pour la toute première fois tu arrives en retard, Sasha ; alors même qu’entre vous les heures n’existent pas ! mais vois-tu entretemps quelques sombres ont passé, de ces heures sans retour aux secondes immuables ; après tout n’en faut-il qu’une poignée pour acter, tu sais, l’à perpétuité dont on ne ressort pas : pour signer un contrat sinon vendre son âme, deux ou trois et de l’encre nacarat font l’affaire.

trop tard. tu viens.

chez Lazare seulement c’est chez une autre, aussi - l’encore très innommable, malgré le nom joli - appelons-la s’il te plaît la terrible anonyme. elle a plein de labels différents et divers - tout dépend du moment des journées et des nuits - à l’aube, en général, c’est la belle endormie, tandis qu’à midi pile c’est une bouche à nourrir. à la tombée du soir son baptême est flottant - de la faute à Lazare qui ne sait qu’en penser - d’elle, dès lors la lune haute, il s’inquiète en silence quant à la vraie nature ; comment te la décrire ? en taisant son essence, sans tellement te mentir ;
elle, c’est sa tant attendue, sa salvation peut-être - peut-être sa propre perte - elle, c’est une torsion du ventre impossible à délier ; à la fois c’est un songe qui le rassure fort, comme une maladie, comme quand on vous annonce quelques temps à souffrir avant que votre fièvre ne vous achève enfin ; elle,
c’est sûrement celle qui lui sonnera le glas,
et le savoir, au fond, c’est cela qui l’apaise.

elle, c’est surtout un secret qu’il t’aurait bien caché si tu n’étais pas là, tout de suite à sa porte ; trop tard ! Sasha- au-delà l’interstice, tu te tiens et Lazare n’a pas le temps de dire - c’est rien, va-t’en - sans voix et c’est trop tard
tu l’as vu, elle ; c’est Ange.

quand même il te le dit, c’est rien- mais soudain tout survient, si vite : votre étreinte défaite et les boissons lâchées, vos pieds éclaboussés, la cohue dans les cœurs ; le sien s’affole autant que les oiseaux en cage lorsqu’ils sentent le soufre, la déflagration proche ; tu le toises et ta main se lève presqu’aux armes ;

arrête- c’est rien arrête ! qu’il te siffle aussitôt ;
te saisit ton poignet de peur que tu ne l’arrêtes,
elle, ce n’est rien qu’un cauchemar, Sasha,
c’est trop tard mais rentre, promis
je vais tout t’expliquer.