Création Une rose éclot, fleurit, flétrit, fane et retourne à la terre. Quand, à la tombée du jour, son dernier pétale chute sans un bruit, une nouvelle nymphe rejoint le jardin. Déposée sans jamais faire bruiser l’herbe, elle sera nommée Esychia, celle dont le nom signifie silence.
▬ Une éternité à vivre sur la même plaine, à admirer les mêmes aubes et subir les mêmes saisons. L’Arbre, alors, est là seule chose inconstante. Parfois, les pommes sont à un endroit, puis un autre. Parfois, elles sont aussi sucrées que du miel, parfois aussi douce qu’une pêche.
▬ Les temps changent quand Héra s’envenime, pointe du doigt celles qui l’ont trahies. L’Arbre, pourtant, n’a jamais cessé d’être protégé. Mais un serpent s’enroule autour de son tronc, meut ses écailles sur son écorce, toise chacune d’entre elles, et elle commence à regretter l’éternité qu’on lui promettait.

Disparition Les pommes sont intouchables. L’Arbre, leur Arbre, est prisonnier sous un hideux corps reptilien. Quand elles cherchent à s’approcher, à le distraire, à user de subterfuge, elles entendent sa voix résonner dans leur esprit. Il les met en garde qu’essayer apportera la mort.
▬ Certaines abdiquent, d’autres insistent. Elle insiste, jamais ne baissera les bras, qu’importe que les Dieux, les monstres ou la Terre elle-même de la rejette. L’Arbre souffre du sang glacé du dragon. Elles ont tué quiconque s’approchait de trop près, dansé jusqu’à la mort avec les inconscients et les égarés. Mais elle ne pouvait rien contre lui.
▬ Elle l’a détesté, et détesté si longtemps qu’elle en oublie le temps où il ne vivait pas sur leurs terres. Et sûrement que cette haine l’a amusé car elle ne périt jamais de vouloir caresser l’Arbre à nouveau.
▬ Après un temps, ce n’est plus pour voler des pommes qu’elle revient à lui.
▬ Quand elle comprend alors ses propres fissures, sa culpabilité envers l’Arbre la dévore. Une nymphe, une dryade sûrement, s’approche un jour du jardin. Esychia lui ôte la vie dans le silence de la nuit, dissémine les morceaux de son corps à l’entrée du jardin et abandonne à son côté le bijou qu’elle chérissait pour se faire passer pour elle.
▬ Au matin, tout le monde croira à sa mort. Esychia n’apparaîtra ainsi sur aucune fresque.

Pérégrination Elle rejoint la terre, une terre autrement plus vaste que leur prison. Mais elle a le vertige de tant d’espace, la douleur d’être seule, d’avoir abandonné derrière elle tout ce qu’elle aimait et tout ce qu’elle avait connu.
▬ Le demi-dieu portant le nom d’Héraclès cherche à rejoindre le jardin. Elle refuse qu’il s’y aventure, toujours Hespéride et fière protectrice des pommes d’or. Elle le guide vers Nérée, sûre qu’il pourra l’achever avant qu’il ne s’essaye à rejoindre l’île.
▬ Nérée échoue, Atlas est dupé. Elle les hait tous, elle hait tous les hommes d’être ce qu’ils sont. Elle n’apprendra jamais que Ladon est mort de cette quête.
▬ Elle parcourt le monde, immortelle, ne peut s’attacher à personne de peur de perdre à nouveau, ne peut devenir personne de peur d’être retrouvée. Petit à petit, son nom se fane.

Destruction Elle se mêle aux Hommes, se perd avec eux, se nourrit des corps et des cœurs et devient Danaïde de leur spiritueux. Mais l’on perçoit sa différence et celle-ci lève des Damoclès au-dessus de sa nuque.
▬ Elle ne peut joindre les Hommes, elle se fond donc dans leur entre-deux. Proche des demi-dieux, elle joint leurs rêves de grandeur, trouve dans leur violence un moyen de s’oublier. Alors elle tue.
▬ Il y a deux siècles de ça, elle participe à la chasse contre Myrmeke, avec d’autres demi-dieux. Le sang coule et coule encore, et elle s’en baigne tant que l’odeur des pommes et de l’écorce quitte à jamais sa peau.
▬ Un massacre qu’elle ne supportera pas, trouvant dans les pleurs de la fourmilière le souvenir de sa propre famille et la douleur de tout perdre. Ce fut sa dernière limite avant la tristesse. Elle s’abandonne à un long sommeil dans les montagnes.

Disparition C’est un grondement de la terre qui la tire de sa léthargie. Cent années écoulées, et la terrible sensation de deux billes lumineuses scrutant ses moindres mouvements, comprenant ses moindres pensées.
▬ Elle ne se sent plus en sécurité nul part, ni parmi les Hommes, ni parmi les demi-dieux. Elle cherche à rejoindre les Dieux alors, prie Artémis de la prendre sous son aile et sous sa protection, mais elle refuse son corps impur. Aucun Olympien n’est appelé de peur qu’Héra ne la ramène au jardin.
▬ C’est Némésis qui répond à son désespoir. Faites qu’on ne retrouve jamais Esychia., supplie-t-elle, et Esychia s’endormit pour toujours. Son apparence fut changée et son vrai nom oublié de tous, emportée par la déesse. Oublié d’elle, de ses sœurs, de l’Arbre, de l’histoire, comme si elle n’avait jamais existé aux yeux des Cieux.
▬ Elle est déposée parmi les demi-divinité sous un hurlement déchirant.

Éclosion Echo évolue à Montauk d’abord, voit les morts et les monstres, et reste à Nausikaa en suite pour assurer sa sécurité. Elle veut les soigner d'abord, comprend qu'il en revient toujours plus. Elle arme alors les demi-dieux et voit le sang couler le long de ses lames. Puis Nausikaa émerge et les enferme tous. Elle trace les contours de l’île comme elle avait tracé les contours du jardin et songe qu’elle n’a pas la force d’affronter le monde, sûrement est-ce mieux de rester ici.
▬ Le monde l’appelle pourtant, car il l’a oublié mais son cœur à elle se souvient de tout. Il se souvient de la peur, de l’amour, de la liberté qui résonne en son sein. Echo qui ne veut plus être silence.