mars ※ un club privé où on trouve des gens peu habillésAu paradis d'une éhontée luxure, la silhouette empressée de Ange s'était invitée ; les épaules droites, le regard gourmand dévorait les courbes ici et là des danseurs, des danseuses, des clins d'oeil perdus dans sa direction qui lui serraient le coeur. Les pensées embrumées, le chaos pulsait à l'intérieur, et elle avait traversé des couloirs infinis de beautés éternelles comme si elles avaient toutes été d'Aphrodite.

Ange était entrée sans s'annoncer, ouvrait une porte sans laisser aucun hasard décider laquelle ; la voix claqua dans l'air à l'encontre des deux prostituées qui encadraient le corps partiellement déshabillé de Duke.

Dehors.

Alors sans s'encombrer d'aucune pudeur, elle s'était approchée de lui, avait grimpé sur le lit pour s'y accroupir, les bras entre les cuisses tombant entre les draps désordonnés. Et les paupières grandes ouvertes ; le regard de Ange dévora son frère.

J'ai besoin de toi.

Pose un index sur son front, à celui de Duke ; comme un irrepressible besoin d'établir le contact.
Ne regardait que ses yeux, le reste n'avait aucune importance.

Il faut que tu me dises son nom.

Elle ne l'avait pas oublié ;
Elle ne l'avait jamais oublié.
Elle avait besoin de l'entendre.

Le nom de l'enfant de Dionysos. Dis-le je veux l'entendre.

Pendue à ses lèvres.

mars ※ un club privé où on trouve des gens peu habillésA la violence abrupte qui attrapa l'arrière du crâne, Ange ne s'habilla d'aucun sursaut, d'aucune surprise ; les yeux mangeaient tout entiers le visage de Duke et ses cicatrices comme si elles avaient toujours été gravées là, comme s'il n'avait jamais eu d'autres visages que celui dépiécé.

Les noms se suivirent et Ange se délecta de chacun, voulait agripper entre ses dents et ne plus jamais laisser partir les existences qui, sporadiques, s'invitèrent entre elle et lui ; et si tous ces noms avaient des visages, alors elle aurait aimé pour chacun d'eux les embrasser et en déchirer la peau comme elle avait fait pour l'Hydre, y laisser une trace et signer de son nom.

Elle déposa deux doigts au coin de ses lèvres, à Duke, lorsqu'il s'énervait ; et le sourire radieux éclaira son visage, à Ange, lorsque finalement il le lui donnait ; le nom de Bellamy qui coulait de lui ; et de la plus belle voix qui puisse. De quelques sursauts ; le rire.

HAH. AH. Bellamy, Bellamy, Bellamy.

Elle caressa les deux cicatrices et poussa de son front contre le sien.

Oui, c'est ça.

Les doigts retombèrent ; les bras entre ses cuisses toujours repliées, accroupie là et penchée en avant, maintenue par les cheveux agrippés entre les doigts fermes de Duke.

Le regard de Ange brillait de lueurs indicibles.

Au fond, tu es un petit peu à moi, toi aussi.

Elle avait marqué son nom au coin de ses lèvres.
C'étaient ses serres qui se rappelaient à lui dans le miroir.
Alors le sourire ne voulait faner ; elle était heureuse, extatique, ça grouillait au fond de sa cage thoracique.

Alors c'est pas grave, mon Duke, mon doux, que ce soit ta proie. Je te laisse tout ne t'en fais pas, tu peux manger, et jusqu'à ce que tu ne puisses plus rien avaler. Je viendrai derrière ramasser des restes de sa carcasse. C'est ta proie c'est vrai, hah, tout à toi, tout à toi. Et je ferai d'autres entailles ici et là.

Caressait le visage, dessinait des lignes sur les sourcils, les joues, d'une seule main qui s'était levée, insolente.

Comme ça tu seras tout à moi, tout à moi. Et je serai rassasiée de ta proie car j'aurai grapillé ce qui aura ensanglanté ton visage. Mais ça fait longtemps, Duke, et tu ne manges pas. Alors j'ai faim, moi, quand est-ce que tu le mangeras ?

mars ※ un club privé où on trouve des gens peu habillésGloussait à ses lèvres un rire qui ne voulait rien dire ; expression impulsive d'une émotion sporadique qui s'éteignit aussitôt qu'elle avait sursauté au fond de la cage thoracique. Le rire se fondit au silence lorsque les derniers mots de Duke firent écho sous son crâne et bientôt le regard s'illumina de lueurs détraquées, les deux mains de Ange se levèrent à celle de Duke qui la maintenait ; loin de l'intention de le faire lâcher ; qu'il la tienne plus fort, d'ailleurs ; elle ne le sentait pas assez.

Oh.

La main de Duke la lâchait et les siennes avec, les yeux tombèrent ses ses doigts qui revenaient à lui-même ; l'abandonnaient.
Le sourire carnassier, toutes les dents dehors, les crocs brillaient comme s'ils avaient été limés lorsqu'elle releva le regard.

Et si je t'aidais ?

Les deux mains en avant pour se retenir de tomber alors qu'elle se penchait vers lui ;
Jamais ne clignait des paupières.

Un aigle ça se remarque moins qu'une hydre, tu ne crois pas ?

Et tout à coup le pouvoir s'activa ; l'obsession inlassable, Duke n'entend plus qu'elle, ne voit plus qu'elle, ça luit de lueurs étranges dans son regard qui ne se fermait pas.

Je rentre, je le fais suivre le lapin blanc et le voilà pris au piège au pays des merveilles.

Du bout de ses doigts, vint cueillir les doigts de Duke, releva la main pour qu'elles atteignent la même hauteur que leurs yeux.

Et je ne l'emmène ni voir la reine ni le chapelier : je le fais se perdre avec le chat.

Fit écho à sa propre voix.

Le chat, le chat.

mars ※ un club privé où on trouve des gens peu habillésLe chat, le chat.

En écho à elle-même, Ange vagabonde, Ange en sa propre perdition semblait flotter au-dedans, se berçait à son propre regard, perdait son attention, à elle aussi, un rire gloussait à ses lèvres, à ses yeux qui brillaient.

Le chat ça ne te plaît pas, huh.

Ferma les paupières, le pouvoir s'éteignit progressivement, l'obsession n'était plus que la sienne, à Ange, Duke libéré de l'emprise ; et elle balançait de droite à gauche, le sourire brûlait à son visage fou.

HAHA, HA, DUKE

Les mains gagnèrent l'arrière de sa tête, à l'hydre, et elle bascula en arrière, tomba le dos contre le lit, écarta les bras entre les draps, les yeux s'ouvrirent sur le plafond, Duke au creux de son cou.

Tu n'as toujours pas compris, pas vrai ? Je suis toi, je suis toi, je suis toi, quelque part, au fond. Je n'existe pas vraiment

Riait nerveusement.

Je suis toi, es-tu moi ? Je ne sais pas.

De ses deux mains contre son torse, poussait avec force pour l'envoyer plus loin, se libérer de son corps ; elle roula hors du lit, se retrouva à genoux par terre, les deux bras encore sur le matelas, allongés en avant, le visage posé entre les deux.

Si je suis toi, alors comme tu ordonnes à tes jambes de te porter, tu ordonnes à Ange de t'amener à manger. HAH. Ordonne, je fais. Je fais, je fais. Je suis toi, rappelle-toi.

Les lèvres entrouvertes dans un sourire qui laissait apparaître ses canines comme si elles avaient été limées.

mars ※ un club privé où on trouve des gens peu habillés"Ma préférée", articulait-il ; mais déjà Ange n'écoutait plus.
Les mots s'écrasaient dans des fracas sourds sous le crâne, sans jamais atteindre la conscience qui s'étiolait à mesure que l'imaginaire s'emballait.
Le sourire flottait aux lèvres.
L'excitation mordait le coeur.

LE CHAT ET LE LAPIN, DUKE !

Avait roulé sur le matelas, au travers des draps, le corps extatique s'était empressé de quitter la pièce, à toute jambe, le laissa en proie à ses propres amplitudes ;
Avant de revenir dans l'encadrement de la porte.

Décoiffée par ses extases.

Je n'en veux pas.

Elle avait une proie rien qu'à elle, le coeur rempli d'amour ; Ange n'avait pas tant besoin de Bellamy, elle avait trouvé à travers les secrets murmurés au fond de sa cage thoracique un endroit rien qu'à Ange ;
Réalisait que ce n'était pas planter ses crocs en Bellamy qu'elle voulait - mais juste voir ceux de Duke s'y enfoncer.
N'avait pas si faim de lui ;
Avait faim d'autre chose.

Alors Ange répéta ;

Partager. Ca ne m'intéresse pas. Je fais pour toi. HAH. Le festin approche ! Le chat et le lapin, le lapin et le chat.

Repartait en répétant ;

Pas le chat, chapelier, pas chapelier, le chat...

Les couloirs hantés par les élucubrations de Ange vagabonde.
Le coeur haut de bientôt donner à Duke adoré ; adulé ; aimé de toutes ses entrailles ;
Dévorerait avec les yeux et le coeur tout ce qu'il avait à lui donner.
Croyait ; naïve Ange.