TW : automutilation, harcèlement, violence parentale

Naissance

Que le monde est vilain.
Quand ta mère rencontre le dieu aux sandales ailées, elle pensait juste que cela allait être une simple aventure pour faire passer le temps. Et le temps, elle l'a passé sans se rendre compte que tu as grandi pendant neuf mois dans ses entrailles.
Elle a fini à l'hôpital, un matin d'été et tu es né sans qu'elle l'ait voulu. Sans que tu sois désiré.
Au départ, elle ne sait pas vraiment si c'est une bonne idée de te garder. Mais elle a fini par craquer sur ta bouille de rejeton. Tu pleures si peu qu'elle pense pouvoir tout gérer.
Mais elle a eu tort.

Cinq ans à sept ans

Déjà des problèmes : tu ne parles pas à l'école, tu frappes tes camarades qui se moquent de toi, tu es dyslexique et tu ne tiens pas en place.

« Il y a rien qui va chez toi. Tu me fais honte. »

Ta mère est trop franche ; c'est pas vraiment méchant, tu te persuades que c'est le cas. Car elle se sacrifie un peu de trop pour toi, au point d'aller voir un pédopsychiatre qui pourrait découvrir ce qui ne va pas.
Et ce gars-là est un véritable charlatan car comme tu parles très bien avec ta maman, il en conclut :

« Ce n'est rien de grave, juste un enfant beaucoup trop capricieux et agité. Revoyez juste son éducation. »

Il a tout faux, et tu vas en payer le prix pour son diagnostic complètement éclaté, celui qui va continuer de te détruire à petit feu.

Elle hurle, te prive de plein de choses, te punit, et puis te dit que c'est pour ton bien. Et quand elle te voit en rentrant de l'école, le visage égratigné, les yeux rougit de larmes, elle ne peut pas s'empêcher de te dire que c'est toi le problème.
En réalité, tu es juste la victime préférée de tes camarades. On t'a dit qu'il ne fallait plus frapper, même pour te défendre, tu obéis. Quand on te crache à la figure, tu baisses les yeux et tu tombes sous les coups de pieds pour souffrir en silence.

Huit ans

Tu découvres ton véritable exutoire ; une porte pour s’échapper de la réalité : les jeux vidéo. Plus qu’une passion pour toi, une véritable obsession.
C’est ta mère qui t'a offert ta première console, trouvée pour pas cher en occasion, et tu la remercie mille fois. Le rare instant où tu pensais qu’elle en avait quelque chose à faire de toi.
En réalité, c’est la solution de facilité pour se débarrasser de toi sans faire le moindre effort.
Et tu sais très bien c’est quoi le pire dans l’histoire ; c’est que cela a fonctionné.

Dix ans

Ta réalité est tout autre.
Il y a cette nymphe qui frappe à la porte de ton foyer – une demeure toxique à souhait. Elle vient te sauver des griffes de cette mère ignorante et trop nuisible pour ta santé.
Tu es un demi-dieu et pour l'instant, c'est tant mieux. Elle t'embarque jusqu'à la presqu'île. Puis tu es désormais obligé de vivre en collectivité, un enfer sensoriel.
La cérémonie de bienvenue, tu l'as tellement mal vécu que le soir en allant te coucher, tu es resté muet comme une tombe, pendant que tes larmes coulent à flot.

Adolescence

« T’es bizarre. »
« T’es bizarre. »
« T’es bizarre. »
« T’es bizarre. »

« Ţ̶͕͙̝̝̍̅̚'̴̨̰͙͖̪̔͋̓̇̏e̷̬͂̃s̴̢̟̝̐̆ ̵̨̙͙̥̋̓͊̄b̴͚̆i̵̫̒͒͂̂ż̴͓̙̆̈́͐̋â̵̯̮̔r̵̩̠͎͕̈͋͌͆͘͜ȓ̷͒̋̓͝ͅe̴̘̚ »

L'acouphène strident dans tes oreilles ne veut pas s'arrêter.
Tu les entend rire, les doigts pointés vers toi ;
Comme on te l’a tant de fois répété et à force de l’entendre, tu as compris. Les autres sang-mêlés n’ont pas envie de t’intégrer ; et au final, tu t’en fiches, tu n’as pas envie de faire l’effort non plus.
Le sifflement dans ta tête ne veut pas s'en aller. Il ressemble à un cri continu – c'est ton âme qui appelle à l'aide.

La colonie est un enfer, un calvaire ; tu ne sais pas comment te sortir de là. Alors tu prends sur toi, silencieux, tu ne dis rien, tu veux juste t’évader, avec un peu d'adrénaline,
Pour ne plus l'entendre cet hurlement aiguë dans tes tympans.
Quand tu ressens trop les choses, dans ton cerveau tout est flou, puis soudainement vide ; c’est là que tu as compris que la douleur te faisait tout oublier.
Puis, maltraiter ton épiderme immaculée est devenu une banale habitude,
Un rituel, presque sacré.

Vingt ans

Enfin, il tant pour toi de quitter Nausikaa. Tu t’installes à New York dans un studio où tu vis ta vie de gamer acharné.
Ton talent est très vite remarqué ; tu entres dans une grande équipe e-sport et tu enchaines les tournois qui te font acquérir de l’argent. Ta vie est devenue plus facile depuis que tu utilises ta raison de vivre comme gagne-pain.
Ta mère, elle, tu ne la revois pas, elle n’a plus jamais demandé de tes nouvelles depuis que tu as quitté son foyer, puis de ton côté, tu ne comptes pas lui en donner.
Toi, ce que tu veux, c’est remplir tes étagères de trophés.
Un quotidien s’installe : tu alternes entre une vie privée de gamer solitaire, et professionnel où tu es très demandé – trop sollicité – trop acclamé.
Il y a un manque en toi ; un vide qui te rend nostalgique. La douleur physique, encore, celle qui te fait oublier la spirale infernale qu’est ta détresse mentale.
Finalement, il y a quelque chose qui te retient un peu à Nausikaa, alors tu y retournes quelquefois pour retrouver les rares personnes qui sont importantes à tes yeux.

Maintenant

Tu te cherches sans arrêt. Malgré la gloire, malgré le succès, malgré tout cela, tu cherches encore des réponses.
La vie que tu as choisie est particulièrement à ton image, mais il te reste trop de questions dans ta tête, elles saturent ton esprit.
Qui es-tu, Iseul ?

Quand le monde des dieux te rend trop anxieux, tu te réfugies dans ton appartement à New York.
Pourtant, tu as peur.
Tu es effrayé à l'idée de te faire dévorer – ce monde d'où tu viens, en réalité, t'as mis un monstre d'angoisse dans le ventre, une bête d'effroi dans l'âme.
Heureusement que tu as toujours trouvé du réconfort derrière un écran, dans ton antre de paix.