edith était arrivée comme vous saviez qu'elle arriverait ; nonchalante, mécontente, triomphante, sans un regard pour vous tous. elle ne dit encore rien, sa canne fait ce tac-tac-tac déplaisant sur le marbre de l'ecclesia, et c'est une centaine de souvenirs qui lui reviennent, des souvenirs du bon temps, le temps retrouvé, le temps des justes.

tu t'en remets à elle, cecil, et elle te répond, avec le sourire éteint des mères de criminels.

« tu as bien raison, mon petit. je suis peut-être la seule personne digne de confiance ici. »

rapidement, elle se désintéresse de ton frère, midas, le lionceau qui s'est fait prendre au piège, il ne l'intéresse pas, pas encore, plus maintenant. mais toi, ô toi, cecil, quel étrange animal tu es ! elle te fait face, cecil, te tourne autour, charognarde, et ce qu'elle voit, oh, ce qu'elle voit, ça n'est beau, ça n'est pas digne de ton nom, ça n'est pas digne de ton œil fier, oh non. de quoi oses-tu vraiment être digne, cecil ?

la cigarette à la bouche, car elle n'a pas pu s'empêcher de venir avec son écran de fumée, elle que vous avez chargée, avec cassiopée l'obscur.e, d'apporter la lumière ; elle accepte de vous voir, de vous révéler, mais pas de jouer à visage découvert : après tout, en audience, seul le juge ne jure jamais. et ça n'est pas parce que toi, cassiopée, son échec personnel, es le détecteur de mensonge attitré, qu'elle acceptera de jouer la place de simple avocat de la défense.

son pouvoir s'active dès lors qu'elle trouve tes yeux, cecil, elle a un petit mouvement de recul en voyant ta balance ; rien qui ne la surprenne, mais tout qui l'impressionne, comme toujours ; elle a conservé par delà les âges l'admiration pour le sublime des criminels patentés. dito reste interdite un instant, souffle sa fumée de cigarette, pensive. une scène idiote de violence se déroule sous ses yeux et ses yeux seuls, au dessus de tes mèches blondes d'enfant trop coupable. avide, elle regarde ce que le pouvoir de sa mère veut bien lui montrer, c'est peu et déjà assez, assez pour te haïr, trop pour avoir pitié. finalement, usée de cette injustice pratiquée avec l'aplomb des élus, elle claque des doigts, une fois.

une nouvelle scène se présente à ses yeux. loin d'avoir oublié le motif de sa visite, elle prend volontairement son temps, vous fait savoir qu'elle pourrait vous scruter ainsi tous, les yeux las, le cœur chaque fois un peu plus fermé.

elle claque à nouveau des doigts, plusieurs fois, de plus en plus vite, et chaque snap est suivi d'un zap plus rapide, qu'elle est la seule à scruter. pas une fois, le soleil ne vient pointer son nom au-dessus de ta face, pas une fois ta bonté n'éclaire le bref résumé de ta vie auquel assiste edith.

« il y aurait beaucoup à dire sur l'accusé, croyez-moi, commence-t-elle, faisant mine de ne pas entendre les couinements du frère-victime, mais il m'a été confié la tâche de ne juger qu'une affaire à la fois, et je suis femme de parole. »

edith lance un regard à la cantonade, les mains ouvertes, posture d'innocente.

« cela dit, je n'ai pour l'instant pas vu quoi que ce soit qui puisse être relié, de près ou de loin, à l'empoisonnement ou à la séquestration de la victime. cela ne veut pas dire que cela n'existe pas, mais la vision ne s'est pas encore manifestée. »

elle prend une pause.

« il faut dire qu'il y a… beaucoup à voir. »

distraitement, elle claque à nouveau des doigts ; rien d'intéressant ne se révèle. sous combien de mensonges et de vilenies cache-tu la vérité, fils d'arès ? et toi, nemesis, quand viendras-tu en aide à ta fille dévouée ?

« cecil warren, as-tu pris part, de quelque façon que ce soit, à l'enlèvement ou à la séquestration de ton frère midas au début du mois ? »

claquement de doigt, changement d'image.

« cecil warren, es-tu en connaissance d'éléments susceptibles de nous aider à déterminer qui a organisé l'enlèvement en question ? »

encore.

« cecil warren, l'enlèvement de ton frère et les… accords qui s'en sont ensuivis te servent-ils d'une façon ou d'une autre ? »

encore. ta balance finira bien par te révéler, fils de la guerre.

s

top. »

la voix de dito semble avoir tranché l'air, et empêche l'éclatement de la vérité. elle lève la main, impérieuse, et l'air semble se densifier autour de vous. peut-être que ce sont vos ombres qui s'agrandissent, donnant à la pièce un air tellement plus solitaire ; peut-être que c'est simplement votre imagination débordante ; peut-être que c'est votre culpabilité qui vous glisse le long de la nuque, qui sait ?

« cecil warren, tu n'as pas à répondre à cette question. »

puis elle se tourne vers toi, nate, dont elle ignore le nom mais méprise déjà l'arrogant appétit de justice : qui crois-tu donc être, pour réclamer une place dans ce procès ? agacée, elle lève un bras en ta direction, ne se donne pas la peine de claquer des doigts alors qu'elle fait défiler quelques flashs au-dessus de ta tête. tu n'es pas pire ni meilleur qu'un autre, mais cela ne devrait pas t'autoriser à outrepasser ta place.

« fils d'aphrodite, je suis certaine que lorsque notre très chère don nous a invités à nous manifester si nous avions des choses à rajouter, c'était sans doute par cordialité. nous avons déjà établi l'innocence de l'accusé sur les chefs d'accusation présentés en début de séance. »

elle se retourne vers vous tous, retrouvant sa posture d'innocente exécutrice : les coudes fléchis, les mains ouvertes, paumes vers le haut. elle est la balance, le comprenez-vous enfin ?

« comme je l'ai dit, j'aurais beaucoup à dire sur l'accusé, si c'était le motif de cette réunion. mais dans ce cas, commence-t-elle en faisant glisser son regard sur l'assemblée, et vos visages blêmes lui sont délicieux, il faudrait que je fasse de même avec chacun d'entre vous, par équité, n'est-ce pas ? cela serait bien commode : nous sommes tous réunis ici, et notre cher.e cassiopée confirmerait vos dires. quelle belle réunion de famille cela ferait, entre les menteurs et les lâches ! mais je pense que vous auriez tous plus à y perdre qu'à y gagner, en fin de compte. »

elle prend une pause.

« nemesis a rendu sa justice, et ses enfants ne participeront pas à vos querelles de chiffonniers, »

et alors qu'elle dit cela, elle vient rechercher tes yeux, cassiopée. lui feras-tu l'affront de ne pas suivre sa décision ?

« revenez quand vous aurez des preuves, et surtout des motifs d'inculpation pour cecil warren, ou un autre, ou une autre. »

elle semble tout à coup pensive, résignée. peut-être est-elle fatiguée de ces jeux-là. peut-être elle est aussi fatiguée de mentir, de prévoir, de danser sur l'échiquier sans savoir si elle est la reine ou bien un simple pion que sa mère choisira de sacrifier au moment opportun. elle finit par murmurer :

« nous devrons tous nous soumettre au jugement un jour, n'est-ce-pas ? faites en sorte de ne pas presser le pas de la justice : elle sera intraitable. »

indifférente à tous les autres, elle te fixe un instant, cecil. il n'y a aucun amusement de son regard, pas de curiosité non plus : qu'il y aurait-il de plus à voir en toi, sinon d'autres charniers, sinon d'autres victimes ? pourtant, elle sait désormais qu'elle pourra sans doute attendre quelque chose de toi.

je viens de sauver ta place, ton rang, peut-être ta vie. ne l'oublie pas.

finalement, pétillante, dissipant les ombres comme si de rien n'était, dito tape dans ses mains, et s'élance vers le pupitre de la greffière.

« alors, don, où dois-je signer ? vois-tu, j'ai récemment fait faire un tampon avec mon sceau et ma signature dessus, et je meurs d'envie de l'essayer... »