le week-end chez toi se passaient toujours aux forges entre commandes et paperasses. et bien que maintenant les commandes étaient sorties de l’équation, plus de paperasse s’y était rajoutée te tenant toujours occupé.e. Hai aussi avait le nez dans les livres et les papiers, occupé à faire ses devoirs pour la semaine prochaine, et distrayant parfois en te demandant de l’aide que tu essayais d’offrir au mieux. mais aujourd’hui, à peine arrivé.e.s, tu avais laissé ton fils seul dans les bureaux car tu devais régler une question qui était maintenant urgente — qui devait prendre le poste de forgeron en chef ?

dans ton temps libre, tu venais quand même aider à organiser les commandes de manière efficace, mais avec les nouvelles préoccupations, lois et attentes, tu savais qu’il était plus judicieux que quelqu’un prenne ce poste à plein temps. et il ne t’a pas fallu très longtemps pour repérer le candidat idéal à cette position, maintenant restait à savoir s’il la voulait cette position. tu regardes ta montre — 11:06, et bifurque vers la cuisine pour faire deux tasses de café, il n’est jamais trop tard pour ça. aussitôt fait, tu ressors chercher ton candidat idéal pour prendre la relève.

et c’était une chance qu’il avait un physique et une aura bien distincte - mais aussi parce que c’était le seul à qui tu as concédé le port des sandales dans les forges -, tu n’avais pas à le chercher trop longtemps avant de l'apercevoir, Mistral ! pour attirer son attention dans les bruits forts mais familiers des forges, tout en te rapprochant de lui avant de lui tendre sa tasse de café, salut… j’ai besoin que tu prennes ma place. direct, sans passer par quatre chemin, mais après quelques instants tu te rends compte que “ma place” n’était peut-être pas très claire mon ancienne place, celle de forgeron en chef. ce n’était pas formulé en question ou avec quelque politesse par parce que tu lui imposait ce choix mais plutôt parce que c’était, à tes yeux, le meilleur candidat.

“ah. non.” — une réponse simple et efficace. à quoi tu vas demander aussi simplement et efficacement pourquoi ? car il te fallait une raison valable pour considérer quelqu’un d’autre à cette place.

ah ? merci… du café était du café, ce n’était pas si compliqué de bien le faire ?... si ? tu te fais une petite note mentale que tu devras essayer de goûter au café de Mars un jour.

et tu laisses Mistral retourner à son travail mais refuse de partir. debout à côté de lui, tu l'observais en silence comme une ombre pesante sirotant parfois ta tasse de café — tu n’étais pas pressé.e et tu ne voulais pas qu’il oublie ta demande aussi facilement. au bout de quelque temps obtient enfin une sorte réponse à ton “pourquoi”. non, j’ai déjà commencé à y penser à mon élection. si on pouvait vraiment appeler ça une élection quand tu étais lae seul.e à t’être proposé en tant qu’ambassadeur.ice et que tes adelphes ont juste hocher de la tête car personne ne voulait cette place ? je savais bien que je pouvais pas être et ambassadeur.ice et forgeron en chef… tu as essayé et voilà où vous en étiez — tout est mal géré sur les deux front comme il te l’a si bien confirmé, donc il fallait que quelqu’un prenne ta place.

après avoir risqué de se faire gifler, la travailleuse vous dépasse rapidement entre étonnement et panique, et tu lui adresses un geste de la tête pour la saluer, pour t’excuser de la part de ton frère, tu ne sais pas trop. ce que tu remarques cependant c’est cette maladresse corporelle naturelle que vous partagiez entre adelphes, maladresse qui s’effaçait complètement une fois que vous aviez vos outils de prédilection dans les mains. dans tous les cas, tu l’écoutes attentivement et l’entendant râler au sujet d’un des comptables, un sourire en coin t’échappe tu vois, tu es attaché à cet endroit et à sa bonne gestion. tu bois une gorgée de café si c’est tout ce qui est comptabilité qui te dérange, je peux en effet demander à un.e des Athéna de t’épauler. tu avais fait de même après tout, tu t’étais fait épauler pour pas mal d’affaires car une seule personne ne pouvait physiquement pas gérer tout le travail que signifiait la gestion des forges !

à sa conclusion, tu fronces les sourcils, l’expression s’assombrissant un peu Mistral, dire que c’est ma corvée seulement est un peu exagéré… le nombre de fois où je t’ai demandé de m’épauler sur de la paperasse, c’est très vite devenu notre corvée... et peut-être que c’est toi qui exagères un peu, mais tu avais un but précis avec cette conversation et tu n’allais pas baisser les bras de si tôt. j’y ai réfléchi tu sais ? l’expression redevenu plus neutre tu passes autant, voir plus maintenant, de temps que moi aux forges, donc tu as une meilleure vision de tout ce qui se trame ici… puis tu es très bon dans ton métier donc ton opinion se fait entendre tu es aussi indépendant… assez pour être capable de gérer les choses correctement… même si je reste disponible en cas de doutes… tu bois une nouvelle gorgée de café - tu n’avais pas autant parler depuis le conseil des ambassadeurs - enfin, et surtout, tu fais un pas vers lui, posant une main sur son épaule, ton regard droit dans le sien tu es celui en qui j’ai le plus confiance. sincère.

non. ferme, tu secoues de la tête. tu n’étais pas quelqu’un de possessif, loin de là, mais les forges étaient le domaine de ta fratrie, de ton père, et malgré la présence de divinités d’autres ascendances, les forges restaient à vous et devaient être gérées par vous. il faut aussi participer à l’effort des forges pour que les commandes se fasse à temps, vérifier les dites commandes quand on nous fait la demande et éventuellement, souvent même, suggérer… imposer plutôt, des changements, vérifier que les apprentis sont bien formés… toutes ces choses que je t’ai déjà demandé de faire dans le passé… et ça les autres ascendances n’en ont pas les compétences.

tu hausse les sourcils en entendant la mention d’amour, un mot que tu ne croyais pas ton frère capable d’exprimer - c’était penser sans jugement, c’était juste ce que tu avais observé dans sa nature assez distante. et même lui s’en étonne il semblerait, pourtant il n’y a rien de mal dans l’”aimer faire” quelque chose… ok d’accord Ken. tu ne penses pas qu’il comprendra la référence, mais c’était toujours comme ça avec tes blagues - pour un public visé ou pas considéré communément comme “drôles”. et tu penses que j’avais les qualifications moi ? à part avoir un trop de passion, puis un trop de malheur ? je savais rien faire d’autre à part bien manier le métal et la technologie. et puis tu as appris, comme tout le monde. et Mistral n’est pas plus bête que toi alors il apprendra aussi n’est ce pas ? comme presque tous nos adelphes… alors que si je mets seulement quelqu’un d’Athéna ou d’Hermès, ça sera plus de gestion et moins de manuel justement… c’est pour ça que j’ai besoin que se soit toi et personne d’autre…. je peux même t’expliquer pourquoi tu es le meilleur choix de nos adelphes… si tu me crois pas. énonçant des faits, sans aucun agacement dans la voix, la patience - ou l'entêtement diront certains - était une de tes plus grandes qualités.

tu ne devrais pas
tu ne devrais vraiment pas

tu fronces les sourcils, pris.e de court par sa réaction, par sa peur presque de ce sentiment amical, fraternel que tu lui portes — pourquoi ? avait-il fait quelque chose ? quelque chose fait en secret ou bien tout simplement quelque chose qu’il cache ? tous ces non-dits vous empêchaient de parler sincèrement, mais qui es-tu pour lui en vouloir quand tu es lae premier.e coupable de ces non-dits ?
et pourtant tu voudrais savoir ce qui devrait t’empêcher d’avoir confiance en lui. tu voudrais savoir à quel point il avait tort et toi raison, ou bien l’inverse, mais tu voudrais savoir. l’air toujours perplexe, tu retires ta main de son épaule pour la poser sur un bord de ta tasse, comme pour lui donner quelque chose à faire.

tu suis ensuite le regard de Mistral et observe ces jeunes forgerons - comme à ton frère il ne t’a fallu qu’un instant pour comprendre ce qui n’allait pas - d’un côté attendri.e par leur manque d’expérience de l’autre agacé.e qu’on les laisse faire sans superviseur.e. il faudrait leurs dire. comme si tu avais lu dans ses pensées - toutes ces choses qui flottent dans son esprit. tu poses ta tasse de café en soupirant bouge pas Mistral, je reviens. et même s’il allait se planquer quelque part tu le trouverais, vous n’en avez pas fini avec cette discussion - qu’est ce que tu détestais ça, faire la figure autoritaire, l’administration…

tu t’approches du groupe d’apprentis, tout de suite paniqués par ta présence, mais tu les rassures et leurs explique d’où vient leur erreur. dos à Mistral, il pourra seulement deviner que tu parlais et voir que tu pointais du doigt des points des fourneaux, du feu, des outils, les apprentis eux-même et au bout d’un moment tu leurs montre même Mistral - expliquant qu’ils le trouveraient très souvent aux forges donc ils pourront toujours lui demander conseil, même s’il n’avait pas l’air très accueillant. tu restes encore quelques instants avec eux, leurs montrant comment bien allumer les fourneaux pour obtenir le résultat souhaité. après ton départ, ils étaient encore confus - en effet tu n’étais pas très bon pédagogue ! - et discutent encore entre eux avant de se remettre au travail.

face à Mistral, tu reprends ton café encore chaud - merci la chaleur des forges -, bois une gorgée et reprends il fallait, sinon ils allaient gâcher du métal pour rien… ça serait dommage… donc… marques une pause pour reprendre le fil de votre conversation ah oui… tu relèves le regard vers Mistral si on t’écoutait comment, et réponds-moi sincèrement, comment elles tourneraient les forges ? tu voulais savoir en quoi tu avais manqué ces dernières années, tu voulais savoir quelle était sa vision des forges, du monde, comprendre pourquoi.

les montagnes se devaient d’avoir leur secrets mais pour les gravir, les travailler, travailler avec, il fallait bien les découvrir, les tirer de ses entrailles donc dis moi. tu répètes plus ferme, immuable mais tu voudrais plutôt le prier.
et comme quoi être patient.e, borné.e, presque désespéré.e, paye bien vu que Mistral s’ouvre enfin à toi.

tu l’écoutes attentivement, l’expression neutre, puis au fur et à mesure de son discours, un léger sourire se trace sur tes lèvres, sourire qui s'agrandit et qui, quand il finit de parler, explose enfin en rire, sincère — oh que ton frère se trompe sur ta nature ! heureusement que le travail aux forges battait encore à son plein rythme, car sinon tout le monde se serait sûrement retourné pour savoir quelle était la raison de ce rire chez toi, toi qui riait si peu ! je savais que j'avais bien fait de te choisir. avec un sourire, qu’on pourrait dire vainqueur, sur les lèvres.

tu avais entendu des faits réels, sans explosion de colère ou de frustration. juste des faits. dont tu es conscient.e, mais tu es aussi conscient.e du fait de n’avoir rien pu changer - et peut-être cela te fait un pincement au cœur. les ambassadeurs avant moi ne disaient rien parce que qui écoute réellement les enfants d’Héphaïstos ? mais tu te trompes, si tu penses que je n’ai pas essayé de contester leurs commandes… mais en tant que simple forgeron en chef, qui allait m’écouter ? et depuis que je suis ambassadeur.ice il y a eu… d’autres soucis à gérer… mais tu es plus borné que moi donc c’est sûr toi ils vont t’écouter… pas que ce soit une mauvaise chose, au contraire… puis cette fois l’ambassadeur.ice sera du côté du forgeron en chef. pas simplement par un sentiment fraternel mais parce que vos idées sont pareilles, et parce que tu as confiance qu’ensemble vous pourrez changer les choses, surtout que vous étiez une bonne équipe auparavant donc pourquoi pas maintenant ? puis si ça peut te rassurer, le projet pour les lignes de tram de l’île va bientôt être approuvé… bientôt genre cette semaine… c’était étonnement facile à faire approuver car tout le monde le voulait mais… il fallait juste quelqu’un pour faire un projet entier… et le proposer. quelqu’un avec beaucoup de temps et qui veuille prendre la responsabilité d’un projet d’une telle ampleur.

tu regardes par terre, puis vos alentours, toustes ces forgerons, ces apprenti.e.s qui bientôt au lieu de faire des armes sans fin feront des rails, des trams et ensuite ça sera plus difficile de leur rendre cette routine insignifiante, donc ce sera plus simple de contester les commandes du Conseil — petit à petit les choses vont changer tu en étais sûr.e. puis ton regard revient sur Mistral tout ça pour dire que je suis sûr.e que tu dois prendre ce poste… désobéis autant que nécessaire - tu feras les choses comme il faut... on fera les choses comme il faut si tu préfères ne pas avoir tout la responsabilité. tu le taquines un peu. et tu espérais sincèrement que ces réponses, ce soutien inconditionnel que tu étais prêt.e à lui offrir le convaincront enfin de prendre ce poste.