Son entrée dans la faction régnante de la presqu'île était encore trop récente pour que se soient envolées ces persistantes pensées parasites, pour que se soit étouffé ce vilain sentiment d'imposture. Chaque montée des marches en direction de l'Ecclésia lui laissait librement le temps d'y songer : quelle place avait-il réellement au milieu de tous ces grands, lui qui était si jeune, si frêle, si inexpérimenté, si impressionnable ? Chacun brillait à chaque réunion d'une éloquence qui l'enfonçait un peu plus dans le silence.

La mine préoccupée, les gestes peu assurés, il prend place dans le siège qui lui est destiné et dont il a enfin mémorisé l'accès, pouvant désormais le retrouver sans aucune aide. Comme bien souvent lorsque l'assurance le déserte encore plus que d'ordinaire, il coince sa canne blanche entre ses genoux et laisse reposer ses paumes sur son sommet, à la manière d'un sceptre, feignant un aplomb inexistant au moins par sa posture, à défaut du reste.

À partir de là, il demeure muré dans le silence, mais l'attention néanmoins pleinement déployée, réceptive à tous les échanges. Le tonnerre qui gronde dans le lointain, preuve de la sombre humeur de David, lui rend les évènements encore plus graves. Sa mine se fait soucieuse en entendant confirmé de la bouche de son mentor que le sauvetage de Bellamy doit son succès aux résidants de l'Atè District – à ces égarés dont il aurait dû en toute logique faire partie, s'il n'en avait été pour son rare don de prophétie. Il ne sait, en vérité, quoi penser en cet instant du fait que ces laissés-pour-compte avec lesquels il a sans nul doute trop d'affinités pour quelqu'un de sa position ont supplanté les agents de sa faction.

C'est ensuite Malice qui prend la parole, de son éternelle voix doucereuse et ses intonations toutes diplomatiques. Mais lorsqu'elle suggère au détour de son discours que l'échec des olympiens pourrait être lié aux prophéties, Veselin s'empourpre et baisse la tête, empli de honte sous le coup de l'insinuation qui ne fait qu'amplifier le malaise qui l'habite depuis déjà plusieurs jours – la déception tenace et insidieuse envers lui-même d'avoir guidé involontairement ses compagnons vers la débâcle, et pire, dans le cas Kastiel, une mort irréversible.

Les interventions se poursuivent les unes après les autres, indifférentes à son embarras, et il finit par redresser le menton au bout d'un temps, le teint éclairci, mais les entrailles encore entremêlées. On mentionne l'arrivée de Dionne parmi les olympiens, qu'il ne connaît que très peu, il doit bien l'avouer. Puis le débat se porte sur la décision contraire de l'ambassadeur d'Aphrodite à celle de ses semblables lors d'un vote auquel lui-même n'a pas assisté. Son opinion n'a donc pas réellement de poids, et il compte encore moins se risquer à l'exposer lorsqu'est évoquée la nécessité d'être convaincant – chose que son éloquence encore maladroite ne saurait accomplir comme il se doit.

Son attention se retrouve piquée à la mention de l'affaire opposant Cecil et Midas, dont il n'a qu'à peine eu vent, ce qui l'empêche de bien savoir quoi en penser. De plus, il n'est pas suffisamment familier avec l'ambassadeur d'Arès pour nourrir le moindre avis à son égard. Il s'aperçoit alors, assez tristement, que la même chose peut être dite de la plupart des membres des olympiens. Promesse est faite, en silence et à lui-même, de remédier à cela au cours des prochaines semaines. Il ne peut continuer indéfiniment à faire figure de pièce rapportée au sein d'une faction qui demande un réel engagement.

Lorsqu'Angela prend la parole, sa chère et tendre grande sœur présente pour lui depuis l'époque de la colonie, il l'entend accepter la mission confiée par David, et se promet d'aller vers elle, une fois la réunion achevée, afin de lui proposer son aide. Encore une fois, le sentiment de légitimité, et donc la confiance qui en découle, lui manquent pour exprimer cette pensée à voix haute devant tou·te·s. Il demeure attentif aux interventions qui suivent, toutes pertinentes à leur manière, et ne peut empêcher son cœur de faire un léger bond en entendant son prénom dans la bouche de Diane. Son visage se ferme tandis qu'en son esprit reprend l'impérissable débat des termes et des conséquences de sa prophétie.

Qui est donc ce traître contre qui le destin, en s'exprimant à travers lui, vous a mis en garde ?