qui enroule de nouveau son arrière-bras ; tu ne t’enfuiras pas, brebis égaré. Laisse le loup te montrer la voie.

Ashe aimait le chasse, il aimait la traque car il était persuadé que la fuite rendait la chair meilleure - quoi de mieux que les muscles tendus et les esprits épuisés par la peur ? Cependant, cette chair là ne semblait nullement terrifiée, pas même épuisée. Simplement terriblement lasse et ennuyeuse, malgré sa langue de vipère. Bien qu’il persistait de lui arracher quelques réactions, rien ne semblait pouvoir perturber sa volonté.
Et à ce bras qui s’agite dans sa main, le Minotaure n’a qu’un sourire - probablement jamais assez béant pour exprimer tout l’amusement qu’il y trouvait.

— Quoi, tu as changé d’avis ? Rire qui fait écho dans cette ruelle vide, alors qu’il s’amuse à en rire. Au fond de lui, il était pourtant terriblement ennuyé, car c’était tout ce qu’il avait réussi à lui arracher. Heureusement que je trouve toujours une façon de m’amuser, car avec les vipères comme toi.. Mon immortalité serait bien longue - il pense, c’est certain. Rien n’était plus ennuyeux et décevant que d’être le seul à y prendre du plaisir, n’est-ce pas ?
Et tandis qu’il lae repousse d’un air ennuyé contre un des murs qui rendait les alentours si étroits, ses muscles raffermissent - quand ses bras doublent de volumes, il compte bien mettre un terme à ce petit jeu ; ou l’inciter à se défendre, qu’iel rende cela amusant.

— Et dire que je pourrais faire éclater ton misérable crâne simplement comme ça. Ses doigts s’articulent en sa direction, alors que son regard luisant d’animosité dans l’obscurité lae traquait sans cesse ; Que vas-tu faire, maintenant ? Lutter ou fuir, te laisser dévorer ou répondre par la parole, comme tu le fais si bien.

Il s’imaginait déjà lae consumer, dévorer sa chair avec tant de violence qu’iel hurlerait - cela lui semblait un scénario presque parfait. Car la vipère avait beau persiffler, elle n’avait rien d’autre que des ridicules crocs que le Minotaure aurait rapidement arraché, tout comme il comptait lui arracher la langue, et les membres un à un pour son bonheur personnel.
Pourtant, alors que c’est une tentative veine de se débattre qu’il attend, quelle n’est pas sa surprise quand sa victime se retourne ; et il comprend Ashe qu’il aura le droit à des heures et des heures de discussions interminables, s’il ne lae dévore pas maintenant.
Le visage tiraillé par la frustration, les bras gonflés près à s’abattre à tout moment, faire imploser son visage de couleur ardente - sans doute aurait-t’il déjà agi s’il n’y avait pas cette tonalité et son timbre qui dans sa voix, le forçait à reconsidérer son geste.

Plus il déteste cela, plus cette idée l’enveloppe - quelle satisfaction, n’en aurait-il pas aucune de lae dévorer ainsi, et maintenant ? Ne devrait-il pas attendre le moment propice, celui où iel sera si grand.e qu’il pourra lae déchiqueter avec le plus grand plaisir ?
Probablement, probablement qu’il le voulait tant qu’il a ignoré cette vaine tentative de persuasion un instant, mais que finalement son poison s’est propagé si rapidement qu’il en a embrassé l’éventualité.

— Te battre, te battre n’est-ce pas ? Toi la vipère.. Il rit, un instant et considère ses mots. La vipère parlait tant, mais ne semblait pas motivé à combattre. Sais-tu même te battre ? J’en doute - c’est pour cela que je devrais te tuer maintenant.. Mais quelle satisfaction ? Quel plaisir de consommer sa chair ?

— Félicitations, tu m’as enlevé tout plaisir de te dévorer maintenant. Ses muscles se raffermissent, mais son attitude est toujours si monstrueuse et solennelle. Il enrage de lui donner raison désormais, mais bien plus l’attend et il en sourit bien plus encore. S’iel lui avait proposé, avec joie alors ; Bien alors, tâche de devenir quelqu’un et la prochaine fois, je te dévorerais - ses bras s’écartent, l’air prêt à accueillir sa pleine puissance, si vide pourtant présentement. Fais vite.. fais vite et ne me déçois pas. Car si tu me déçois.. Il gronde à l’idée, il gronde d’y songer.
Ça n’arrivera jamais, car iel saurait se présenter à lui, iel saurait - alors cela ne serait plus une simple vipère, mais un véritable démon. Un démon dont manger la chair sera si gratifiant.