Naissance elle est née en plein été à Vancouver. le père n’est pas là mais tant pis, sa mère l’aime pour mille. à cet instant, il n’y a qu’elles. c’est d’ailleurs ce qu’Olena se répète inlassablement, ce ne sera qu’elles jusqu’au bout. pourtant, maman seule à élever un bébé qui déborde d’énergie n’est pas chose aisée. son salaire ne paye pas de mine et les fins de mois sont de plus en plus compliquées. bientôt quatre ans après la naissance de Maeve, Olena se résigne. elle se laisse séduire par ce collègue, le fait entrer dans le cocon qu’elle a tissé avec sa fille. à deux, c’était mieux. mais à trois, on s’en sortira.

4 - 11 ans élevée dans un environnement familial difficile, Maeve nourrit des rêves et une résilience remarquable. autour d’elle c’est le chaos alors en grandissant, elle se jure de ne jamais suivre le même chemin que sa mère qui à son inverse, accepte la fatalité pour le bien de sa fille -mais ça, Maeve est trop jeune pour le comprendre. Olena lui cache la vérité sur son père et ses origines divines dans l’espoir de maintenir le lien fragile qui les unit. Cependant, les différences de sa fille sont de plus en plus difficiles à ignorer. À l’école, Maeve a du mal à s’intégrer, perçue comme trop étrange par les autres élèves. Rien ne l’atteint vraiment à cet âge, elle se soucie peu de l’opinion des autres et se concentre sur sa passion récente pour la cuisine. c’est la seule chose sur laquelle elle arrive à se concentrer pendant des heures. mélanger les saveurs, intégrer des ingrédients secrets, c’est là qu’elle trouve sa paix. quand les aliments se mêlent, elle ressent enfin quelque chose qui semble réel, constant. elle voyage immobile, voit le monde les yeux fermés.

11 ans finalement, elle est invitée à un anniversaire. elle redoute un peu cette offrande, se demande pourquoi on ne l’a pas ignorée cette fois-ci. comme ça, on pourra faire connaissance susurrent-ils, des sourires mielleux aux visages. et dans son innocence juvénile, Maeve se laisse convaincre, aveuglée par l'espoir fragile de se sentir enfin acceptée. pourtant, il faut peu de temps avant que les moqueries ne reprennent. seule contre tous, elle se réfugie à l’extérieur où une camarade de classe vient la réconforter. submergée par des pulsions violentes qu’elle ne comprend pas tout à fait, Maeve se jette sur elle et découvre une satisfaction morbide dans le goût du sang et de la chair. elle n’entend même pas la personne sous elle pousser des cris d’horreur, alerter les adultes aux alentours. finalement, on arrive à la repousser et Maeve revient à la réalité. les excuses se bousculent à ses lèvres, mais quand sa langue effleure le palais, le goût métallique la submerge à nouveau. elle en veut encore. elle sait dès lors que cette faim insatiable qui la consume ne sera jamais apaisée, et dans son désespoir elle réalise avec effroi qu’elle est à jamais prisonnière de ses démons qui l’engloutissent. prise de panique, Maeve fuit chez elle, où sa mère réalise l'ampleur de la situation. elle l’accompagne jusqu’à l’Isthme, lui indique la route d’un ton résigné. sans savoir exactement pourquoi ni comment, Maeve connaît le chemin, alors elle avance.

Maeve arrive à Nausikaa, les vêtements dépareillés, un noeud dans les cheveux, souillé d’un sang qui ne lui appartient pas. elle entend encore les derniers mots d’Olena : c’est ici ta place. personne ne voudra jamais de toi ailleurs.

nausikaa confrontée à sa nouvelle réalité, Maeve accuse le coup, consciente qu’il serait compliqué de faire machine arrière. quitte à vivre ici, autant vite s’adapter. pas besoin non plus de revivre le même enfer en boucle. elle explore chaque recoin, fouille, prend du plaisir à l’ouvrage dans tout ce qu’elle entreprend. à la colonie, personne ne la trouve bizarre. en fait, il est trop cool cet endroit ! elle ne néglige pas sa passion pour la cuisine et s’amuse à faire goûter ses petits plats aux volontaires. elle se répète tous les jours comme un mantra : c’est ici ma place. et peu à peu, cette affirmation devient sa vérité.

15 ans l’accident de l’anniversaire ne cesse de la hanter. elle n’en parle jamais à personne, réprime toutes les envies sinistres qui l’ont amenées jusqu’ici. pour penser à autre chose, elle s’investit pleinement dans la vie au camp : son sourire éclatant qui dévoile toutes ses dents, son humour incisif et ses délices culinaires en font une figure appréciée. malgré ses tourments, Maeve a trouvé une famille au camp, des gens qui acceptent ce qu’elle dévoile de sa personne, et elle refuse de tout gâcher. elle se bat quotidiennement pour contenir ses démons, dans l’espoir de préserver cet équilibre fragile qu’elle a enfin trouvé.

17 ans elle se laisse aller pour la première fois face à un nouvel arrivant qui l’interrompt dans ses activités. à ses côtés, elle se rend compte de tout, de son odeur, des battements de son coeur, elle l’imagine pomper le sang, se demande si elle pourrait le tenir, encore pris de pulsations, juste là au creux de ses mains. terrifiée à l’idée de succomber à ses envies, elle repousse violemment l’enfant qui se met alors à pleurer. elle prend la fuite et le laisse là.

tourmentée par ses pensées, Maeve sombre dans une profonde détresse. elle ne veut plus être là, aimerait disparaître. tous ces gens, ces amis qui l’ont accueillie, pourquoi leur veut elle tant de mal ? c’est en se refermant sur elle-même qu’elle pense prendre la bonne décision, dans un dernier espoir de protéger les autres. elle perd du poids à vue d’oeil, son visage se creuse et elle n’a même plus besoin de faire grand chose pour effrayer les autres. bientôt, l’enfant qu’elle était ne résonnera plus que comme une légende au sein de la colonie. même la cuisine, son refuge autrefois, ne lui procure plus rien. elle a l’impression d’être arrivée au bout de tout, d’avoir essayé tous les mélanges possibles, d’être trop limitée. tout la frustre, tout l’exaspère, mais elle en veut toujours plus. très vite, elle devient obsédée par l’idée de goûter à l’interdit, de créer des concoctions abominables. la nuit, dans l’obscurité, elle ferme les yeux pour laisser libre cours à ses délires. une tourte avec du foie… je suis sûre que la langue se marierait parfaitement avec un peu de cumin… en papillote peut-être ?

21 ans elle quitte le camp, c’en est trop. elle sait que si elle reste ici encore trop longtemps, elle craquera. le même sac qu’à son arrivée sur les épaules, elle s’en va sans dire au revoir à personne. elle a été forte assez longtemps.

et maintenant ? Maeve a trouvé sa place à Agôn District et s’est petit à petit fait un nom en tant que cheffe, notamment pour ses créations à base de poison - rien de très alarmant, juste de quoi titiller les papilles. ces nouvelles expérimentations culinaires lui ont redonné goût au métier et elle s’y plait bien comme ça. ses services sont souvent requis par des riches qui l’embauchent pour impressionner leurs amis tout aussi fortunés. ça lui paye son loyer, alors pas de quoi se plaindre. en dehors de son métier, Maeve s’est éprise de la vie nocturne animée. ses pulsions, elle a appris à les dompter lorsqu’elle ramène un malheureux chez elle après une soirée arrosée. elle ne va jamais très loin, les relâche toujours en vie et certains reviennent, en redemandent. alors avec les années, elle s’est tissé son réseaux d’amuse-bouches. elle est bien loin, la Maeve tourmentée. éloignée du campement, elle n’a plus personne, alors elle passe à table sans retenue. quand on lui demande pourquoi elle fait ça entre deux baisers, elle répond simplement pourquoi pas ?