seraph n'avait rien dit non plus. il avait entouré arden de ses bras, avec une certaine pudeur peut-être, une retenue qui se réduisait à ce silence. et puisque les pleurs ne le comblaient qu'à grand peine, il était soulagé de ne pas avoir à prétendre être un autre. arden était la première personne vivante que seraph tenait contre lui, depuis précieux. sans avoir jamais fait la guerre, elle comprenait, mieux que les autres, la tendresse dont il avait fait preuve en choisissant de tuer. coupable, alors, de ne pas se cacher et de recevoir cet amour égoïstement, seraph pressentait qu'il finirait par le souiller de son orgueil.

la main posée à plat contre l'arrière de son crâne, seraph caressait les cheveux d'arden d'un geste absent. non, non, c'est rien. sa propre voix lui paraissait étrangère, fausse. il était habité par une douleur lointaine et familière. c'était la réminiscence d'une plaie lancinante qui lui rappelait ce qu'il était avant d'être seraph.
il n'avait pas peur de réconforter arden mais ne savait pas comment faire. face aux larmes qu'il était incapable d'imiter, il se percevait cruellement inapte : là où devait se trouver son cœur, il lui semblait ne sentir qu'un espace inversé en soi-même, négatif à la matière autour.

seraph posa ses mains sur les épaules d'arden et l'encouragea à reculer afin de lui faire face. en dépit des précautions qu'il y mettait, ce geste lui apparut d'une violence illégitime.
c'est juste là, un regard lancé en biais vers la maison, dont la silhouette solitaire se détachait à travers la verdure. seraph cherchait ses mots. le problème ne venait pas de la langue, qu'il maîtrisait encore, mais du registre, qu'il n'avait jamais appris. il énonça l'évidence. on rentrera ensemble. il s'efforçait de regarder arden en lui disant mais il devinait l'émoi se dessiner sous ses paupières et se sentait forcé de baisser les yeux.