préambule dans l'état mexicain du veracruz résident encore les descendants des civilisations méso-américaines. parmi eux, les nahua, autochtones agricoles.
et puis, izel, la femme obnubilée par la mort. c'est avec ironie qu'elle porte le nom de xolotl, le dieu canin qui triomphe des enfers. dans ses fantasmes, elle le chevauche, ce chien lugubre - s'enferme dans sa lubie, et dans l'extase de son propre sang déversé à l'appel du sacrifice, néglige l'équilibre du cosmos, en oublie le reste du panthéon. dans cette adoration, elle s'abîme, tente à plusieurs reprises de rejoindre la mort, échoue à chaque fois. l'univers lui renvoie toujours ses torts.
un soir, prise d'une fièvre, c'est bouleversée qu'elle s'en remet au destin. le sang transformé par les substances qu'elle a ingéré sans compter, elle s'agenouille, tremble, hoquète, implore. enfin, elle rencontre l'ange funeste - thanatos, attendri par son autodestruction, prêt à l'aimer le temps d'une nuit, de quelques battements, de cette passion qui ne s'invente que dans la déchéance. étrangère à ce visage, elle le découvre en clair-obscur, se dit qu'il n'est pas celui qu'elle attendait. le désir macabre et obscène se mue en révulsion. délirante, elle frémit, sanglote, secouée de spasmes face à cette apparition; se refuse à tomber dans les bras de cette silhouette décharnée. elle s'arrache à l'inévitable, se détourne de l'étreinte divine, se raccroche à la vie, miraculeusement.
dans un lit d'hôpital, le coeur en maintenance.

oiseau de malheur dissimulé par la nuit mortifère, hypnos épiait son frère jumeau - sans un soupçon, c'est presque par voyeurisme qu'il s'invite dans le coma d'izel.

narcose dans les limbes, les cocquelicots colorent les horizons des rêves à perte de vue. hypnos et izel s'aiment - il lui promet la léthargie, la comble de ce compromis entre la mort et la vie. (sous naloxone, l'organisme malmené persévère dans l'indifférence de l'idylle qui, déjà, prévoit sa descendance).
le souffle d'izel, petit-à-petit, se ravive, se passe bientôt du respirateur artificiel; thanatos, humilié, fulmine. les organes d'izel, progressivement, se raniment; thanatos, rancunier, attend.
puis le réveil, comme une fatalité : la stupéfaction de l'infirmier qui la trouve enceinte, sans explication, et la déchirure, le désarroi, l'envie de se rendormir. elle déteste déjà ce rejeton qui la force à exister à la surface; thanatos, tout-puissant, jubile : d'une sentence impitoyable, il le maudit.
puisque ta mère s'est détournée de la mort, toi, tu seras voué à me rejoindre, et ne t'en fais pas, c'est bien volontiers qu'elle t'offrira en patûre, elle qui, face à ma compassion, n'a pas su se donner. et partout où tu iras, tu seras accusé, blâmé, persécuté; c'est près de moi et non de mon frère que tu finiras - toi, je ne te laisserai pas t'échapper. tu es un agneau à sacrifier sur un échiquier couvert de charogne, et ça tu ne t'en remettras jamais.


intervalles de l'enfance ne reste que la crainte du courroux. courroux maternel ou courroux divin, il n'a pas appris à faire la différence. il ne soutient jamais les regards; il prie, observe le sang couler de ses paumes à ses poignets. mains jointes, les entailles se frôlent et se confondent. éperdument, s'évertue par l'abandon à restaurer l'équilibre du cosmos.
(des brimades de sa mère, de ses penchants et de ses coups portés, il a presque tout oublié).

nausikaa arraché au cocon étouffant de la sphère familiale, ikal n'est plus qu'une âme à la dérive. les épaules affaissées sous le poids de la bête affliction qui lui colle à la peau, il encaisse mais ne se plaint jamais - on ne lui a pas appris comment faire. il aime autrui sans apprécier personne; et parmi les siens qui lui sont pourtant si étrangers, s'abîme d'efforts pour se racheter (de n'être pas encore mort). si on lui demandait que raconter de ces années d'adolescence, il répondrait - peut-être à tort, inconsciemment ou fait exprès - qu'il ne s'est rien passé.

présent il voudrait plaire mais se révulse lorsqu'il se surprend à essayer; il voudrait qu'on le voit mais se dissimule derrière le voile astral du sommeil; dans la paix des nuits partagées par des inconnus, il dérobe un semblant d'intimité. (dans sa baignoire, l'eau est plus d'une fois rougie d'un sang qu'il imagine vénéneux, contaminé - corps étranger dont il doit se purger sans aucun doute).
dans la salle de réception du danaé, palace en faux-semblants, sa cage à lapin, il tue le temps. lit une bande dessinée, détale d'un bout à l'autre des couloirs trop grands, se plie en quatre, en huit, en mille. incorrigiblement, il s'accomode de sa servitude, sans attendre l'ombre d'un compliment qui n'arrivera jamais. faute de pouvoir s'attirer la sympathie ou la tendresse, il s'efforcera de susciter au moins la pitié.