Naissance

Un beau matin d’été, au mois de juillet, Eliott voit la lumière extérieure ; il a rencontré sa tendre mère – il n’a jamais vu l’ombre de son père. Sa mère lui a murmuré des mots tendres pour le rassurer.
« Mon petit ange… Tu vas découvrir un monde curieux, et je serai là… »
Impossible pour lui de voir, impossible pour lui de sourire, mais il pouvait entendre la voix cristalline de sa protectrice, qui l’a pris contre sa peau nue pour le bercer.

quatre ans

La mort est encore difficile à comprendre à cet âge, mais Eliott s’est rendu compte qu’il ne verra plus son grand-père, ni sa grand-mère qui a rejoint son mari très vite après. Alors il pleure derrière la vitre où a eu lieu la crémation avant de voir les cercueils disparaître à tout jamais. Wendy s'accroupit pour se mettre à la taille de son enfant. Les sanglots sont incontrôlables pour le petit bonhomme, mais sa gardienne lui attrape les mains pour le consoler ; elle a aussi besoin de réconfort auprès de sa progéniture bien-aimée, car elle pleure en silence avant de prendre la parole.
« Mami et papi vivent encore, mon amour… »
Elle pose doucement sa main au creux de sa poitrine.
« Dans nos cœurs. Alors, ne les oublions pas… Continuons de les faire vivre près de nous. »
Il acquiesce puis sèche doucement ses larmes.
Depuis ce tragique événement, Eliott a pris l’habitude de parler à la photo encadrée de ses grands-parents se trouvant dans la chambre de sa mère ; il raconte ses journées, pose des questions sans réponses et surtout leur souhaite toujours une bonne nuit.

cinq ans

« Il est où mon papa ? »
Eliott comprend que son père n’est pas ici ; que contrairement à ses camarades d’école, il est seul avec sa mère. Mais elle ne dit rien de plus que de patienter sagement. Puis l’idée de lui narrer des histoires en lien avec la mythologie lui est venue à l’esprit et elle espère que plus grand, il en tirera des conclusions. Alors, chaque soir, avant de se coucher, il écoute attentivement les épopées. Le Dieu Hermès revient souvent dans les récits passionnés de sa mère, indiquant ainsi cette passion qu'elle ressent encore pour lui.

dix ans

Wendy s’écroule pendant qu’elle préparait la table pour aller dîner avec son fils. Pris de panique, l’enfant est bien assez intelligent pour demander de l’aide aux plus grands. Alors les urgences sont appelées et elle est vite transférée pour faire des examens approfondis.
Ses jours sont comptés. Le temps devrait se figer pour Eliott. Chaque matin, il pleure, de savoir qu’il se rapproche de la fin qui est inévitable.
Il veut profiter de ses derniers temps avec sa mère adorée, avant qu’elle s’en aille pour de bon.

douze ans

Cette fois, Eliott ne pleure pas, car il l’a fait depuis deux ans déjà – comme s’il était préparé à ce jour. Il ne verse aucune seule larme, même après ses derniers mots qu'elle souffle, lui avouant un dernier secret :
« Tu es le fils d’un Dieu. »
Incapable de lui répondre à cela, il lui dit simplement au revoir, car il sait qu’il la rejoindra un jour. Ses mots se sont mélangés dans sa tête. La confusion le rend impatient ; il espère avoir davantage d’informations concernant cette énigme.
Toutes les histoires ont une fin. Celle de sa mère est terminée.
Mais pour Eliott, ce n’est que le début.
On l’a accueilli dans un foyer, et quelques jours après, elle est venue ; cette femme à la beauté curieuse. Il pense être face à une fée, mais elle rejette son hypothèse, sans décliner son identité. Elle lui dit juste qu’elle connaît sa famille – et que son autre parent l’attend, beaucoup plus loin.
Sans hésiter, Eliott prend la décision de suivre cette nymphe et s'ensuit un voyage imprévisible.
Nausikaa se dévoile derrière cette brume qui s’est dissipée quelques instants après. Le jeune garçon découvre cette nouvelle terre, accueilli chaleureusement par toute la colonie.
Le soir, Hermès le reconnaît enfin comme étant son fils. La surprise ne se lit pas sur son visage. C’était, en réalité, tellement évident.

treize à quinze ans

L’adaptation à la colonie se fait sans encombre. Il se sent bien dans ce nouveau mode de vie qui lui procure des sensations nouvelles, aiguisant sa curiosité et son envie de s’évader.
Les entraînements se déroulent et sa motivation est palpable pour s’améliorer. Ses premiers accidents se déclarent ; il s’habitue vite et se fait surnommer le casse-cou par les autres de son âge.
Mais rien ne l’arrête, même pas un bras cassé, ni une jambe brisée et une fracture grave. Il se laisse emporter par ce besoin fondamental de libre-arbitre ; peu importe s’il met sa vie en danger.

dix-neuf ans

Sa première expérience en tant que messager. Il se sent libre et de plus en plus proche de son parent divin ; il espère ainsi attirer l’attention, et lui montrer de quoi il est capable.
Il ne voit pas sa vie hors de la colonie, mais le monde extérieur lui manque. Malheureusement, rien ne le motive réellement à franchir les portes de l’île pour retourner auprès des humains puisqu’il n’a aucun lien qui l’attache, sa famille mortelle étant disparue depuis des années déjà…

vingt-deux ans

La mort ne l'échappe pas – c’est une fin de partie, solitaire. Eliott n’est pas futé ce coup-là. Sa confiance en lui peut être trop grande. Trop assuré.
Il pensait simplement être capable de tout. Capable de dompter l’environnement de Nausikaa. Capable de vaincre l’impossible.
La chute est mortelle, il n’a pas eu le temps de se rattraper sur la falaise la plus haute au Nord-Ouest.
Un instant après, il a eu une longue conversation avec Hermès sur le comportement qu’il ne cesse d’avoir. Eliott se sent honteux.

Lorsque ses paupières se sont ouvertes, la tristesse s’est peinte sur son visage.
La leçon, il la retient un court instant – avec la frustration de se poser quelques limites qu’il déteste tant.

maintenant

Les questionnements fusent dans son esprit devenu chaotique depuis qu’il a goûté à la mort. Eliott se demande désormais pourquoi il est ici si le monde s’obstine à l’empêcher d’aller au-delà de barrières imposées.
L’ennui est vraiment son pire ennemi.